Vins de Bordeaux : « L'objectif est d'atteindre 10 % de bouteilles réutilisées à l'horizon 2030 »

INTERVIEW - Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a commencé à travailler sur le poids de la bouteille de vin en verre et se met en ordre de bataille sur le sujet la consigne. Si la réflexion est en cours, il reste à travailler sur la méthode avec l’ambition d’atteindre un objectif modeste de 10 % de réutilisation de bouteilles en 2030 alors que plusieurs expérimentations voient le jour. Marie-Christine Dufour, la directrice du service technique du CIVB, fait le point.
Marie-Christine Dufour, la directrice du service technique du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux.
Marie-Christine Dufour, la directrice du service technique du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux. (Crédits : Guillaume Bonnaud)

LA TRIBUNE - Comment se positionne le CIVB sur le sujet de la consigne ?

MARIE-CHRISTINE DUFOUR - Dans le cadre de la loi Agec [loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, NDLR], la règlementation va obliger les négociants à utiliser les bouteilles issues du réemploi à relativement court terme. Ce qu'il faut retenir c'est qu'à horizon 2027, les producteurs devront réemployés 10 % de leurs emballages. Donc notre mission consiste à accompagner les professionnels dans cette voie. La réflexion n'est pas complètement aboutie mais nous avons envisagé le champ des possibles. Le réemploi c'est plutôt mieux que le recyclage, mais c'est mieux à partir du moment où nous restons sur un circuit relativement court, en l'occurrence à l'échelle d'un territoire. Aller rechercher nos bouteilles sur un marché belge pour les réutiliser n'aurait pas beaucoup de sens !

Sur quoi portent les réflexions de la filière et quels sont les freins ?

Il y a beaucoup de sujets à traiter autour de la consigne : le stockage, notamment, et la collecte. Qui est en capacité de les organiser ? En la matière, les grandes surfaces ont peut être un rôle à jouer. Ensuite, si nous voulons réutiliser les bouteilles, il faut qu'un maximum de personnes utilisent le même type de bouteille. C'est ce que fait Coca-Cola qui réutilise ses bouteilles. Mais il n'y a qu'un seul modèle, ce qui simplifie le process. En ce qui nous concerne, nous avons une multitude de bouteilles différentes. Par ailleurs, la bouteille est un objet marketing pour se différencier. La solution serait donc peut-être de définir une bouteille type pour un Bordeaux, un Bourgogne ou un Champagne.

Sur le contenant en lui-même, nous pouvons aussi imaginer une bouteille relativement légère avec un taux plus important de calcin (verre recyclé) pour émettre moins de gaz à effet de serre. À ce propos, il faut dix réutilisations pour que l'empreinte carbone soit moins importante que le recyclage. Mais après un dixième lavage, la bouteille sera inévitablement striée, abimée. Il faudra que le consommateur l'accepte. Mais selon la valeur ajoutée du vin, cela peut-être plus ou moins cohérent. Enfin, le modèle ne sera pas rentable pour les entreprises qui font de la consigne si les volumes sont faibles. Donc la question est de savoir comment on créé une économie circulaire rentable pour l'ensemble de la chaîne de valeur. Nous savons à ce stade quelles sont les directions à prendre. Maintenant, il faut travailler sur la méthode et avancer.

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L'entreprise Luz Environnement s'est justement lancée dans le nettoyage des bouteilles dans sa nouvelle usine près de Langon. Comment voyez-vous cette initiative ?

Sans aucune réserve ! Nous voyons d'ailleurs fleurir d'autres initiatives, ce n'est pas la seule. Plusieurs acteurs nous ont présenté des projets sur des modèles assez équivalents. Je pense en particulier à Eco In Pack à Cognac. Mais il y en a d'autres, Ben Recyclage, Uzaje, Bout à Bout, eKollector. Elles en sont, à ce stade, en phase pré industrielle mais ce sont des projets qui, à court terme, vont changer d'échelle. Luz est en revanche la plus en avancée sur la phase d'industrialisation. En matière d'initiative, Maison Johanès Boubée a également lancé une expérimentation de consigne avec une sélection de quelques vins.

La consigne est-elle la solution ?

Il n'y a pas de gros levier magique. La consigne est une solution, mais il en faudra d'autres. J'en reviens à la question de l'export. Les bouteilles qui partent à l'international sont perdues pour la consigne donc il s'agit aussi de travailler, pour les bouteilles neuves, sur des critères d'achat de l'ordre de l'achat durable. Nous réfléchissons à un cahier des charges pour permettre aux professionnels d'acheter de manière éclairée. Depuis 2007, date de notre premier bilan carbone, nous avons diminué nos émissions de 39 % et le poids de la bouteille a joué. Mais il faut aller plus loin. Entre 2020 et 2030 nous avons l'ambition de faire baisser le poids de la bouteille de 10 % supplémentaires, ce qui ferait une bouteille aux alentours de 450 grammes. La consigne arrivera en plus, notre objectif étant d'atteindre les 10 % de réutilisation de bouteilles à horizon 2030, sachant que nous partons de zéro. C'est une date intermédiaire avant d'atteindre notre objectif de neutralité carbone en 2050.

Maison Johanès Boubée expérimente la consigne avec des vins MDD Carrefour

Isabelle Charnot, directrice qualité et développement durable chez Maison Johanès Boubée, filiale vin du groupe carrefour dont le siège est basé à Bordeaux.

« La consigne répond avant tout aux attentes des consommateurs. Mais en lançant ce test avec l'acteur spécialisé Loop, déjà partenaire de Carrefour, nous anticipons également des évolutions règlementaires. Dans le cadre d'une expérimentation qui a débuté avant l'été, nous avons choisi trois bouteilles (blanc, rouge, rosé) de vin à la marque de Carrefour, La Cave d'Augustin Florent, des références qui se vendent bien avec un montant de consigne de 50 centimes. Ce test nous permettra d'analyser le comportement du consommateur et de tester la boucle jusqu'au bout avec un retour de ces bouteilles dans notre usine d'embouteillage, après le nettoyage. Nous n'y sommes pas encore, il s'agira notamment de garantir la sécurité alimentaire. Mais j'insiste, le sujet de la consigne ne concerne pas uniquement la bouteille, il s'agit de co-construire un modèle avec un ensemble d'acteurs de la collecte à la réutilisation. »

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Commentaire 1
à écrit le 03/11/2023 à 9:52
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Et pas de lutter contre les pesticides on l'a bien compris avec cet acharnement contre une lanceuse d'alerte hein le civb ? Votre temps est écoulé.

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