Robocup : comment Rhoban veut redevenir champion du monde

REPORTAGE. Les premiers matchs de la Robocup 2023 débutent aujourd'hui à Bordeaux pour les collectifs venus d'une quarantaine de pays. Dans la catégorie football, l'équipe bordelaise Rhoban est la star de la compétition pour deux raisons : elle joue à domicile et va tout donner pour reconquérir son titre mondial perdu l'an dernier. Les robots sont prêts après un dernier mois d'entraînement intensif.
Maxime Giraudeau
Les deux doctorants en robotique Clément Gaspard et Marc Duclusaud travaillent les mouvements de leurs joueurs.
Les deux doctorants en robotique Clément Gaspard et Marc Duclusaud travaillent les mouvements de leurs joueurs. (Crédits : Agence APPA / Gilles Arroyo)

Que les Bordelais vantent les grandeurs de leur ville ! Bordeaux possèderait la plus longue rue piétonne, la plus grande place et le plus grand pont levant d'Europe, peut-on entendre dans le port de la Lune. Mais le chauvinisme ne s'attache pas à la rigueur des faits. Ni à un autre atout plus discret : son équipe de robotique, l'une des plus brillantes du monde. C'est sur le plus grand campus du continent - paraît-il - que s'active l'équipe Rhoban, quatre fois championne de la Robocup avec ses robots footballeurs. Les quatre humanoïdes, plus un remplaçant, de 70 centimètres de haut vont reprendre du service dans la ligue football, catégorie « kid size ». Tout au fond des bâtiments technologiques, en bord de rocade, le collectif d'une petite dizaine de personnes s'active en cette fin du mois de juin. Dans leur bulle, quelques jours avant la plus grande compétition robotique du monde qui pose ses valises... à Bordeaux.

Lire aussiAvec la Robocup 2023 à Bordeaux, une vitrine pédagogique pour la robotique

Les robots sont tous différents

Avec cette coupe du monde à domicile, l'équipe n'a jamais été aussi impatiente. Bien que très appliquée. Ce sera la dixième participation de Rhoban à la Robocup. Ou la onzième ? Olivier Ly a un doute. « Non, ce sera bien la dixième », certifie le cofondateur et capitaine de l'équipe après trois comptages. La tête prise par d'autres considérations, le taulier est attendu en visioconférence pour gérer des projets universitaires. Des caisses de pièces détachées en arrière-plan et les tests robotiques en bruit de fond. « On est sur le pont pour fignoler la mécanique. Marc travaille sur les mouvements, Hugo sur la stratégie », montre-t-il. Dans la même pièce, les ingénieurs enchaînent les essais passionnés sur un terrain de foot synthétique petit format, sous l'œil d'un stagiaire qui nettoie minutieusement les pièces. Les cinq robots de l'équipe sont délicatement chouchoutés.

olivier ly rhoban

Le capitaine Olivier Ly est également professeur des universités membre du Laboratoire bordelais de recherche en informatique. (crédits : Agence APPA / Gilles Arroyo)

« On sait, rien qu'en le regardant marcher, de quel robot il s'agit », assure, paternaliste, Clément Gaspard, doctorant en robotique et membre de Rhoban depuis plusieurs éditions. « On n'est pas sur une construction de robots en série, ça reste du prototypage. Ils ont tous une différence. » De là à dire qu'ils ont des caractères différents, on bascule dans la science-fiction. Avec son coéquipier Marc Duclusaud, autre thésard et nouveau dans l'équipe, il s'attèle, à deux semaines de la compétition, à configurer le tir. Tout en jouant avec rapidité, les mouvements du robot ne doivent pas le faire tomber lors des déplacements ou de la frappe. Élaboration d'algorithmes, essais en simulateurs, design de pièces : les deux mordus de robotique s'en donnent à cœur joie. Une année après avoir perdu son titre en Thaïlande face à une équipe japonaise, l'équipe est aussi déterminée que prise par le temps.

rhoban robocup

Les robots alimentés par batterie pèsent un peu moins de 6 kilos. (crédits : Agence APPA / Gilles Arroyo)

Battre les Japonais... et les Iraniens

Ses nouveaux atouts lui donnent des chances certaines. « On a vraiment amélioré la mécanique et les software de contrôle [les logiciels, ndlr], au croisement des mathématiques de la physique et de l'intelligence artificielle. L'équipe a développé des nouveaux modules qui améliorent la motricité », entraîne Olivier Ly. Les robots, chiffrés à environ 15.000 euros pièce et des milliers d'heures de travail, ont vu leurs bustes et hanches être remodelées. Marc travaille en particulier sur la génération des pas. « Comment faire marcher des robots humanoïdes à l'aide d'une intelligence artificielle ? », demande l'étudiant. Question rhétorique pour sujet de thèse. La percée de l'IA avec ChatGP n'a d'ailleurs rien changé au travail de ces laborantins. « Le seul point commun entre Chat GPT et ce que l'on fait, c'est le réseau de neurones. Chat GPT et le boom d'IA n'ont rien apporté pour le robot », balaye Clément Gaspard. « L'IA pour nous c'est une matière. Il faut la voir comme un outil, pas comme un remplacement des humains », tempère Marc Duclusaud.

Lire aussiL'UE veut réguler l'intelligence artificielle, ChatGPT dans le viseur

rhoban robot robocup

Équipés de caméras, les robots sont capables de définir leur chemin selon une stratégie établie par l'équipe. (crédits : Agence APPA / Gilles Arroyo)

Depuis mardi, l'équipe a pu découvrir les terrains de six mètres par neuf sous les toits du Parc des expositions de Bordeaux. Les phases de poule se déroulent aujourd'hui et demain. Avant les très attendues demi-finales samedi et l'affrontement ultime dimanche 9 juillet. Mais attention, entre les 3.500 participants venus d'une quarantaine de pays, on parle plutôt de « coopétition ». « Pendant la demi et la finale, on ne lâche rien. Le reste du temps, on partage des lignes de codes », démystifie Olivier Ly. Avec tout de même en tête la furieuse envie de redevenir champion du monde devant son public.

Les Japonais tenants du titre aimeraient jouer les troubles-fête. Avec 40 personnes, leur équipe va arriver en force. En face, « Rhoban c'est cinq personnes à plein temps cette année », avoue Marc Duclusaud. Même les organisateurs de la Robocup attendent trois fois moins de visiteurs que pour l'édition 2017 qui avait réuni 130.000 personnes à Nagoya au Japon. Pas de quoi se sentir complexés, les deux pays ont de toute façon des cultures robotiques bien différentes. D'autant qu'il faudra aussi battre les Iraniens, particulièrement en pointe. Les têtes bordelaises auront-elles les nerfs assez solides ? « On a chacun nos spécialités alors on se prépare en fonction. On décide des stratégies, des compromis et des risques à prendre », motive le capitaine. Que le spectacle démarre !

Cinq catégories en compétition

Les matchs de la Robocup 2023 débutent aujourd'hui et vont se dérouler jusqu'à dimanche dans cinq catégories différentes : football, sauvetage, maison, industrie et spectacle. Plus de 300 équipes juniors et séniors participent à cette édition, la première en France depuis 1998. Des démonstrations de robotique et des conférences auront également lieu dans les allées du Parc des expositions tout le week-end.

Maxime Giraudeau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.