Éolien offshore à Oléron : vers un éloignement du parc face à l'hostilité du public ?

DOSSIER (1/4). La commission particulière du débat public missionnée sur le projet de parc éolien prévu au large de l'île d'Oléron a rendu son rapport le 28 avril, au terme de cinq mois de débats puis de deux mois de synthèse. L'occasion pour La Tribune de décrypter les multiples enjeux de ce projet, largement contesté, à travers une série de quatre articles publiés du 10 au 13 mai.
Photomontage du projet de parc éolien offshore au large de l'île d'Oléron, en Charente-Maritime, vu depuis la digue du pore de La Cotinière et réalisé par les maîtres d'ouvrage.
Photomontage du projet de parc éolien offshore au large de l'île d'Oléron, en Charente-Maritime, vu depuis la digue du pore de La Cotinière et réalisé par les maîtres d'ouvrage. (Crédits : CPDP)

Aucun consensus n'est à espérer sur le projet de parc éolien offshore prévu à horizon 2030 au large de l'île d'Oléron. C'est la Commission particulière du débat public (CPDP) saisie sur ce dossier qui l'écrit elle-même, dans son rapport aux maîtres d'ouvrage publié le 28 avril dernier, à l'issue de cinq mois d'échanges avec l'ensemble des parties prenantes.

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Si l'urgence climatique et la nécessité d'amorcer une transition énergétique n'ont jamais été contestées, pour autant, ce débat aura été "franchement hostile au projet", résume auprès de La Tribune Francis Beaucire, président de la commission. "Une grande partie des publics n'a pas varié de position du début à la fin, et a rejeté en bloc l'idée même d'implanter ici un parc éolien."

Le projet en bref


  •  Porté par l'Etat et par RTE, le projet « éolien en mer en Sud-Atlantique » prévoit à horizon 2030 un premier parc de 35 à 70 éoliennes posées au large des côtes charentaises, d'une puissance cumulée de 0,5 à 1 GW. Et éventuellement un second parc, posé ou flottant, d'une puissance d'au plus 1 GW. Avec un coût global estimé entre 1,5 et 3 milliards d'euros. Il s'inscrit dans la continuité d'un premier projet de 600 MW envisagé dès 2015, et réorienté depuis, au regard des objectifs inscrits dans la Programmation pluriannuelle de l'énergie : le lancement de projets éoliens pour une puissance cumulée de 3,35 GW entre 2019 et 2023, puis d'un GW par an ensuite.

Éloigner le parc des côtes charentaises

En cause essentiellement : la zone d'implantation du futur champ d'éoliennes, très largement contestée. Située dans le Parc naturel marin et en zone Natura 2000, elle est aussi au cœur de la zone de pêche des marins locaux. De quoi susciter "l'incompréhension quasi totale du public", selon Francis Beaucire. De fait, pour la CPDP, seul "le glissement du projet plus loin en mer" pourrait voir naître l'espoir d'un "consentement sous conditions".

C'est d'ailleurs la première des recommandations qu'elle adresse au ministère de la Transition écologique et à RTE : soumettre aux candidats du futur appel d'offres une zone d'étude "suffisamment grande, et étendue plus au large". Une suggestion a priori appuyée par une première "exploration technique" réalisée par deux bureaux d'étude, qu'elle a sollicités . L'objectif : pouvoir envisager un parc éolien posé en dehors du parc naturel marin et de la zone de pêche côtière [au-delà des 20 miles dans la limite de 70 mètres de profondeur]. "Sans exploser les coûts", précise Francis Beaucire.

"La question de l'éloignement va être prise en considération", assure à cet égard Pierre-Emmanuel Vos, directeur à la Dreal de Nouvelle-Aquitaine, en charge de l'animation locale du projet , sachant que les règles du débat public imposent désormais aux maîtres d'ouvrage de se prononcer sur cette option.

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La crainte d'une multiplication des éoliennes

C'est aussi une clarification des intentions de l'État pour la façade Atlantique que la CPDP appelle de ses vœux. Car l'élargissement, au cours du débat, de la zone d'étude sur laquelle le projet est envisagé (1), que le gouvernement a justifié par la nécessité de mieux concilier l'ensemble des enjeux, est perçu par les opposants comme une manœuvre pour développer à termes "une grappe de parcs" éoliens au large de la Charente-Maritime.

De fait, si pour l'heure l'essentiel des projets de parc éoliens se trouvent en mer du Nord et dans la Manche, les évolutions technologiques de la dernière décennie permettent aujourd'hui d'envisager la pose d'éoliennes en grandes profondeurs, ouvrant la voie au déploiement de parcs le long des côtes atlantiques. Le président de la République a d'ailleurs annoncé en février dernier l'objectif d'une cinquantaine de parc éoliens en mer, pour "viser 40 GW en service en 2050". "On en est très très loin" (2), souligne Pierre-Emmanuel Vos, rappelant combien le contexte climatique impose le développement des énergies renouvelables : "70 % de la consommation finale d'énergie est aujourd'hui encore d'origine fossile".

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Ce débat clôt aussi "une série importante de débats publics sur les projets éoliens en mer" et "semble avoir hérité du cumul des erreurs passées", soulève pour sa part la Commission nationale du débat public dans son bilan, également publié le 28 avril. Qui appelle donc à "une planification spatiale à 20 ou 30 ans des projets envisagés, suffisamment précise pour offrir de la visibilité aux acteurs locaux sur les différents usages de la mer".

L'État et RTE ont désormais jusqu'au 28 juillet 2022 pour répondre aux observations de la CPDP, et déterminer si oui ou non, ils lancent la mise en concurrence des futurs développeurs.

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Cet article est le premier volet d'une série de quatre épisodes sur le projet de parc éolien offshore au large de l'île d'Oléron, en Charente-Maritime, publiés du 10 au 12 mai 2022 dans La Tribune :

(1) Initialement fixé à 300 km2, cette zone a été élargie à 743 km2 début décembre 2021

(2) À ce jour, aucun parc offshore n'est encore opérationnel en France, le premier étant attendu d'ici la fin de l'année à Saint-Nazaire. D'après le ministère de la Transition écologique, la puissance cumulée des projets en cours ou en débat dépasse de peu le 7MW.

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