Au Salon de l’Agriculture, la rupture entre les exposants et les invisibles

D’accord sur le fond, opposés sur la forme. Les exposants du Salon reprochent aux syndicats d’avoir « gâché la fête », mais s’entendent au moins sur une chose : l’insuffisance des mesures gouvernementales. La Coordination Rurale continue d’interpeller les politiques. Le président de la Nouvelle-Aquitaine en a fait les frais.
Les membres de la Coordination rurale ont agité la journée de la Nouvelle-Aquitaine au Salon de l'Agriculture.
Les membres de la Coordination rurale ont agité la journée de la Nouvelle-Aquitaine au Salon de l'Agriculture. (Crédits : SG / La Tribune)

Il n'y a pas que les vaches qui montent sur le ring. Ce mercredi, pour la journée dédiée à la Nouvelle-Aquitaine au Salon de l'Agriculture, Alain Rousset est aussi allé au combat. Littéralement : « Salut le facho ! », adresse-t-il à son détracteur Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne, figure de la Coordination Rurale. Les membres du syndicat aux bonnets jaunes attendaient de pied ferme le président de la région pour lui reprocher son silence et sa politique qui « entasse les normes ».

Dans le pavillon numéro 1, roi du Salon avec ses bovins, la tension est toujours ambiante, mais moindre par rapport à l'ouverture chaotique de samedi dernier. La Nouvelle-Aquitaine affiche fièrement son vin, ses fromages, son cognac, ses pommes et ses boeufs. Mercredi, la première région agricole du pays en superficie, était mise à l'honneur. Les quatre races, Bazadaise, Limousine, Blonde d'Aquitaine et Parthenaise, étaient appelées sur le grand ring de présentation. Pour l'occasion, le président Alain Rousset a fait le tour des stands entre éleveurs et exposants. Une visite faite de revendications et d'une tension ambiante véhiculée par les syndicats.

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Alain Rousset interpellé par le président de la chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne. (crédits : SG / La Tribune)

Les exposants tournent le dos aux syndicats

Un mois après le début des premiers mouvements de contestations liés à la crise agricole, les acteurs restent remplis de doutes et de colère comme l'atteste l'ouverture du Salon. Compte tenu du prix des stands, seule une certaine classe d'agriculteurs peut se permettre de se rendre à Paris. Pour la plupart, ils se désolidarisent de la violence et de la prise à partie d'Emmanuel Macron.

« C'est dommage que certains agriculteurs aient gâché la fête. Les exposants ont payé cher pour venir et n'ont pas pu profiter pleinement du samedi, le jour phare. Il y aurait pu avoir des échanges courtois, autrement qu'en voulant faire du buzz », regrette Jean-Pierre Bonnet, éleveur de Haute-Vienne et président de l'association Limousin Promotion. C'est le sentiment partagé par Amandine et Florent, vignerons à Arbis dans l'Entre-deux-Mers : « C'était sûr que ça allait péter. On comprend la colère, mais c'est con. Au final on est entré en même temps que le public alors que le stand n'était pas encore prêt. »

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Les annonces du gouvernement ne changent rien

Si les problématiques rencontrées dans chaque filière ne sont pas forcément liées, l'exaspération vis-à-vis du gouvernement unit les agriculteurs. Olivier Laban est ostréiculteur sur le bassin d'Arcachon et président du comité régional de la conchyliculture. Et pour lui, la crise traversée pendant les fêtes est encore loin d'être effacée. « On nous a volé notre chiffre d'affaires. » Il attend que l'État prenne en charge les 5 millions d'euros de pertes enregistrés sur le Bassin. Avec ses collègues, il fait déguster des huitres gratuitement, mais maintient qu'il n'est pas en « opération reconquête » du public.

Un public qu'aimerait bien reconquérir Amandine, la vigneronne girondine. « Le vrac ne se vend plus, on a besoin de trésorerie. » Elle a dû arracher 6 hectares sur les 34 qu'elle exploite, « un crève-cœur » avoue-t-elle. « L'État nous divise entre les productions bio et les autres, car ils donnent plus d'aides à l'un qu'à l'autre. Ce n'est pas normal. On nous marche sur la tête. Leurs mesures, c'est peanuts ! », poursuit-t-elle.

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Jean-Pierre Bousquet partage le même constat et évoque les prix plancher européens. « Si on prend l'exemple de la Pologne, les prix plancher européens ne seront pas favorables aux éleveurs français. Si les agriculteurs étaient payés au coût de production, on n'aurait plus besoin de ces mesures qui ne sont que du saupoudrage. »

Sur l'écologie, Rousset ne veut pas reculer

Malgré les pressions de la Coordination Rurale, Alain Rousset a maintenu son cap agroécologique et milite toujours pour l'instauration plus rapide de produits alternatifs. Il fustige la stratégie du gouvernement : « Changer de trajectoire est stupide ! Cela révèle un manque de courage politique. » De son côté, Luc Servant, président de la chambre d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine et élu Fnsea, voit les choses un peu différemment : « Le plan Ecophyto est mis en pause, mais il va redémarrer. Je ne pense pas que l'écologie soit mise en « stand-by ». Je pense simplement que l'on n'avance plus à marche forcée, sans se soucier des conséquences sur les productions et du revenu des agriculteurs. »

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Le ministre Christophe Béchu a signé une convention avec les élus régionaux. (crédits : SG / La Tribune)

Une matinée qui s'est soldée par la passage de Christophe Béchu sur le stand régional. Le ministre de la Transition écologique et des relations avec les collectivités était l'un des signataires d'un protocole de gestion de l'eau sur le bassin Adour Garonne. « Je suis fier d'accompagner des territoires qui préfèrent regarder en face les problèmes futurs » déclare-t-il. Déjà, en rupture ou en tension selon les endroits à cause du réchauffement climatique, l'enjeu des prochaines années sera d'allier l'abreuvement des cheptels et l'approvisionnement en eau des populations locales. A l'image de modèles agricoles qui ont cruellement besoin de cultiver le dialogue.

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Commentaires 3
à écrit le 04/03/2024 à 9:23
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Là depuis trop longtemps Rousset, beaucoup trop longtemps du coup comme tous les politiciens repus aux compromis on fini toujours par passer aux compromissions. Maintenant comme tous nos politiciens à savoir 30% de bon et 70% de mauvais.

à écrit le 02/03/2024 à 21:55
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Alain Rousset, le président de région qui s’étonnait aux côtés de Macron à Egletons en Correze il y a 5 ans que les ouvriers licenciés d’Argenton sur Creuse n’acceptent pas de venir travailler à Ussel ou à Egletons alors qu’il n’y a pas de route dir...

à écrit le 01/03/2024 à 14:36
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Les syndicats oublient qu'ils sont une partie du problème tous autant qu'ils sont et ils feraient bien de commencer à balayer devant leurs portes ils en gagneraient en crédibilité .

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