Carbon Waters se prépare à industrialiser son eau de graphène anti-corrosion

Après trois ans et 1,5 million d'euros de recherche et développement, la startup bordelaise lancera début 2021 son premier produit anti-corrosion à base d'eau de graphène. La peinture en bâtiment est le premier marché abordé mais Carbon Waters vise ensuite des applications dans l'aérospatial, le naval et le sanitaire. La jeune pousse cherche à réunir 3,5 millions d'euros pour muter en PME industrielle capable de générer 10 millions d'euros de chiffre d'affaires dans les cinq ans.
C'est à partir de graphite que Carbon Waters crée son eau de graphène aux multiples propriétés.
C'est à partir de graphite que Carbon Waters crée son eau de graphène aux multiples propriétés. (Crédits : Agence Appa / Bastien Ortola)

Le graphite, l'une des formes naturelles du carbone, connaît de multiples applications industrielles mais son utilisation la plus courante et la plus familière est sans aucun doute la mine de crayon. C'est ce même graphite qui est modifié par l'équipe de Carbon Waters, selon un procédé issu de trois brevets déposés par le CNRS dont la startup a obtenu la licence exclusive jusqu'à 2034. "Concrètement, grâce à un procédé chimique, on sépare les couches nanométriques, soit un milliardième de mètre, de carbone qui constituent le graphite pour en faire une solution aqueuse présentant une grande stabilité et un haut niveau de performance. C'est ce qu'on appelle l'eau de graphène", explique à La Tribune Alban Chesneau, CEO et fondateur de Carbon Waters.

Carbon Waters

Le graphite est la matière première de Carbon Waters (crédits : Agence Appa/Bastien Ortola).

Le bâtiment, premier marché

Depuis la création de la startup fin 2017, ce docteur en biochimie de Harvard medical school (Etats-Unis) travaille à la formulation et aux multiples applications de l'eau de graphène dans de nombreux secteurs industriels. Entre les subventions, les prix, les projets de recherche et les prestations de R&D, Carbon Waters a déjà investi environ 1,5 million d'euros dans sa recherche. Un exemple type du transfert de technologie entre l'Université et le marché. Accompagné au départ par la SATT, Carbon Waters est d'ailleurs installée sur le campus de Pessac dans les anciens locaux d'Olikrom. Pour l'heure, le marché le plus prometteur et rémunérateur à court terme est le produit anti-corrosion. "En ajoutant un milligramme d'eau de graphène dans un litre de peinture, on dote cette peinture de qualités anti-corrosives très utiles dans le secteur du bâtiment mais aussi dans l'aéronautique, le ferroviaire, l'industrie et le secteur gazier et pétrolier", poursuit le CEO. Décidé à ne pas s'éparpiller, il entend prioriser cette application anti-corrosive même si les capacités de régulation thermique et énergétique de l'eau de graphène laissent entrevoir d'autres débouchés à terme, en particulier dans le ciment et les batteries.

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Le premier produit siglé Carbon Waters, dont la commercialisation doit intervenir début 2021, sera donc un additif anti-corrosion pour les peintures dans le secteur du bâtiment. "C'est une filière où les problématiques environnementales prennent de plus en plus de poids et notre eau de graphène permet d'éliminer le zinc et le chrome habituellement utilisés pour limiter la corrosion. Notre solution est biodégradable et ne présente aucune nocivité pour l'homme ni pour l'environnement. La preuve de concept est validée et il faut désormais augmenter la production", assure Alban Chesneau.

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Multiplier par dix la capacité de production

Une douzaine de fabricants français et européens de peinture sont ainsi sur les rangs. Après avoir investi dans un générateur de brouillard salin pour simuler la corrosion pendant des centaines voire des milliers d'heures, Carbon Waters va donc devoir investir très prochainement dans un réacteur pilote. L'enjeu : multiplier par dix sa production dans les deux ans qui viennent.

Pour mener cette phase d'industrialisation rapide, la startup devrait boucler d'ici la fin de l'année une augmentation de capital de deux millions d'euros auprès de partenaires industriels capables tant de financer le projet que d'accompagner l'équipe d'Alban Chesneau sur le plan opérationnel. S'y ajouteront 1,5 million d'euros de financements non-dilutifs via des subventions européennes notamment. De quoi financer quatre recrutements (achat/logistique, cycle de vie et recyclage, commercial et production) pour porter l'effectif à une quinzaine de salariés fin 2021 et envisager de poser un pied sur le marché nord-américain.

Carbon Waters

Alban Chesneau dans le laboratoire de Carbon Waters à Pessac (crédits : Agence Appa/Bastien Ortola)

L'entreprise vise 400 à 500.000 euros de chiffre d'affaires en 2020, grâce notamment à ses prestations de bureau d'études facturées auprès de ses partenaires industriels, mais s'apprête à accélérer significativement dans les cinq ans. Carbon Waters ambitionne ainsi d'atteindre cinq à dix millions d'euros de chiffre d'affaires annuel d'ici 2025.

Un matériau virucide et bactéricide

"Notre principal avantage c'est notre technologie qui n'a pas d'équivalent, y compris chez nos deux concurrents américain et australien. Notre produit est beaucoup plus stable et nous ne sommes donc pas contraint par une fenêtre de tir définie. Cela nous permet de travailler étroitement avec les utilisateurs finaux de produits pour coller à leurs attentes et leur démontrer la valeur ajouté du produit", détaille Alban Chesneau.

Et la pandémie aura eu le mérite d'ouvrir encore de nouveaux marchés potentiels puisque Carbon Waters a notamment été lauréate de l'appel à manifestation d'intérêts lancé par le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine pour développer des produits anti-Covid-19.  Celui-ci a permis de soutenir 50 projets de recherche pour un total de cinq millions d'euros. "Nous y travaillons avec Bertrand Laine, le dirigeant de 3Ditex [1], pour mettre le graphène dans un revêtement à base de polymère ou de résine enrichi en nanomatériaux. Ce nouveau matériau est alors capable de retenir et de détruire les bactéries et virus", explique Alban Chesneau qui réfléchit à des applications sanitaires dans les écoles, transports publics et autres lieux de passage. Les premiers essais puis la preuve de concept sont prévus pour le 1er semestre 2021 avec le CNRS et Aquitaine Microbiologie.

[1] Basée à Saint-Médard-en-Jalles, dans les mêmes locaux que Lynxdrone et Nimbl'bot, 3Ditex développe une solution de tissage 3D à destination de l'industrie des textiles techniques et des matériaux composites.

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