Guerre en Ukraine : « Les chars russes sont passés devant la porte de l'usine »

TÉMOIGNAGE. Entre sidération et consternation, Alain Petit, le président de l'ETI bordelaise Corep Lighting a vu son usine basée en Ukraine, près de la frontière biélorusse, basculer dans une autre réalité après le déclenchement de l'invasion russe le 24 février dernier. Il raconte à La Tribune cette situation hors norme qui risque de durer.
Avec l'entrée des chars russes en Ukraine, l'entreprise bordelaise Corep Lightning a fermé son usine située dans l'agglomération de Tchernihiv, dans le nord du pays, non loin de la frontière biélorusse.
Avec l'entrée des chars russes en Ukraine, l'entreprise bordelaise Corep Lightning a fermé son usine située dans l'agglomération de Tchernihiv, dans le nord du pays, non loin de la frontière biélorusse. (Crédits : CARLOS BARRIA)

"Les chars russes sont passés devant la porte de l'usine... La route principale pour rallier Kiev depuis la Biélorussie passe forcément par Tchernihiv", lâche un Alain Petit encore abasourdi par la tournure des évènements politiques et militaires de ces derniers jours.

Tchernihiv c'est la ville ukrainienne où son entreprise Corep Lighting, basée à Bordeaux Métropole, possède une usine de fabrication de luminaires depuis une dizaine d'années. Située à moins de 90 km de la frontière biélorusse, l'agglomération de Tchernihiv compte autour de 290.000 habitants. Elle est située sur l'axe nord-sud emprunté dès le jeudi 24 février par les troupes russes entrées en Ukraine pour cibler Kiev et tenter d'encercler la capitale. L'usine de Corep se trouve donc de fait, à une poignée de kilomètres des zones de combats.

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"Tous nos clients ont annulé leurs commandes"

Basée à Bègles, près de Bordeaux, Corep Lighting fabrique et vend des luminaires aux grandes enseignes de bricolage et d'ameublement tels que Leroy Merlin. Fondée par Alain Petit, qui en est toujours président, et dirigée par son fils Julien Petit, l'entreprise emploie 270 salariés et compte des usines en France, au Portugal, en Inde et en Ukraine. "Nous avons ouvert cette usine au début des années 2010, juste avant les problèmes survenus au Donbass puis en Crimée. L'objectif est d'alimenter le marché local ukrainien en fournissant les magasins de bricolage et on visait aussi le marché russe dans l'agglomération de Moscou qui n'est qu'à un millier de kilomètres et offre de grosses opportunités de développement... enfin... offrait puisque la situation a radicalement changé", explique Alain Petit.

Jusqu'au 24 février, malgré le contexte géopolitique de plus en plus tendu entre l'Ukraine et son voisin russe, l'usine Corep de Tchernihiv, qui emploie 20 salariés, continuait pourtant d'être approvisionnée et de fonctionner normalement même si la forte dévaluation de la monnaie locale en 2014 n'avait pas facilité les choses. "Mais en l'espace de quelques heures, jeudi 24 février, tous nos clients ont annulé leur commande avant de fermer leurs magasins. C'était la guerre. Nous avons aussitôt fermé l'usine et les salariés se sont mis à l'abri", poursuit le chef d'entreprise. Le sort de l'usine est désormais suspendu à l'évolution des opérations militaires au sol.

En attendant des jours meilleurs

"J'échange très régulièrement avec le directeur du site qui est Franco-polonais et marié à une Ukrainienne. Ils sont inquiets mais il semble que le pire ne va pas se passer dans les petites villes. Tchernihiv n'était pas un objectif en soi et il n'y a pas eu de résistance donc de combats. Ils craignent surtout pour Kiev et les grandes agglomérations qui sont ciblées par les bombardements et les troupes russes", raconte le président de Corep Lighting, qui guette chaque jour l'évolution de la situation sans pour autant envisager de se retirer du pays. Le chef d'entreprise préfère patienter et miser sur des jours meilleurs :

"L'usine de Tchernihiv restera fermée tant qu'il y aura la guerre en Ukraine mais nous comptons la redémarrer une fois que la paix sera revenue... Cela pourrait prendre du temps vu la situation actuelle et le jusqu'au boutisme du président russe", concède Alain Petit. L'entrepreneur girondin pourra toujours se consoler avec les excellents chiffres de son entreprise qui a surfé sur l'effet cocon des confinements. En 2021, Corep Lighting a enregistré un chiffre d'affaires consolidé de 41 millions d'euros, en très forte hausse par rapport aux 26 millions d'euros de 2020. La filiale ukrainienne ne pesait qu'environ 5 % de ce total.

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