Remis mi-mars à Elisabeth Borne, le rapport de la mission sur "la représentation des travailleurs indépendants et le dialogue social au sein des plateformes numériques d'emploi" devait être rapidement suivi d'effets. C'est désormais le cas puisque la ministre du Travail, qui avait bien accueilli les propositions de la mission, a présenté l'ordonnance prévue par l'article 48 de la Loi d'orientation des mobilités au cours du conseil des ministres de ce mercredi 21 avril 2021
Après quarante auditions et près de quatre-vingt personnes auditionnées, les trois rapporteurs - Bruno Mettling, ancien DRH et cadre d'Orange, Pauline Trequesser, fondatrice du collectif de freelances Cosme, et Mathias Dufour, dirigeant du think tank #leplusimportant - ont proposé une architecture de dialogue social entre les travailleurs et les plateformes et préconisé sa mise en œuvre dès le printemps 2022. Un cadre qui concernera d'abord les chauffeurs VTC et les livreurs à vélo de biens et repas, soit environ 100.000 personnes selon les estimations des trois rapporteurs.
Des élections début 2022
Leur conviction : "L'économie des plateformes ne peut se développer que si elle repose sur un modèle social juste." Les rapporteurs préconisent la tenue dès 2022 "d'une élection au niveau national, organisée tous les deux ans, par secteur et sur sigle, c'est-à-dire avec un vote pour des organisations et non des personnes", indique Pauline Trequesser à La Tribune. La mission privilégie donc un dialogue social par secteur d'activités plutôt que plateforme par plateforme même si ce dernier reste possible. "La priorité donnée au niveau sectoriel tient à ce qu'il constitue le niveau le plus adéquat pour instaurer un socle commun et d'obligation, sans distorsion de concurrence entre les plateformes", précisent les rapporteurs.
Cette élection, limitée au secteur des VTC et des livreurs, soit une douzaine de plateformes, se fera à un seul tour par vote électronique et sera supervisée par une toute nouvelle Autorité nationale des relations sociales des plateformes d'emploi (Arpe). Celle-ci sera garante de l'organisation des élections et de la protection des représentants élus en cas de rupture du contrat de travail tout en jouant un rôle de proposition sur les pratiques et la régulation sociale des plateformes.
Un mandat de deux ans
Si ces deux élections - l'une pour les VTC, l'autre pour les livreurs - ont bien lieu au printemps prochain, les négociations sociales pourraient débuter dès le second semestre de la même année. "Le mandat d'une durée deux ans a été choisi pour prendre en compte à la fois le besoin de stabilité et le besoin d'adaptation face à la rapidité d'évolution des plateformes et au taux élevé de turnover qui y existe", précise Pauline Trequesser. L'objectif de la task force et de l'ordonnance, ajoute-t-elle, est bien de "laisser aux travailleurs le libre choix de leurs représentants (collectifs, syndicats...) et de veiller à ce que le plus grand nombre puisse voter".
La liste électorale sera ouverte à tous les travailleurs ayant eu au moins trois mois de chiffre d'affaires au cours des six mois précédant la date où la liste électorale est arrêtée. Les élus seront formés et leurs heures de délégations financées collectivement par les plateformes. Le seuil de représentativité est fixé à 5 % des suffrages exprimés mais ce seuil sera relevé à 8 % par la suite. Les trois rapporteurs avaient en effet préconisé une démarche très souple et adaptable.
Sept thèmes en discussion
"Cette première étape essentielle sera complétée par des dispositions qui préciseront dans un prochain vecteur les modalités de négociation collective entre plateformes et représentants des travailleurs indépendants qui y ont recours", précise le gouvernement. Sachant que les rapporteurs de la mission ont identifié sept thèmes possibles et ont exclu la question de la protection sociale qui fera l'objet d'une démarche distincte à définir. Les sept thèmes sont :
- les conditions d'exercice de l'activité,
- les modalités de détermination du revenu des travailleurs, dont le prix,
- les conditions de travail et risques professionnels,
- les modalités de partage d'informations et de dialogue sur les conditions d'exercice
- les modalités de changement de ces conditions,
- la qualité de service attendu et les modalités de contrôle de la réalisation du service,
- les circonstances qui peuvent conduire à une rupture des relations commerciales et les garanties des travailleurs à ce sujet.
Sachant que lors du 1er cycle électoral 2022-2024, s'ajoutera un thème obligatoire sur les "modalités de représentation et de dialogue à mettre en place au niveau des plateformes, avec une clause supplétive prévoyant une intervention de l'Etat en cas d'absence d'accord au bout d'un an."
Enfin, les accords négociés et signés pourront "s'appliquer à toutes les plateformes - et donc tous les travailleurs - sous réserve, côté travailleurs, de leur signature par les organisations représentant 30 % au moins des suffrages exprimés et de l'absence de véto des organisations représentant au moins 50 % des suffrages, côté plateformes, de leur signature par au moins une organisation représentative et de l'absence de véto de celles représentant au moins 50% des travailleurs et d'être homologués par l'Arpe."
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