Les vignerons bordelais ont encore une forte marge de progression dans le bio

Le développement de la viticulture bio s'accélère en Nouvelle-Aquitaine et particulièrement dans le vignoble bordelais, qui s'impose dans ce domaine comme le leader national en nombre d'hectares. Ce qui ne l'empêche pas d'être encore très au-dessous de la moyenne nationale en proportion. Mais les habitudes changent. Les nouveaux convertis au bio sont aussi bien des petits exploitants que des coopérateurs, qui se lancent massivement dans ce mode de culture.
Une parcelle de vigne dans le Médoc.
Une parcelle de vigne dans le Médoc. (Crédits : Thibaud Moritz / Agence APPA)

La viticulture bio se développe désormais à vitesse accélérée en Nouvelle-Aquitaine et, comme le souligne l'étude d'Agreste sur le sujet datée du 6 juin 2020 (1), ce phénomène tend à devenir général, puisqu'il touche aussi bien les vins de pays que ceux en appellations d'origine contrôlée (AOC). Dans la région la vigne bio est cultivée de la Vienne (Poitou), au nord, jusqu'au piémont pyrénéen, avec l'Irouléguy, au sud.

L'enquête d'Agreste rappelle que dans le dernier recensement (2018), on voit que 1.028 exploitations valorisent 16.200 hectares de vigne bio en Nouvelle-Aquitaine. Et qu'entre 2010 et 2018, la progression du nombre d'exploitations viticoles bio dans la région a été de +65 %. La crise du vignoble bordelais montre, comme une sorte d'évidence, que les vins vendus en vrac sont bien mieux rémunérés quand ils sont bios, le prix de vente du tonneau oscillant autour de 700 à 800 euros pour la production standard et 2.200 euros en bio.

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Une viticulture bio inférieure à la moyenne nationale

Une échelle des prix qui devrait convaincre un nombre croissant de vignerons bordelais de sauter le pas. Mais convertir une exploitation en bio ne va pas de soi puisqu'il faut compter trois ans de transition avant de passer d'un système à l'autre. Ce qui implique de gros efforts financiers avec en bout de course une réorganisation de fond du mode de culture pour passer au bio.

Si le vignoble bordelais semble dominer de façon outrageuse la scène viticole bio régionale, avec 602 exploitations et 10.892 hectares sur un total de 16.200 hectares, c'est à cause de sa taille colossale qui, avec près de 120.000 hectares, le situe non loin du vignoble Sud-Africain. Car ces 10.892 hectares, qui positionnent la Gironde en tête de la viticulture bio en France, devant le Vaucluse, l'Hérault et le Gard (10.000 hectares chacun) ne représentent que 7,5 % de la totalité du vignoble bordelais, alors que la moyenne nationale est à 14 %, soit près du double !

Le rôle historique joué par l'Entre-Deux-Mers

L'enquête d'Agreste rappelle que la viticulture bio a démarré en Gironde, de façon pionnière avant 2000, dans l'Entre-Deux-Mers (entre Garonne et Dordogne). Ce vaste territoire géographique est très majoritairement occupé par l'appellation viticole du même nom, qui produit essentiellement du bordeaux générique. Mais l'Entre-Deux-Mers est aussi le territoire des appellations Premières Côtes de Bordeaux, près de la Garonne, Graves de Vayres, en bord de Dordogne ou encore Cadillac Premières Côtes de Bordeaux, au sud-est du département près de Langon.

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Et c'est bien à partir de ce vignoble relativement modeste, comparé à ses augustes voisins, que s'est développé tout au long des années 2000 (2000-2010), la viticulture bio sur la rive droite de Bordeaux, qui compte notamment les vignobles de Saint-Emilion et Pomerol, proches de Libourne. La rive gauche, où l'on trouve en particulier toutes les grandes appellations de la presqu'île du Médoc, au nord, mais aussi la trilogie des liquoreux Cérons-Barsac-Sauternes, au sud, va globalement basculer plus tardivement.

 Forte concentration bio sur les îles de Ré et d'Oléron

"En 2018, suite à la conversion de grands domaines, tant en surface qu'en notoriété, la rive gauche enregistre une croissance notable au sein des appellations que sont Margaux, Pauillac, Listrac, Moulis, Pessac-Léognan, Sauternes" éclaire ainsi l'étude d'Agreste. Cette extension de la viticulture bio n'est pas le monopole de la Gironde puisqu'aucun département viticole n'échappe au phénomène. La Dordogne, qui s'imbrique presque dans le vignoble bordelais, avec l'appellation Sainte-Foy-Bordeaux qui s'étend jusqu'aux portes du Périgord, compte ainsi 2.386 hectares de vigne bio, dont la moitié se concentre sur les appellations de Saussignac et Monbazillac, au sud du département.

"Moins présente dans les deux Charentes (1.200 ha), la viticulture bio se distingue toutefois sur les îles de Ré et d'Oléron. Ces dernières rassemblent à elles seules près de la moitié des surfaces engagées de Charente-Maritime. Au nord de la région, la viticulture bio fait une percée notable dans le vignoble de Vienne (263 ha). En Corrèze, les surfaces en bio accompagnent la renaissance et la reconnaissance du vignoble", observe l'étude d'Agreste.

A noter que les vignobles bios frôlent les 1.000 hectares en Lot-et-Garonne (981), contre 374 ha en Pyrénées-Atlantiques et 120 ha dans les Landes.

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Des viticulteurs convertis très impliqués

Comme le souligne l'étude d'Agreste, la culture bio "est un engagement quasi-total". Ce que montre l'implication des viticulteurs bio dans ce mode de production.

"En 2018, la surface agricole totale valorisée par les détenteurs de vigne bio avoisine les 30.000 ha dont plus de 29.500 ha certifiés ou en conversion, toutes cultures confondues. La mixité des productions bio et non bio concerne moins d'une exploitation sur dix, principalement le fait d'unités en cours de conversion. Pour les détenteurs de vigne bio, en 2018, la vigne occupe en moyenne 55 % des surfaces agricoles bio tous assolements confondus. Elle devance les surfaces en herbe ou en fourrages (23 %), les céréales oléagineux protéagineux (12 %), les cultures fruitières ou légumières (4 %) et autres cultures", décortique ainsi Agreste, qui met au jour la puissance de l'impact de cet engagement viticole.

Toutes cultures bios confondues, la Gironde (14.109 ha), la Dordogne (5.460 ha) et le Lot-et-Garonne (3.702 ha) occupent le trio de tête.

Les petites exploitations en pointe...

L'étude souligne que les exploitations viticoles nouvelles venues au bio en 2017 et 2018 sont en moyenne de plus petite taille que les précédentes et le phénomène semble massif sur la période.

" ...les exploitations de moins de 20 ha de vigne se démarquent. Elles contribuent à plus de la moitié de la surface totale du vignoble engagé sur la période, contre le tiers auparavant. Les petites exploitations localisées en appellations intermédiaires et prestigieuses, principalement autour de Margaux, Saint-Émilion, Monbazillac, continuent de renforcer leur présence", pointe l'étude.

Autre point marquant : la forte montée en puissance des coopératives viticoles dans le mode de culture bio.

... Ainsi que les coopératives

" ...les viticulteurs coopérateurs investissent la filière bio. Leurs effectifs progressent de 56 % contre 28 % pour leurs collègues en chais particuliers. Ne représentant qu'un viticulteur engagé sur dix avant 2017, ils rassemblent le quart des effectifs et des surfaces des nouveaux arrivants, relève l'étude d'Agreste. Par territoire, les principales progressions sont à mettre à l'actif du Bourgeais-Blayais, de l'Entre-Deux-Mers en Gironde, et autour de Bergerac et de Monbazillac en Dordogne. Des coopérateurs quasi « exclusifs », 98 % d'entre eux vinifient la totalité de leur vendange en caves coopératives".

Des informations qui permettent de recadrer certaines appréciations qui insistent sur l'incapacité supposée des coopératives à prendre ce virage bio. Tout n'est pas joué, loin s'en faut, avec le très négatif contexte économique actuel, mais le bio semble convaincre les vignerons bordelais de son intérêt, même si ces derniers ont jusqu'ici préféré investir massivement dans une production viticole écologique responsable, en jouant la carte de la haute valeur environnementale.

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(1) Agreste est le service de la statistique et de la prospective du ministère de l'Agriculture et de l'alimentation.

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