"Nous ne sommes pas une bande d'excités qui s'opposent par principe à l'implantation d'éoliennes en mer ou qui défendent une posture Nimbyiste (*), mais la zone choisie par l'État est certainement le pire endroit de la côte Atlantique où implanter un parc éolien."
Fondateur et vice-président de la Ligue de protection des oiseaux et ancien président du Ceser (conseil économique, social et environnemental régional), le Rochelais Dominique Chevillon n'en démord pas : développer un parc éolien offshore au cœur du Parc naturel marin (PNM) de l'estuaire de la Gironde et du Pertuis charentais, qui plus est en zone Natura 2000, relève de l'aberration !
Car ces espaces côtiers et marins, viviers de nombreuses espèces végétales et animales, "regorgent de lieux extraordinaires, reconnus comme tels par l'État et l'Union européenne", rappelle-t-il. "Sept réserves nationales y ont été créées entre 1976 et 2011 ; le territoire est en zone Natura 2000 depuis 2009 ; et nous y avons créé en 2015 le PNM, après quinze ans de discussion avec tous les usagers". C'est aussi au large de ces côtes charentaises que transitent chaque année des dizaines de milliers d'oiseaux migrateurs partis d'Afrique pour rejoindre l'Europe du Nord ou l'Amérique du Nord, qui trouvent repos et ravitaillement dans les réserves naturelles côtières.
Certes, le plan de gestion du PNM y autorise le développement de projets éoliens. "Mais sous réserve que les études d'impact démontrent la compatibilité du projet avec la préservation des écosystèmes. Or, on nous explique que les incidences socio-économiques et environnementales du projet seront connues une fois que le projet sera précisé par les industriels. Cela va à l'encontre même du débat public, qui est une déclinaison de la convention internationale d'Aarhus", dénonce encore Dominique Chevillon. La LPO, rompue à l'exercice, se prépare donc à "un lourd contentieux".
"Une étude d'impact se fait quand on sait précisément où on s'installe", répond égard Pierre-Emmanuel Vos, directeur du projet à la Dreal de Nouvelle-Aquitaine. Si mise en concurrence il y a, les candidats proposeront en effet une zone d'implantation des éoliennes, de 120 km2 environ, à l'intérieur de la zone d'étude qui leur sera soumise dans le cahier des charges.
Une première étude bibliographique, réalisée par l'université de La Rochelle et les bureaux d'études Creocean et Cohabys, pour le compte du ministère de la Transition écologique, fait d'ores et déjà état des risques encourus par les mammifères marins, l'avifaune et plus globalement l'écosystème local, pointant des effets attendus essentiellement pendant la phase de travaux.
"La biodiversité est très variable au sein du PNM, nous pouvons trouver des zones dans le parc ou à proximité où l'implantation des éoliennes sera plus propice", assure Pierre-Emmanuel Vos, soucieux de mettre en place une gouvernance de projet "fondée sur la co-construction".
Les élus locaux massivement défavorables, ou presque
Du côté des élus locaux, la plupart s'opposent aussi au projet, faisant valoir l'importance de la filière pêche dans l'économie locale, la menace sur la biodiversité locale et le risque de perte d'attractivité touristique en cas d'horizon tapissé de mat d'éolienne. En particulier, le conseil municipal de Saint-Pierre d'Oléron, où se situe le port de la Cotinière a émis un avis défavorable au projet début février. C'est aussi le cas du département de la Charente-Maritime, qui s'est prononcé contre le projet, en plénière, le 18 mars.
Une voix s'élève toutefois parmi ces nombreux opposants : celle de Patrick Salez, conseiller municipal de La Flotte et conseiller communautaire de l'Île-de-Ré. Spécialiste de l'aménagement du territoire, lui regrette "un débat très binaire", où "l'impact local l'emporte sur l'intérêt général" :
"Les impacts sont surtout importants en phase de construction, et il existe des techniques pour les limiter, comme des filets de bulles qui atténuent la pollution sonore sous-marine, ou un assemblage des pièces optimisé au port, pour limiter l'assemblage en mer", souligne-t-il pour sa part.
Lui défend donc un parc "localisé à l'ouest de la macrozone de 743 m2, au large de la limite des 20 milles nautiques et en deçà de la ligne des 70 m de profondeur des fonds marins", projet dont la faisabilité semble attestée par une première "exploration technique" commandée par la CPDP. [voir article rapport CPDP]. Les éoliennes se situeraient alors "à la fois en dehors de la zone d'action autorisée de la petite pêche côtière (80 % de la flottille locale), du Parc naturel marin et de la zone Natura 2000 Habitats" et aurait un impact visuel "limité".
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Cet article est le deuxième volet d'une série de quatre épisodes sur le projet de parc éolien offshore au large de l'île d'Oléron, en Charente-Maritime, publiés du 10 au 12 mai 2022 dans La Tribune :
- Éolien offshore à Oléron : vers un éloignement du parc face à l'hostilité du public ?
- Éolien offshore à Oléron : "la zone choisie est certainement le pire endroit de la côte Atlantique"
- Éolien offshore à Oléron : comment la filière régionale compte capter les retombées
- Éolien offshore à Oléron : les pêcheurs défendent une zone stratégique pour la filière (13 mai)
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