Comment l'Atelier d'Eco Solidaire recycle les déchets en emplois durables

Conjuguer recyclage des déchets, créativité et créations d'emplois : c'est le pari réussi de l'Atelier d'Eco Solidaire, installé à Bordeaux Nord. Sept ans après sa création, l'association, qui réemploie des déchets dans une démarche artistique, a créé 17 emplois et affiche un taux d'autofinancement de 85 %, démontrant au passage toute la pertinence des contrats aidés.
Le showroom et l'atelier de l'association sont situés 7 rue de la Motte Picquet, à Bordeaux.

"Nous sommes l'exemple par la preuve que les contrats aidés fonctionnent", lance Fabrice Kaïd, 54 ans, le directeur et cofondateur avec sa femme Nathalie Kaïd, de l'Atelier d'Eco Solidaire. Cet ancien rédacteur en chef d'un magazine de décoration à faire soi-même est à l'origine de la recyclerie créative installée à Bordeaux Nord et, plus récemment, aux Aubiers. Derrière l'appellation atelier, se cache néanmoins une structure d'ampleur qui, inventaire à l'appui, devrait collecter 300 tonnes de déchets dans l'agglomération cette année pour en réutiliser 72 %. Pour Fabrice Kaïd, ce sont les contrats aidés qui ont permis d'amorcer en 2010 ce projet d'économie circulaire en compensant la quasi-intégralité des cotisations sociales :

"Non seulement, on a sorti des gens du chômage puisque 100 % des personnes qui sont allées au bout de leur contrat aidé sont restées en CDI chez nous mais sans cet outil nous n'aurions tout simplement pas pu démarrer l'activité. Les contrats aidés nous ont permis de financer la R&D et les expérimentations et innovations sociales."

Cette innovation sociale s'est concentrée sur ce qui fait la singularité de l'Atelier par rapport à d'autres recyclerie : la valorisation créative et artistique. Les ébénistes, couturières et designers réutilisent en effet les déchets pour créer des objets, mobiliers et luminaires, souvent sous la forme de pièces uniques à forte valeur ajoutée.

12 salariés en CDI

Et les résultats sont là ! Après un an de bénévolat, une équipe de cinq salariés s'est constituée en 2011 composée de quatre contrats aidés et d'un CDI. Sept ans plus tard, l'association compte 12 CDI et cinq emplois aidés menacés par la récente décision du gouvernement de limiter le recours à cet outil, jugé insuffisamment efficace. Sur ces cinq postes, deux sont aujourd'hui supprimés, un a été transformé en CDI, un sera finalement renouvelé au 1er décembre et le dernier est toujours en discussion avec la préfecture. Des atermoiements que Fabrice Kaïd a bien du mal à comprendre :

"Je ne vois pas la logique économique derrière l'arrêt des contrats aidés. Nous avons utilisé les subventions pour payer les cotisation sociales donc l'argent ne se perd pas tout en permettant de créer des emplois durables. Sans compter toutes les externalités positives liées à la reprise d'un emploi qui ne rentrent pas dans un bilan comptable."

Et le dirigeant de l'Atelier de mettre en avant "l'impact psychologique et humain positif de la reprise d'un emploi", "la possibilité de s'ouvrir à d'autres horizons", et "de bâtir un réseau professionnel". En particulier pour les personnes souvent fragiles socialement qui sont employées par l'association. Fabrice Kaïd vante ainsi la pertinence de "la société du faire par rapport à la société de l'avoir" en référence aux travaux de l'économiste Philippe Moati.

85 % d'autofinancement

Pour mener ce projet et pérenniser les emplois crées, l'Atelier a très vite cherché à bâtir un modèle économique autonome. L'an dernier, l'association a ainsi affiché un chiffre d'affaires de 343.000 € dont 85 % sont issus de ses activités marchandes avec quatre ressources principales :

  • la vente directe d'objets issus du recyclage et du réemploi (12.000 pièces vendues en 2016 pour 140.000 €).
  • le design d'espace pour les entreprises pour 70.000 €. L'Atelier a notamment œuvré à la bibliothèque de Meriadeck, à la Cité du Vin et pour diverses sociétés privées.
  • l'accompagnement et l'expertise auprès d'entreprises sur les thématiques du développement durable (déchets, recyclage, biodiversité, etc.) pour 50.000 €.
  • des animations et des évènements avec des écoles, des bailleurs sociaux et des entreprises (30.000 €).

Les aides publiques se limitent à 60.000 € dans le cadre des contrats aidés et à une subvention directe de la mairie de Bordeaux de 14.000 €. S'y ajoute, hors bilan, d'une part la mise à disposition d'un local par Bordeaux Métropole évalué à 79.000 € annuels et, d'autre part, les 10.000 heures de travail des 44 bénévoles dont la valeur théorique atteint 110.000 €.

En 2017, le chiffre d'affaires devrait monter à 500.000 € grâce à un appel à projets européen de près de 200.000 € remporté par l'Atelier.

Un modèle robuste à pérenniser

C'est la force de ce modèle économique quasi à l'équilibre qui permet à l'association d'affronter relativement sereinement cette problématique des contrats aidés. Pour les années à venir, l'objectif sera d'abord de pérenniser ce modèle avant de continuer à grandir. "Bénévolat, salariat aidé, CDI : notre prochain défi est maintenant d'arriver à rémunérer nos compétences à leur juste valeur", résume Fabrice Kaïd, qui ne manque pas d'idées pour sécuriser l'avenir de la recyclerie.

Le principal projet dans les cartons est la candidature à l'appel à manifestation d'intérêt AIRE lancé par Bordeaux Métropole et la Caisse des dépôts. En partenariat avec quatre autres associations bordelaises - le Livre Vert, Solibat, RCube et le Relais - l'idée serait de créer à l'horizon 2020 une vaste zone dédiée au réemploi, au recyclage et à l'upcycling regroupant les locaux des associations, des parties communes, des structures pédagogiques et un supermarché. Une infrastructure qui permettrait d'intensifier encore la vocation de ces associations de communiquer et sensibiliser le public à la question des déchets.

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