La production de viande décroche sous l'effet du marché et de la consommation

La somme des difficultés devient intenable pour l'élevage, alerte la Chambre d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine. Des baisses de production inédites sont observées dans toutes les filières et une nouvelle menace sanitaire plane sur les cheptels. Si cette plongée semble favoriser la réduction de l'empreinte carbone, la consommation continue en réalité d'augmenter et la France y perd une partie de sa souveraineté alimentaire.
Maxime Giraudeau
Le volume de production de viande bovine diminue de 8 % en Nouvelle-Aquitaine en 2023.
Le volume de production de viande bovine diminue de 8 % en Nouvelle-Aquitaine en 2023. (Crédits : MG / La Tribune)

Le temps de travail, les investissements pas rentables, le cumul des normes. « C'est un ensemble de choses qui font que, petit à petit, les éleveurs arrêtent. Et souvent, il n'y a personne pour reprendre. » A l'image du constat du président de la Chambre d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine, la situation de l'élevage est des plus délicates en cette fin d'année. La région, qui vient déjà de perdre son rang de première productrice de richesse agricole en France, collectionne les embarras.

Lire aussiLa Nouvelle-Aquitaine n'est plus la première région agricole française en valeur

La production animale dévisse dans toutes les filières de la région en 2023. Les volumes d'abatage sont en retrait de -17 % pour la viande ovine, -11,5 % pour les volailles de chair, -8% pour la viande bovine et -5 % pour les porcs. L'offre de canards, durement frappés par l'épidémie d'influenza aviaire, recule même de 26 %. Si la production animale ne représente que 25 % de la valeur agricole annuelle en Nouvelle-Aquitaine, cette part pourrait encore baisser.

Ce qui ressemblerait alors à une bonne nouvelle pour l'environnement - puisque la consommation de viande représente 10 % des émissions d'un Français en moyenne selon Carbone 4 - n'est en réalité pour l'heure qu'un report de la demande vers des produits moins chers et importés. Le même phénomène qui nuit à l'agriculture biologique.

Un modèle qui ne séduit pas les candidats à la reprise

« La France vient de rétrograder au sixième rang des pays exportateurs de denrées agricoles. On nous dit qu'il faut monter en gamme mais les débouchés ne sont pas là ! Les volailles ukrainiennes ont pris des places de marché... Et nos coûts de production sont trop importants pour s'aligner sur les prix », regrette Luc Servant, président de la chambre d'agriculture Nouvelle-Aquitaine et syndiqué à la FNSEA.

En 2022, la consommation (+0.8 %) comme les importations de viande (+11 %) ont toutes deux augmenté dans le pays. Quand la trajectoire de réduction de notre empreinte carbone impose de consommer moins de viande et mieux, les consommateurs, pressés par l'inflation, font exactement l'inverse. Et pour les éleveurs français, l'équation économique est toujours insoluble. Beaucoup arrivent en retraite sans transmettre leur cheptel dans le cadre d'une installation quand d'autres changent de pratiques.

Lire aussiCes néo-paysans qui bousculent l'agriculture française

La déprise des cheptels touche particulièrement le Limousin, où deux tiers de la valeur agricole produite relève des productions animales. Dans ces trois départements, à l'est de la Nouvelle-Aquitaine, la concentration des exploitations s'accroît à mesure que les candidats à l'installation ne se manifestent pas.

« Les primes ne sont pas à la hauteur »

Autre source d'inquiétude pour la profession, l'apparition fin septembre de la Maladie hémorragique épizootique (MHE) qui provoque des ulcères et des difficultés d'alimentation aux bovins. Sur 11 départements touchés dans le Sud-Ouest, les Pyrénées-Atlantiques, les Landes et la Gironde sont concernés, alors que plus de 2.000 foyers étaient recensés au 26 octobre. Le virus arrivé en Espagne en 2022 se transmet par un moucheron et provoque un taux de mortalité de 1 à 5 % parmi les individus infectés. « Les maladies arrivent de tous les côtés, la peur de tout le monde, c'est que la MHE remonte encore plus vite à travers le pays », témoigne pour La Tribune Xavier Desouche, président de la Coordination rurale Nouvelle-Aquitaine, deuxième syndicat agricole en nombre d'élus représentés à la chambre.

Si la baisse de la production de viande est souhaitable pour limiter l'empreinte carbone, le lent déclin de l'élevage inquiète. « Les montant accordés sur les primes animales ne sont pas à la hauteur, il faut remédier à ça. On exige aussi l'application urgente des quotas dictés par la loi Egalim », réclame Denis Mousseau, président de la FNSEA Nouvelle-Aquitaine. Deux ans après la promulgation de la seconde version du texte, les 50 % de produits de qualité dans la restauration collective d'établissements publics ne semblent pas atteints.

Innover ou mourir ?

Autant de difficultés qui brident les trésoreries des exploitations, incapables d'investir dans la transition agro-écologique. Pour les aider, le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a décidé de conditionner certaines aides à l'agriculture en fonction d'engagements environnementaux pour encourager la reprise. Mais les agriculteurs y voient surtout des nouvelles normes et pas mal de complications. « La crainte, c'est la distorsion de concurrence avec les autres régions », souligne Luc Servant.

manif agriculteurs

Les agriculteurs avaient manifesté en février 2023 à Bordeaux contre les mesures agro-écologiques du conseil régional. (crédits : Sébastien Ortola / Agence APPA)

La profession va pourtant être contrainte de revoir son logiciel, et ce d'abord dans son propre intérêt. L'agriculture a cruellement besoin de renouveau selon un rapport de l'OCDE publié ce 30 octobre qui pointe la nécessité à investir dans l'innovation et l'adaptation pour répondre au défi climatique. « Il faut des politiques agricoles qui favorisent l'agilité et incitent à s'adapter dans un environnement en mutation », détaillent les experts. « Pourtant, l'essentiel du soutien renforce les structures de production existantes. » Transformation aussi cruciale que tardive.

Lire aussiCrise du monde agricole : « C'est la fin d'une forme d'agriculture »

Maxime Giraudeau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 01/11/2023 à 10:21
Signaler
Ou quand l'agro-industre roule contre l'intérêt de la France et des français mais bon cela l'a toujours été. Pas grave continuons de les gaver de centaine de milliards.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.