![Jérémie Roumegoux, à gauche, lors de l'édition Vinexpo Asia à Singapour l'an dernier.](https://static.latribune.fr/full_width/2377026/vinexpo-hong-kong.jpg)
Bien sûr, l'Asie reste le premier marché à l'export pour les vins de Bordeaux. Pourtant, selon les chiffres de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France, l'appellation, toutes catégories confondues, est passée entre 2019 (l'avant-Covid) et 2023 de 7,2 millions de caisses écoulées à 5 millions, avec une baisse en valeur de plus de 135 millions d'euros sur ces cinq années. Rien que pour la Chine, selon les derniers chiffres du CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux), la chute des exportations a atteint l'an dernier 17% sur un an.
La pente sera sans doute longue à remonter. Pourtant le terroir girondin ne manque pas d'atouts aux yeux des consommateurs en Asie, selon Jérémie Roumegoux, responsable Asie-Pacifique pour la société de négoce Clarence Dillon Wines, dont il animera aussi le stand à Vinexpo Hong Kong : « Il y a la qualité intrinsèque du terroir, un côté ancien monde qui bénéficie du climat océanique, avec beaucoup plus de finesse et de fraîcheur et des vins plus digestes. Bordeaux, c'est le premier vignoble AOC (appellation d'origine contrôlée) en France de par sa taille avec les plus importants volumes de vin premium au monde. »
Pas tous à la même enseigne
En Asie, les bordeaux partaient aussi avec un coup d'avance. En effet, ils ont pris pied sur le continent dès la fin des années 90, juste avant le passage à l'An 2000. « À partir de 1998-1999, on a vu une fièvre des vins de Bordeaux en particulier au Japon, qui est devenu alors le premier marché en Asie, se souvient le Français. Les grands crus classés étaient eux présents depuis des décennies, mais sur des volumes plus restreints. Ils bénéficiaient déjà d'un puissant réseau commercial dans tous les pays d'Asie sur lequel tous les acteurs ont pu s'appuyer. »
Mais entre les petits vins de grande surface et les grands crus les plus prestigieux, tous les châteaux ne sont pas logés à la même enseigne : « C'est surtout le classement de 1855 (voulu par Napoléon III à l'occasion de l'Exposition universelle de Paris, ndlr) qui tire vers le haut l'image des vins de Bordeaux. Les grands crus se vendent bien mais derrière ça rehausse aussi l'image de vins plus modestes. »
Les concurrents se bousculent
Jérémie Roumegoux vit depuis 17 ans au Japon. Ancien de la marine nationale, il découvre à l'époque le Japon et le milieu du vin un peu par hasard. Installé à une heure de Tokyo, il représente aujourd'hui des domaines prestigieuses comme Haut-Brion, Château Quintus à Saint-Émilion ou encore Clarendelle, sa marque phare dans toute l'Asie-Pacifique. Son rôle est de développer les marchés sur la région et d'accompagner les distributeurs locaux.
Et si les bordeaux étaient pionniers en débarquant sur le marché asiatique il y a un quart de siècle, le Français observe que les concurrents s'y bousculent désormais. « Sur l'entrée de gamme, c'est très compliqué, reconnaît Jérémie Roumegoux. Nous sommes très concurrencés par les vins australiens et chiliens, qui ont de très bons rapports qualité-prix sur les mêmes assemblages phares que propose Bordeaux comme le cabernet sauvignon et le merlot. On souffre de certains marchés où il reste pas mal de stocks, essentiellement sur les grands crus à Hong Kong où la rotation est beaucoup plus lente. »
Les vins de Bordeaux bien représentés Vinexpo attend la visite de 10.000 professionnels des vins et spiritueux pour ce retour à Hong Kong. 1.300 producteurs venus du monde entier y présenteront leurs produits. Il s'agit à 40 % de Français et à 60 % d'internationaux. Le pays producteur le plus présent sur ce salon asiatique sera l'Australie mais les vins de Bordeaux seront le deuxième vignoble le plus représenté dans les allées. « Le marché mondial du vin redémarre parce que les caves se vident et parce que les produits proposés sont de plus en plus diversifiés avec des vins fruités, effervescens ou même sans alcool », explique Patrick Seguin, le président de la CCI Bordeaux Gironde, actionnaire de Vinexpo.
Des appels d'air
Après une timide tentative post-Covid l'an dernier à Singapour, c'est donc le grand retour aux sources cette année pour Vinexpo Asia à Hong Kong, où le salon a été créé il y a 26 ans. Les vignerons et négociants bordelais comptent eux sur l'impact de la récente visite d'État en France au début du mois du président chinois pour booster leurs négociations.
« Le soir du dîner officiel à l'Élysée, des bouteilles du prestigieux Château Lafitte 2007 étaient en effet au menu, assure Jérémie Roumegoux. Quand Xi Jinping consomme des vins français, il y a souvent des appels d'air. C'est loin d'être anecdotique. Les Chinois sont très chauvins et suivent ce que fait leur président, pour des raisons politiques notamment, en tout cas à la vue des autres. »
Sujets les + commentés