Fonderies du Poitou : la reprise arrangée entre Lhyfe et TSE pour une « multifactory » des énergies vertes

Le tribunal de commerce de Paris a officialisé aujourd'hui la reprise des Fonderies du Poitou par le consortium des énergies renouvelables formé par Lhyfe et TSE. Ces producteurs d'hydrogène et d'électricité photovoltaïque dévoilent leur projet de « multifactory » à La Tribune, plus d'un an après la fermeture du site industriel dédié à l'automobile. Le mariage a été arrangé par les pouvoirs publics pour doper le rebond industriel de Châtellerault.
Maxime Giraudeau
Les anciennes Fonderies du Poitou au nord de la Vienne ont cessé toute activité depuis juillet 2022.
Les anciennes Fonderies du Poitou au nord de la Vienne ont cessé toute activité depuis juillet 2022. (Crédits : Capture Youtube)

Une friche qui ne le sera pas restée longtemps ! Tout juste un an après la fermeture définitive des Fonderies du Poitou, c'est la deuxième vie du site industriel qui s'écrit. Le tribunal de commerce de Paris a annoncé ce jour retenir le dossier porté par Lhyfe et TSE, deux entreprises françaises respectivement spécialisées dans l'hydrogène et le photovoltaïque. Avec plus de 43 hectares de foncier dont 40.000 m2 de bâtiments, ainsi qu'un vaste site d'enfouissement, localisés à Ingrandes-sur-Vienne (Vienne) au nord de la Nouvelle-Aquitaine, c'est la longue reconversion d'un colosse industriel qui débute. Et vient clore définitivement 40 ans de production de pièces automobiles pour Renault.

« On s'est demandé que peut-on faire d'intelligent et de sensé pour relancer une autre aventure sur ce site ? Renault faisait peut-être partie de l'ancienne industrie et aujourd'hui, c'est la transition énergétique dont on a tous besoin qui est à l'ordre du jour », initie Alban Casimir, directeur général délégué de TSE. « C'est justement parce que nous ne sommes pas seuls que nous sommes intéressés par le site : nous allons y produire de l'électricité renouvelable pour en faire de l'hydrogène renouvelable », illustre Ghislain Robert, directeur commercial France de Lhyfe.

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La toute première projection du projet de Lhyfe et TSE, avec une emprise photovoltaïque de plusieurs dizaines d'hectares. (crédits : Lhyfe et TSE)

TSE doit déployer deux parcs photovoltaïques, l'un sur une partie du site d'Ingrandes dont il devient co-propriétaire avec Lhyfe, et l'autre sur le site d'enfouissement des déchets de l'ancienne usine à une poignée de kilomètres. De quoi développer une puissance totale de 70 MW sur plus de 50 hectares, soit 30 % de la puissance déjà installée par l'aménageur spécialisé dans l'agrivoltaïsme. Une énergie qui servira à Lhyfe, en partie ou en totalité selon les périodes, pour la production d'hydrogène par électrolyse de l'eau. Cet hydrogène vert pourrait notamment servir à l'approvisionnement des villes dans un rayon de 250 kilomètres. L'énergéticien, basé à Nantes et qui table sur 200 millions d'euros de chiffre d'affaires d'ici cinq ans, se donne plusieurs années pour monter à une puissance de 100 MW alors que le lancement des unités de production est espéré pour 2026 au plus tôt. Le montant du rachat des sites n'a pas été communiqué.

« C'est le dossier, a priori, qui semble le meilleur. L'échec de la reprise précédente des Fonderies du Poitou nous a laissé à nous, au territoire et aux salariés un goût amer. La transition écologique portée par ces entreprises est une bonne nouvelle », se satisfait Alain Rousset, le président de la Région Nouvelle-Aquitaine.

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La Vienne coule à proximité du site industriel, doté à l'époque d'une voie ferroviaire pour du fret. (crédits : Fonderies du Poitou)

Un accord conclu dès septembre dernier

Le consortium l'a emporté devant le tribunal de commerce d'abord parce qu'il s'est montré le plus offrant, mais le soutien accordé par les pouvoirs publics a aussi pesé dans la balance. C'est même bien plus qu'un soutien, puisque ce sont les collectivités qui ont initié ce rapprochement. Selon nos informations, Lhyfe et TSE se sont manifestés les premiers, chacun de leur côté, auprès des collectivités alors que les Fonderies Alu n'étaient même pas encore liquidées. Les pouvoirs publics ont craint qu'une grande partie du site d'Ingrandes demeure inoccupée si une candidature commune n'était pas soutenue.

« On ne voyait pas comment un seul industriel pouvait reprendre le site en intégralité donc la stratégie a été de chercher plusieurs entreprises. Il fallait aussi proposer une offre qui soit en capacité de gagner alors nous avons poussé à la constitution de ce groupement solidaire », évoque une source. Le territoire de Châtellerault, éprouvé par la fermeture des Fonderies et d'autres fleurons depuis une vingtaine d'années, voulait à tout prix éviter de voir le site se transformer en friche mais aussi de voir s'installer un seul géant industriel. Ce bassin de vie où 40 % des emplois sont liés au secteur de l'industrie doit également diversifier ses activités, très concentrées autour de l'automobile et de l'aéronautique.

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Seul un camion de démantèlement arpente le désormais silencieux site des Fonderies. (crédits : MG / La Tribune)

Le mariage arrangé a donc rapidement convaincu les aménageurs, puisque qu'un premier accord a été conclu dès septembre 2022. « On a effectivement attaqué ce site là séparément, reconnaît Alban Casimir. Avec le soutien de la Région et des différents intervenants locaux, on a vu la complémentarité qu'on pouvait avoir sur certains sujets. C'est peut-être le premier volet d'une série de projets que l'on pourrait mener dans d'autres territoires. » Tout seul on va plus vite, à deux on va plus loin. Lhyfe et TSE ont travaillé de concert durant plusieurs mois et jusqu'à l'approche de la clôture des candidatures pour déposer leur dossier. Les mastodontes TotalEnergies et Engie se sont également manifestés plus tardivement, tout comme des promoteurs immobiliers.

Une reconversion au détriment de l'emploi ?

Mais les collectivités ont mis toutes leurs forces pour rassembler un consortium d'entreprises le plus large et complémentaire possible. « Quand on a discuté avec la Région, la préfecture, la sous-préfecture et l'agglo, ils nous ont fait réfléchir et rencontré beaucoup d'industriels. En s'unissant avec nous, ils ont eu envie de tenter l'aventure », explique Alban Casimir. Au-delà de Lhyfe et TSE, quatre entreprises doivent entrer dans le jeu puisque les deux propriétaires ne vont occuper que 15 à 25 % du bâti existant. On parle notamment d'un acteur logistique qui doit développer une plateforme de 20.000 m2. Ou encore d'un producteur de carburant de synthèse qui pourrait s'appuyer sur l'hydrogène de Lhyfe. De quoi faire entrer le bassin châtelleraudais dans l'ère de l'industrie verte.

Mais pour autant, si tous les connaisseurs du territoire saluent une excellente nouvelle et se satisfont d'un rebond accéléré, le nombre d'emplois promis est bien limité au regard de l'histoire ancienne et récente du site. Le consortium de six entreprises table sur 250 à 300 équivalents temps plein à terme. À mentionner que Lhyfe avec 20 emplois et TSE avec seulement deux personnes pour assurer la maintenance des parcs photovoltaïques ne représentent que des miettes. Bien loin des 570 salariés successivement licenciés en 2021 et 2022 avec la fermeture des Fonderies Fonte puis Alu. Au début des années 2000, près de 2.000 salariés étaient employés pour produire les culasses et carters des automobiles Renault.

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Les dernières traces des anciennes activités métallurgiques. (crédits : MG / La Tribune)

Mais si le rebond de l'emploi se fait à petits pas, les investissements annoncés sont bien d'une ampleur inédite : le consortium dit vouloir injecter plusieurs centaines de millions d'euros dans la reconversion du site d'Ingrandes-sur-Vienne. Une grande source d'espoir pour un territoire riche en compétences, à commencer par les ex-salariés des Fonderies qui peuvent y voir une possibilité de reconversion. « Ce seront des postes de maintenance des process gaziers qui relèvent de compétences génériques à l'industrie », évoque Ghislain Robert pour Lhyfe. L'histoire industrielle, les savoir-faire, le soutien public : tout semble réuni pour assurer l'avenir. Ne manque plus que de la patience et de l'attractivité pour embarquer des forces vives dans une aventure symbolique de la grande reconversion industrielle du pays.

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Ce qui attend les repreneurs

Lhyfe et TSE sont les nouveaux propriétaires des anciennes Fonderies du Poitou mais le site n'est pas libre de suite. En effet, une entreprise chargée du démantèlement occupe la friche depuis plusieurs mois et n'a pas encore liquidé la moitié des surfaces. Le consortium va devoir se monter patient mais pourrait aussi être contraint d'intervenir pour accélérer le processus si les délais s'allongent. En parallèle, une étude de faisabilité et une étude environnementale vont être lancées dans le but d'obtenir des permis de construire. Le fonds vert va être sollicité pour dépolluer le site d'enfouissement. L'hydre industrielle va être radicalement transformée puisque de nouveaux bâtiments vont être érigés et d'autres détruits. Lhyfe et TSE se donnent trois ans pour lancer les travaux.

Maxime Giraudeau

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Commentaires 2
à écrit le 31/08/2023 à 8:57
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Encore un investissement pipo qui va faire pschitt dans moins d'un an ,mais au passage des voyous se seront gavés d'argent public sous forme d'aide.

le 31/08/2023 à 17:34
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Pas vraiment. Lhyfe est véritablement seul sur son marché avec des perspectives mirobolantes largement garanties par des budgets européens dont les enveloppes sont en centaines de milliards. Quant à l'exploitation d'un parc solaire, c'est la source d...

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