Pourquoi la situation des auteurs de BD s’est-elle aggravée ?

Alors que le Festival international de la BD d’Angoulême s’ouvre ce jeudi 30 janvier, les auteurs ont prévu de lever le crayon vendredi, interrompant de fait leurs dédicaces. Ils réclament une rémunération des dédicaces des auteurs en festival mais aussi une juste rémunération de base. Coup de projecteur sur le mécanisme de leur rémunération dans un contexte de surproduction.
Les auteurs de BD sont appelés à lever le crayon vendredi à 16h30 pendant le festival international de la BD d'Angoulême.
Les auteurs de BD sont appelés à lever le crayon vendredi à 16h30 pendant le festival international de la BD d'Angoulême. (Crédits : Jorge Alvarez 9e art)

Cela fait vingt ans que Nathalie Ferlut, basée à Angoulême, est autrice de bandes dessinées, et deux ans désormais qu'elle enseigne le dessin. "Ce n'était plus viable, mais du coup, mon travail d'autrice tourne au ralenti." Comme elle, selon une étude réalisée auprès de 1.500 auteurs et publiée en 2016 suite aux Etats généraux de la BD, ils étaient 71 % à avoir un emploi parallèle. 36 % vivaient sous le seuil de pauvreté et 53 % en dessous du Smic annuel brut.

Face à cette paupérisation qu'ils dénoncent depuis plusieurs années, les auteurs de BD sont appelés à lever le crayon, ce vendredi 31 janvier, pendant le Festival international de la bande dessinée d'Angoulême. A l'occasion du lancement de l'année de la BD en France, et alors que la bande dessinée a connu une croissance de 20 % de son chiffre d'affaires sur les 10 dernières années, ils ont décidé de marquer le coup. "Si rien ne bouge, cette année, ce sera le boycott de l'édition 2021", prévient Marc-Antoine Boidin, auteur et vice-président du SNAC BD qui participe au débrayage.

Un mécanisme à revoir ?

"Le secteur de la BD est un secteur florissant or, pour les auteurs, c'est tout le contraire", soutient Nathalie Ferlut, chiffres à l'appui. Sur un album à 15 €, l'auteur touche 1 € de droit d'auteur, c'est-à-dire 8 % en moyenne. "Mais cet euro est réparti entre l'auteur, le dessinateur, le coloriste", précise Sébastien Cornuaud, juriste et délégué de l'Association des auteurs de BD basée à Angoulême. "Les charges sociales ont quant à elles augmenté très rapidement pour arriver à 25 %. On ne conteste pas le fait de cotiser, mais alors que la chaîne se porte bien, certains maillons pourraient contribuer. Pour l'instant, les éditeurs cotisent à 1,1 %. Quid ensuite de la distribution ? De la diffusion ?", déroule-t-il.

"Autant dire que sur 1 €, on ne touche quasiment rien sachant, par ailleurs, qu'il faut vendre en moyenne 15.000 livres pour commencer à toucher les droits d'auteurs", explique Nathalie Ferlut. Le mécanisme est en effet le suivant : l'auteur est payé en avance sur droit remboursable, c'est-à-dire que l'éditeur paie l'auteur au moment de la réalisation de l'oeuvre et, quand l'album sort, l'éditeur se rembourse sur les ventes. "On n'est pas tenu de rembourser l'intégralité si les ventes ne suivent pas. En revanche, on ne touche pas les droits d'auteurs tant qu'on n'a pas remboursé ces avances" explique Marc-Antoine Boidin. En l'occurrence, la majorité des auteurs de BD ne toucheraient pas les droits d'auteurs. "Il est à noter aussi que la modalité de rémunération a changé en passant au forfait en lieu et place du paiement à la planche plus favorable", précise Sébastien Cornuaud.

La surproduction est, dans ce contexte, pointée du doigt. Nahalie Ferlut ne le conteste pas. "C'est un vrai problème. Avec 5.000 par an, contre 800 il y a quelques années, il est assez difficile qu'un livre trouve son public. En revanche, il se trouve, en plus, que l'on fait beaucoup de boulots non rétribués. Ainsi, par exemple, nous ne sommes pas rémunérés pour notre présence en festival. Tout le monde est payé sauf nous !" C'est l'autre revendication majeure des auteurs appelés à débrayés à Angoulême ce weekend.

Quelles réponses ?

Face à cette situation, et alors que la Charente accueille 250 auteurs sur son territoire, le GrandAngoulême a annoncé 10 mesures, la semaine dernière, dont l'une prévoit la rétribution d'un auteur participant à une réunion publique. Le Département avait de son côté voté, l'an dernier, une subvention de 17.000 € en faveur de la maison des auteurs pour mieux accompagner les auteurs et accroitre leur visibilité. Dans son rapport remis au ministre de la Culture il y a quelques jours, Bruno Racine, président de l'association pour le développement de la bande dessinée à Angoulême, a pour sa part listé 23 recommandations. La balle est désormais dans le camp du gouvernement.

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Commentaires 3
à écrit le 30/01/2020 à 21:13
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Deux problèmes : 1) le multiplication des intermédiaires plus ou moins utiles qui accaparent une part déraisonnable de la plus-value artistique, au détriment de l'auteur. C'est le même problème dans la grande distribution. 2) mais... on ne peut pas n...

à écrit le 30/01/2020 à 10:07
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Toujours le même problème, partout et à tous les niveaux, les intermédiaires, ces gens inutiles et coûteux, qui imposent leur cupidité comme mode de fonctionnement normal. IL ne devrait y avoir qu'une classe dirigeante guidant directement la clas...

le 30/01/2020 à 19:38
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On imagine assez bien les BDs de votre bibliotheque...

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