LGV Bordeaux-Toulouse : quand l'arrachage des vignes tombe à pic pour la compensation environnementale

Le parallèle est frappant. Le plan d'arrachage de vignes dans le bordelais prévoit de destiner 4.000 hectares à la renaturation. Dans le même temps, la SNCF en cherche autant pour conduire la compensation environnementale de la future LGV entre Bordeaux et Toulouse. L'entreprise ferroviaire cherche comment s'y engouffrer.
Maxime Giraudeau
Le 3 juin 2023, un cortège opposé aux LGV dans le Sud-Ouest défile à Saint-Médard d'Eyrans en Gironde.
Le 3 juin 2023, un cortège opposé aux LGV dans le Sud-Ouest défile à Saint-Médard d'Eyrans en Gironde. (Crédits : MG / La Tribune)

Les gens ne boivent plus de vin mais qu'est-ce qu'ils prennent le train ! 122 millions de personnes sont montées au moins une fois dans une rame opérée par la SNCF en 2023. Un record. Et pendant ce temps, les consommateurs réguliers de vin ne représentent plus que 11 % de la population selon une étude de France AgriMer. Autre record, à la baisse cette fois. Deux tendances de l'époque qui n'ont rien à voir et qui pourtant viennent se rencontrer dans le Sud-Ouest.

Le vin rouge ne se vend plus, alors Bordeaux a pris la décision début 2023 d'arracher ses vignes. 8.000 hectares en tout. La première vague de cette opération de démembrement se terminera le 31 juillet prochain avant une seconde jusqu'au printemps 2025. Et la majorité de ce contingent subventionné par l'État à hauteur de 6.000 euros l'hectare se situe au sud-est du département de la Gironde. Étonnant hasard, le tracé de la ligne grande-vitesse Bordeaux-Toulouse ceinture la partie sud de l'Entre-Deux-Mers, le terroir qui arrache le plus avec près de 4.900 hectares à lui seul.

Voilà un cadeau inespéré pour l'opérateur ferroviaire. Si l'emprise des deux LGV reliant Bordeaux à Toulouse et Dax s'élève à 4.800 hectares, le maître d'ouvrage SNCF Réseau doit, pour compenser l'impact sur la biodiversité des remparts ferrés qui vont traverser cinq départements, trouver entre 3.000 et 4.000 hectares au minimum d'espaces naturels ou agricoles. Réglementation environnementale oblige.

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La Safer dans le coup

Une besogne hautement exigeante et d'autant plus délicate qu'en Gironde les espaces disponibles pour mener la compensation environnementale sont courtisés de partout. Énergies renouvelables, construction d'usines, nouveaux collèges et lycées lorgnent sur ces terres. « On n'est pas le seul maître d'ouvrage qui a besoin de compensation sur ce territoire », euphémise Christophe Huau, le directeur de l'agence du Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO). Comme Lisea l'a fait dans les années 2010 pour la ligne Tours-Bordeaux, il va falloir multiplier les conventions avec des agriculteurs ou des associations locales.

Très vite, la SNCF a vu l'aubaine du plan d'arrachage viticole. Et a voulu bien s'entourer. « Un partenariat a été noué avec la Safer Nouvelle-Aquitaine, on va avoir exactement la même chose bientôt avec l'Occitanie », évoque Christophe Huau dans le but de voir « si on a une compatibilité entre nos besoins de compensation écologique et des zones de vignes arrachées ». La société qui a un œil sur les mouvements du foncier rural peut en effet conseiller au mieux l'aménageur ferroviaire sur la composition des parcelles et leur capacité à accueillir la compensation.

Un potentiel sur 300 hectares maximum

Pour convaincre les services de l'État de la qualité de la démarche, le maître d'ouvrage doit recréer des conditions propices à la faune et à la flore au plus près des futures voies ferrées qui détruiront les espaces naturels. « SNCF Réseau nous dit que le terrain de jeu pour compenser les perturbations de la ligne nouvelle c'est dix kilomètres de part et d'autre du tracé. Il y a toujours une notion de proximité entre la parcelle compensatoire et le milieu perturbé », prévient Michel Lachat, directeur départemental de la Safer Gironde.

Selon nos calculs, 520 hectares de parcelles viticoles arrachées réparties sur 34 communes sont situées à moins de dix kilomètres du tracé en Gironde. Sachant que le plan d'arrachage prévoit deux possibilités : la diversification des cultures ou la renaturation. C'est seulement cette seconde option qui intéresse la SNCF. Elle concerne la moitié des surfaces démembrées dans le bordelais. On parle alors de 200 à 300 hectares à étudier pour mener la compensation environnementale dans le sud de la Gironde.

Faudra-t-il encore que les rangs de vigne rasés, dont les sols sont lessivés par les pesticides, puissent vraiment accueillir une compensation qui fonctionne. Ces espaces viticoles en reconversion ne sont par ailleurs pas situés en zone humide. Or, les LGV vont impacter de nombreux cours d'eau et zones marécageuses à travers la Gironde. « Il n'y a pas de vignes en zone humide, ça se saurait, balaye Michel Lachat. Si on veut recréer une zone humide, il ne s'agit pas seulement d'arracher la vigne et d'enlever les drains, il faut veiller à ce que le site soit reconnecté à un réseau hydrographique cohérent. L'espace doit aussi être dans le même bassin versant », explique le responsable de la Safer. Les plus gros contingents arrachés se situent sur l'autre rive de la Garonne, mais l'Autorité environnementale, qui donne un avis sur la qualité des projets d'aménagement, se montre ordinairement flexible sur ce sujet.

Double peine pour l'agriculture

La société ferroviaire ne va pas se contenter du plan d'arrachage officiel. Le dispositif est loin d'avoir réglé tous les malheurs économiques du vignoble et, dans la profession, on envisage d'arracher encore, subventions ou pas. C'est ainsi que des sociétés spécialisées sur la compensation approchent des domaines viticoles pour racheter leurs terres et arracher elles-mêmes les vignes. La Safer a récemment coordonné une opération du genre à Baurech - commune située à moins de dix kilomètres de la LGV - sur 45 hectares.

La viticulture ne sera pas le seul secteur convoité. « Il y a plein d'autres superficies proposées à la vente, puisque l'agriculture en général ne va pas très bien. Je pense aux prairies ou aux terres céréalières », évoque Michel Lachat, tout en alertant sur le préjudice : « Il y a une compétition sur les espaces de compensation qui engendre une double peine pour l'agriculture. Les ouvrages se construisent déjà souvent sur des terres agricoles et, pour compenser l'impact, on prélève à nouveau des terres agricoles. »

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Maxime Giraudeau

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Commentaire 1
à écrit le 15/07/2024 à 7:36
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De toutes façons vu l'état catastrophique du train en nouvelle aquitaine, encore pire que celui de la France que nos politiciens ont pourtant particulièrement saboté, nous avons un gros problème avec le train en nouvelle aquitaine, je sais pas ce qu'...

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