Les 7 points à retenir des échanges d'Emmanuel Macron avec les maires de Gironde

Le chef de l'Etat était à Bordeaux, ce vendredi 1er mars, pour rencontrer le maire démissionnaire Alain Juppé puis un panel de maires et d'élus de Gironde dans le cadre du Grand débat national. Une réunion de plus de trois heures pour aborder de nombreux thèmes : fiscalité, services publics et petites villes mais aussi Ford, Gilets jaunes et aérospatial.
Le président de la République a rencontré les maires dans la résidence préfectorale, rue Vital-Carles à Bordeaux. Tout le quartier était bouclé par la police.
Le président de la République a rencontré les maires dans la résidence préfectorale, rue Vital-Carles à Bordeaux. Tout le quartier était bouclé par la police. (Crédits : Thibaud Moritz / Agence APPA)

"Je suis venu aborder sans filtre et de manière extrêmement directe vos préoccupations et vos propositions d'élus locaux", a débuté Emmanuel Macron devant une cinquantaine d'élus locaux et de parlementaires de Gironde, ce 1er mars à Bordeaux. Une rencontre de 3h30 qui a précédé la démission officielle d'Alain Juppé de ses mandats de maire de la ville et président de la Métropole. Pendant 1h45, 25 maires et élus girondins ont pris la parole pour aborder des sujets variés, locaux ou nationaux puis le président de la République leur a répondu, point par point, pendant 1h45 à son tour.

  • Quelle suite donner au Grand Débat ?

"Je n'ai pas cet engagement quotidien, je ne passe pas ces heures de débat pour ne rien en faire. Ce n'est pas simplement une séance d'écoute avant de passer à autre chose. Des décisions seront prises, des chantiers ouverts", a promis le président de la République en réponse à une question de Marie-Hélène des Esgaulx, maire de Gujan-Mestras et présidente de la communauté d'agglomération du Sud Bassin (Cobas). "Les participations sont en cours de traitement, de numérisation et d'archivage. Les réunions publiques se poursuivent jusqu'à mi-mars et une synthèse sera faite de manière transparente et rendue publique", a poursuivi le chef de l'Etat avant de dérouler le calendrier : une grande conférence nationale au cours de la semaine du 11 mars, plusieurs conférences régionales la semaine suivante puis dès début avril, des débats organisés à l'Assemblée nationale, au Sénat et au Conseil économique, social et environnemental. "Nous aurons, j'aurai ensuite à en tirer des conclusions. Il y aura plusieurs chantiers à mener, certains de plusieurs mois, avec des travaux à l'été et à l'automne."

  • Gilets Jaunes : "Le pays a besoin d'un retour au calme"

Plusieurs élus, dont Marcel Bethomé, 97 ans, maire de Saint-Seurin-sur-l'Isle depuis 50 ans et doyen des maires de France, ont déploré les violences régulières en marge des manifestations des Gilets jaunes et leurs conséquences pour les commerçants du centre-ville de Bordeaux. "Je vous le dis clairement, face aux violences, l'Etat a été sans mollesse et sans complaisance et je veux rendre hommage aux forces de l'ordre" a répondu Emmanuel Macron, avant de poursuivre : "J'ai décidé de ne pas revenir à l'état d'urgence. C'eut été une erreur car l'état d'urgence ne doit pas être une réponse à des tensions sociales internes à notre pays." Quant à la persistance des manifestations depuis désormais 16 semaines, il a jugé que "notre pays a besoin aujourd'hui d'un retour au calme. La situation que nous vivons n'est plus compréhensible pour beaucoup de Français. Il faut que chacun revienne au civisme, à la civilité."

  • Services publics : "Le moratoire ne peut pas être la bonne réponse"

Interrogé par plusieurs édiles, dont Daniel Barde, le maire de Blasimon et président de l'Association des maires ruraux girondins, le chef de l'Etat a écarté tout moratoire sur la fermeture de services publics :

"Le cas de la métropole bordelaise et de la Gironde est éclairant. La métropole est jeune et attractive, elle gagne des habitants tout comme sa première couronne. Mais d'autres territoires sont en déprise démographique. Il faut donc une réponse adaptée, intelligente et plus concertée qu'elle ne l'a été jusqu'à maintenant mais le moratoire sur la fermeture des services publics ne peut pas être la bonne réponse."

En contrepartie, le président de la République a plaidé à plusieurs reprises pour davantage de décentralisation, c'est-à-dire davantage de compétences et d'autonomies données aux collectivités locales, et davantage de déconcentration des services de l'Etat "pour pouvoir répondre plus vite et au plus près du terrain aux demandes des élus locaux". Un souhait doublé d'un nouveau plaidoyer pour "l'expérimentation locale et la différenciation" un mois seulement après que le gouvernement et la majorité à l'Assemblée nationale ont sèchement fermé la porte à l'expérimentation du revenu de base en Gironde et dans 17 autres départements.

  •  Villes d'équilibre : un dispositif présenté en avril

Castillon-la-Bataille, Coutras, Sainte-Foix-la-Grande, Langon, Lesparre-Médoc : plusieurs maires de petites villes de Gironde ont pris la parole pour évoquer les difficultés de leurs territoires situés à quelques dizaines de kilomètres du dynamisme métropolitain bordelais. Des communes qui n'ont pas les moyens financiers de faire face et ne rentrent pas forcément dans les cases des politiques publiques. "222 projets cœur de ville ont été signés à ce jour et nous présenterons en avril une initiative similaire pour aider les villes de moins de 10.000 habitants qui jouent un rôle d'équilibre du territoire, ce qu'on appelle les centres-bourgs", a promis Emmanuel Macron, évoquant également la possibilité de contractualiser sur ces sujets avec le département.

Lire aussi : Inégalités territoriales : Libourne et Lesparre-Médoc, premières "villes d'équilibre" de Gironde

  •  Fiscalité locale : la réforme de fond est toujours au programme

Taxe d'habitation, versement transport, révision des valeurs locatives, dotations de l'Etat, taxe Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), transferts de charges, intercommunalités : les maires ont largement abordé la question de leurs moyens financiers, sur un terrain volontiers technique, demandant davantage de budget, d'autonomie et de stabilité. En réponse, Emmanuel Macron a assumé sans détour la suppression de la taxe d'habitation : "C'est l'impôt local le plus injuste. Les cartes le montrent très bien [...] Là où vivent les classes moyennes françaises, c'est là où la taxe d'habitation est en général la plus élevée. C'est un bon choix de la supprimer !"

Néanmoins, il répète que ce n'est qu'une première étape provisoire :

"Le dégrèvement de la taxe d'habitation ne peut pas perdurer des années. Il faudra trouver une meilleure solution pour répartir l'impôt local entre les différents niveaux de collectivités qui doivent trouver un accord sur le sujet. Quand on donne aux uns, on doit prendre aux autres. Il faut refondre la fiscalité locale et refondre en parallèle les compétences des collectivités."

  • Ford : "Il faut contraindre l'entreprise à revitaliser le site"

Christine Bost, maire d'Eysines, a abordé la fermeture de l'usine Ford Aquitaine Industries de Blanquefort pour demander au gouvernement d'amender en urgence la loi "Florange" du 29 mars 2014 afin de contraindre Ford à laisser les collectivités reprendre et valoriser le foncier de l'usine. Objectif : éviter la création d'une friche industrielle.

"Sur le dossier Ford, on a dû faire face à un véritable cynisme de la part de l'entreprise. La solution de reprise était fragile et n'était pas parfaite et on doit maintenant se projeter pour accompagner les salariés avec un dispositif spécifique de suivi personnalisé", a répondu Emmanuel Macron. "La loi nous permet de contraindre l'entreprise Ford à payer la revitalisation du territoire et à investir dans la conversion industrielle du site. Faut-il récupérer le foncier ? Il faut regarder le sujet de près mais ça ne me paraît pas forcément évident. Il est peut être préférable de forcer l'entreprise à le faire."

  •  Aérospatial  et Air France-KLM

Le président de la République a été questionné sur deux dossiers : la feuille de route européenne en matière d'espace et d'aéronautique, qui est un secteur économique majeur en Gironde, d'une part, et la brusque montée de l'Etat néerlandais au capital d'Air France-KLM, d'autre part. Sur le premier sujet, il a reconnu que des progrès restent à faire au niveau européen. "Nous avons un passé et un présent dans l'espace. Nous sommes aujourd'hui à un tournant pour préparer l'avenir. [...] L'Europe souffre d'une maladie bien connue : ses divisions. Mais il faut avancer, au moins la France, l'Allemagne et l'Italie, pour clarifier notre stratégie commune dès cette année et recommencer à investir", a martelé le chef de l'Etat, espérant que les choses évolueront dès le second semestre au risque d'être distancé par les Etats-Unis et la Chine dans ce secteur stratégique.

Sur le second dossier, il a fait part de son incompréhension de la décision néerlandaise.

"Il appartient au gouvernement néerlandais de clarifier ses intentions qui l'ont conduit à acheter sans annonce aucune, sans déclaration, ni au gouvernement, ni aux marchés, des parts du groupe Air France-KLM, une belle entreprise française et européenne. Je n'ai pas compris cette annonce alors que nous avons toujours été respectueux de l'intérêt et de la stratégie de l'entreprise [...] Il faut maintenant pacifier les choses et veiller à ce que personne n'importe dans l'entreprise de la politique et en particulier de la politique nationale."

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Alain Juppé : les dernières heures du maire

Une poignée de main avec le président de la République et puis s'en va. Alain Juppé a très officiellement remis sa démission de ses mandats de maire de Bordeaux et de président de Bordeaux Métropole au préfet ce 1er mars à l'issue de l'échange avec les maires. "C'est un grand privilège de vivre avec vous ces dernières heures de maire de Bordeaux. Cette métropole est rayonnante et en bonne santé et on le lui reproche parfois, notamment le samedi après-midi, mais je ne m'en excuserai pas", a-t-il lancé à Emmanuel Macron, avant d'évoquer "le séisme budgétaire" que doivent affronter les collectivités et la nécessité de revoir la gouvernance du Grand Port de Bordeaux "qui n'a plus de grand que le nom", en laissant plus de place à la Région et à la Métropole. "Merci monsieur le maire. Vous avez tourné aujourd'hui une page de votre vie politique et aussi, je le sais, une page de votre vie personnelle. Je vous en remercie", lui a répondu Emmanuel Macron.

Alain Juppé

Alain Juppé quitte la résidence du préfet après avoir démissionné, vendredi 1er mars 2019 (crédits : Thibaud Morritz, Agence Appa)

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Ils étaient notamment présents ce 1er mars :

  • Alain Rousset (Nouvelle-Aquitaine) et Jean-Luc Gleyze (Gironde)
  • Les maires Alain Juppé (Bordeaux et Bordeaux Métropole), Franc Raynal (Pessac), Emmanuel Sallaberry (Talence), Gérard César (Association des maires de Gironde), Jacques Mangon (Saint-Médard-en-Jalles), Christine Bost (Eysines), Patrick Bobet (Le Bouscat), Michel Dufranc (La Brède), Anne-Marie Roux (Izon), Bernard Guiraud (Lesparre-Médoc), Marie-Hélène des Esgaulx (Gujan-Mestras), Daniel Barde (Blasimon et Association des maires de ruraux de Gironde), Michel Héritié (Ambarès-et-Lagrave), Jean-François Egron (Cenon), Brigitte Misiak (Marsas), Patrick Pujol (Villenave d'Ornon), Jean Touzeau (Lormont), Philippe Plagnol (Langon), Jérôme Cosnard (Coutras), Jacques Breillat (Castillon-la-Bataille), Laurent Peyrondet (Lacanau), Christophe Chalard (Sainte-Foix-la-Grande), Martine Goutte (Plassac) et Luc Dervillé (Salles)
  • Les députés (LREM) de Gironde Catherine Fabre, Dominique David et Benoît Simian
  • Les secrétaires d'Etat du gouvernement : Sébastien Lecornu (cohésion des territoires et relations avec les collectivités), Emmanuelle Wargon (transition écologique et solidaire) et Christelle Dubos (solidarités et santé).

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Commentaires 3
à écrit le 02/03/2019 à 10:54
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les français sont ingrats car grâce aux gilets jaunes certaines taxes ne sont pas appliqués certains retraités n'auront pas la hausse csg mème s'il doivent attendre mai ;certains ont touchés des primes etc.... réveillez vous déjà le carburant augmen...

à écrit le 02/03/2019 à 9:44
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Je pense que nous ne pourrons dire que les gilets jaunes exagèrent que quand nous aurons de facon concrete les engagements de mr Macron ..si c'est de l'enfumage cela risque d'etre à nouveau TRES TRES chaud sur les ronds point Quand à l'honneur MR...

à écrit le 01/03/2019 à 19:58
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Pas sûr qu'il y ait grand chose à retenir. Ah si, le Président considère que la ponctualité , qui reste la politesse des rois, ne le concerne pas, puisqu'il a fait attendre son public plus d'une demi-heure. Et c'est maintenant quasi systématique. ...

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