L'Université de Bordeaux alerte sur sa situation financière difficile

À l'heure de la rentrée 2023, l'Université de Bordeaux est dans une situation financière tendue par le manque de moyens et l'augmentation des tâches à effectuer. Si cette situation n'est pas typiquement bordelaise mais plutôt nationale, elle prend un aspect plus menaçant pour l'Université de Bordeaux qui n'a que 57 % de financements directs de la part de l'Etat.
« Notre équation budgétaire fait qu'à moyen terme la situation pourrait devenir très compliquée », avertit Dean Lewis, le président de l'Université de Bordeaux.
« Notre équation budgétaire fait qu'à moyen terme la situation pourrait devenir très compliquée », avertit Dean Lewis, le président de l'Université de Bordeaux. (Crédits : Agence Appa)

Elu à la présidence de l'Université de Bordeaux l'an dernier, Dean Lewis, passé par Normale Sup Paris-Saclay, agrégé en sciences physiques et titulaire d'un doctorat en électronique (lasers/acoustique/microélectronique) de l'Université de Bordeaux, a présenté à la presse sa deuxième rentrée dans un contexte budgétaire tendu. Né à Nîmes, Dean Lewis a passé son baccalauréat à Périgueux avant de poursuivre ses études à Bordeaux. Il ne mâche pas ses mots et a développé un style tranchant très éloigné de celui savamment enveloppé de Manuel Tunon de Lara, son prédécesseur à la présidence. Issu de la faculté de médecine Manuel Tunon de Lara a piloté en 2014 l'énorme chantier du rapprochement des trois ex-universités (droit-sciences écos/ sciences et technologies/ sciences de la vie) qui ont fusionné pour former l'Université de Bordeaux avant de récupérer la propriété de son immense patrimoine immobilier et foncier.

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De son côté, l'Université Bordeaux Montaigne, qui regroupe les humanités (philosophie, lettres, langues, géographie...,) continue à suivre son propre chemin. A-t-elle fait le bon choix ? En tout cas, malgré sa force de frappe très concentrée, l'Université de Bordeaux ne navigue pas sur les eaux d'un fleuve tranquille et traverse même de fortes turbulences qui préoccupent son président.

« Le contexte budgétaire est difficile mais la situation reste relativement maîtrisée grâce au programme France 2030. Pourtant notre équation budgétaire fait qu'à moyen terme la situation pourrait devenir très compliquée », résume Dean Lewis en évoquant les moyens financiers débloqués par le gouvernement dans le cadre du programme d'investissement France 2030.

Des financements toujours bienvenus mais qui ne sont pas pérennes, alors même que les difficultés de l'Université de Bordeaux le sont.

Des millions de dépenses sans nouvelles recettes

« La masse salariale est devenue un poste sous-financé depuis une douzaine d'années. Alors que le nombre d'étudiants n'a cessé d'augmenter depuis cette période, nous n'avons touché aucune dotation supplémentaire ! Comme nous gardons le même financement, nous subissons une perte de capacité d'accueil. Nous allons avoir de dix à quinze millions d'euros de dépenses supplémentaires à couvrir en 2023, sans aucune recette nouvelle. Ce qui nous oblige à piocher dans nos réserves et à différer nos investissements », décortique Dean Lewis.

En 2022, la masse salariale de l'Université de Bordeaux était de l'ordre de 330 millions d'euros pour un budget consolidé de quelque 600 millions d'euros. Sachant que l'explosion des coûts de l'énergie de l'université, qui accueille plus de 50.000 étudiants, a fait monter l'an dernier le budget chauffage de l'établissement à 20 millions d'euros.

L'Université de Bordeaux n'est directement financée par l'Etat qu'à hauteur de 57 %, quand dans la plupart des autres universités en France ce taux de financement direct oscille entre 80 et 90 %. De la Région aux financements européens en passant par les divers programmes lancés par le gouvernement, comme France 2030, l'Université de Bordeaux passe du temps à trouver des subsides. Mais cet entrainement ne suffit plus à faire face.

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Un parc immobilier très lourd à entretenir

Au lieu de dégager un nouveau panorama dont on peut se demander ce qu'il aurait pu être, la dévolution par l'État aux universités du foncier et des bâtiments qu'elles ont besoin d'occuper pour fonctionner est en train de peser sur des équilibres financiers qui ont toujours été fragiles. Autrement dit, les universités ont de plus en plus de difficultés à entretenir les bâtiments dont elles ont désormais la lourde charge. Il ne semble donc même plus question d'investir massivement sur le campus pour y accueillir des étudiants, des entreprises et autres activités commet cela était encore envisagé il y a quelques années.

« C'est un peu comme pour les collectivités, l'État décentralise, réalise des dévolutions mais les moyens financiers ne suivent pas », commente le président.

La seule façon pour l'Université de Bordeaux de faire face est désormais de piocher dans ses réserves.

« Nous avons à peu près 70 millions d'euros mais beaucoup de cet argent a déjà été préempté, notamment pour financer des investissements. En 2023, nous devrions prélever dix à quinze millions d'euros, sans doute autant en 2024. Mais si ça continue comme ça, à partir de 2025 nous serons dans une situation très compliquée », relève Dean Lewis.

L'encadrement des étudiants se dégrade

Le manque de moyens financiers et l'augmentation constante de la masse salariale, du fait du relèvement du point d'indice des fonctionnaires et du vieillissement des effectifs, est fortement aggravé par la puissance d'impact de l'inflation, qui rend tout plus difficile. Avec en bout de chaine des étudiants de plus en plus frappés par la précarité.

« Cette précarisation de la vie étudiante se développe fortement. Et en plus de faire face à des conditions de vie plus dures, les étudiants subissent une dégradation de leur encadrement », pointe avec inquiétude le président Lewis.

Il pense néanmoins que la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, a encore une vraie chance d'obtenir de nouveaux moyens financiers dans le cadre de la préparation du budget 2024. Comme les collectivités, les université ne pouvaient jusqu'ici se retrouver en déficit puisque cela leur était interdit. Ce verrou a fini par sauter et pour la première fois l'Université de Bordeaux se retrouve en 2023 avec 636 millions d'euros de recettes contre 708 millions d'euros de dépenses, soit un déficit facial de 72 millions d'euros...

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Commentaire 1
à écrit le 29/09/2023 à 9:12
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Bah facile ! D'abord on remplace les professeurs par des travailleurs détachés d'europe de l'est à 300 balles par mois, ensuite on remplace la hiérarchie du dessus par les mêmes, ensuite les élèves et le tour est joué ! En plus ils seront tous mieux ...

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