Aquitains d'ailleurs : l'Ukraine retient son souffle et Pascal Boiteux reste à Kiev

Lancé comme une boule de flipper au milieu d'une joute diplomatique tous les jours un peu plus tendue entre les États-Unis et la Russie, l'Ukraine essaie de regarder ailleurs mais la crainte d'une guerre massive est dans tous les esprit à Kiev, la capitale. C'est là que vit depuis sept ans en famille le Bordelais Pascal Boiteux.
Pascal Boiteux, au centre, en famille à Kiev
Pascal Boiteux, au centre, en famille à Kiev (Crédits : DR)

"On ne change rien... pour l'instant." Les étrangers plient bagage, mais Pascal Boiteux reste à Kiev et sa vie continue comme si de rien n'était. "Mon fils est à la faculté, ma fille prépare les championnats d'Europe de basket", détaille-t-il, "elle est dans l'équipe cadette et on doit aller jouer le mois prochain en Allemagne je crois." Le Français assure qu'il n'a pas construit de barricade ni entassé de sacs de sable au pied de chez lui, pas fait non plus de provisions de nourriture et d'eau, comme le conseille pourtant l'ambassade, et que les magasins ne souffrent pas de pénurie. Mais si personne ne le laisse voir, la peur d'une offensive russe massive sur la capitale est dans tous les esprits.

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"Tous les signes nous montrent qu'il pourrait se passer quelque chose rapidement", témoigne Pascal Boiteux. "Depuis 2014, et l'annexion de la Crimée, les accrochages sont permanents entre l'armée ukrainienne et les séparatistes pro-russes dans cette région. Mais là, il y a un cran de plus. Je ne vois pas comment on pourrait s'en sortir si l'Ukraine ne renonce pas à intégrer l'OTAN. Vladimir Poutine ne va pas se contenter de repartir bredouille ! Je crois fermement qu'il va attaquer.

L'ambassade américaine a sommé ses ressortissants de quitter le pays. L'Allemagne, l'Espagne, le Canada, l'Italie, la Norvège, le Japon et Israël lui ont emboîté le pas. Les autres ont déménagé leurs ambassades à Lviv, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale, près de la frontière avec la Pologne. "Le coût va être excessivement lourd pour la Russie", dit encore le Français, "mais Poutine n'est plus dans la réflexion économique, il se sent trahi par l'Ukraine, on n'est plus dans le rationnel du tout."

Berceau de la Russie

Né à Bordeaux, Pascal est le fils du champion olympique de natation Jean Boiteux (1952) devenu Directeur technique régional en Aquitaine. Quelques années après le bac, accro au surf, le Français démarre sa carrière dans le prêt-à-porter en Indonésie où il restera vingt ans. Tombé amoureux d'une Ukrainienne, il s'installe à Kiev autour de 2015. Le couple a deux ados. A 62 ans, Pascal Boiteux vit des loyers de plusieurs appartements qu'il a achetés, retapés et mis en location. Là aussi, la situation actuelle l'impacte. "Comme les étrangers sont partis, j'ai dû relouer à des Ukrainiens, à des tarifs plus bas. Quand vous investissez en Ukraine, vous savez, qu'un jour ou l'autre, il peut se passer ce genre de souci".

Depuis l'annexion de la Crimée par Moscou il y a huit ans, la population ukrainienne s'est complètement détournée de la Russie selon le Français expatrié. "Dans les écoles, ça fait plusieurs années qu'on ne parle plus du tout le russe", constate-t-il. Poutine a réussi à faire rejeter la langue et à faire se disputer des familles parce que pas mal d'Ukrainiens ont des frères en Russie. Il y a aussi beaucoup de personnes âgées qui étaient dans l'Armée rouge. C'était un seul peuple, il n'y avait pas de frontière. Kiev existait avant Moscou et depuis le IXe siècle, c'est le berceau de la Russie et des Slaves."

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Menaces belliqueuses

Si les habitants ne croient pas à une invasion, il y a pourtant eu certains signes inquiétants, comme ces Ukrainiens qui rejoignent leurs maisons de campagne, ou ceux qui se préparent au maniement des armes. Dans les rues de Kiev, au détour des églises orthodoxes blanches à bulbes dorés, la population tente de se rassurer en se disant que Vladimir Poutine n'a jamais prévenu avant une attaque militaire d'envergure et que la gesticulation permanente faite de déclarations, de menaces belliqueuses et de coups de fil incessants entre le Kremlin, la Maison-Blanche et les Européens depuis des semaines va dans le sens d'un maintien, pour l'instant, du statu quo.

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