« Une usine dans les champs » : Ecolience prône une agriculture bio intégrée de proximité (4/4)

REPORTAGE. Ecolience c’est le projet un peu fou d’un couple d’entrepreneurs qui prône un modèle agricole de proximité. Propriétaires d’une ferme bio de 260 hectares dans la Vienne, Frédéric Grünblatt et Marlène Castan sèment, récoltent, transforment et conditionnent ce qu’ils produisent. Ils ont construit, au milieu des champs, un bâtiment dédié à la transformation de la matière première et ont embarqué avec eux une vingtaine de producteurs bio des environs dans un rayon de 100 kilomètres.
Le bâtiment d'Ecolience, avec ses douze ateliers de transformation, est opérationnel depuis fin 2022.
Le bâtiment d'Ecolience, avec ses douze ateliers de transformation, est opérationnel depuis fin 2022. (Crédits : Ecolience)

Frédéric Grünblatt le reconnaît bien volontiers. « C'est un projet un peu fou ! ». Après avoir évolué une trentaine d'années dans l'univers de la bio et vendu le grossiste Vitafrais qu'il avait co-fondé, Frédéric Grünblatt et Marlène Castan, couple dans la vie, ont acquis en 2019 une exploitation de 260 hectares à Genouillé, dans la Vienne. Ils y produisent en bio une vingtaine de cultures différentes : du blé, de l'orge, des graines de courges en passant par des légumineuses. La ferme accueille également un troupeau de chèvres de race Poitevine tandis que la partie maraîchage a été lancée l'été dernier. Mais bien plus qu'une exploitation, la ferme Ecolience a fait le pari de transformer sur place ses graines et celles d'une vingtaine de producteurs bio des alentours.

Lire aussiBio: « Les producteurs font de l'apnée » (Laure Verdeau, Agence bio)

« Une usine dans les champs »

« Nous avons construit une usine dans les champs ! », avoue Frédéric Grünblatt. Et cela n'a rien d'une image. À deux pas d'un champ de courges prêtes à être ramassées pour en extraire les graines de courge, s'élève un bâtiment flambant neuf de 3.600 m2.

Ecolience

Frédéric Grünblatt et Marlène Castan dans le champ de courges avec en arrière-plan, le bâtiment dédié à la transformation. (crédits HL/LT)

Douze ateliers de transformation

C'est précisément ici, que toutes les productions de la ferme et des agriculteurs partenaires arrivent. Première étape : l'unité de stockage et de triage. La matière première y est nettoyée, triée parfois décortiquée. Ces graines sont consommées brutes, pressées dans l'huilerie ou transformées en farines. Puis chaque atelier est approvisionné en farines, malt, huiles et graines selon les besoins de chaque métier, le tout en circuit fermé à l'intérieur du bâtiment. En tout, douze ateliers dédiés à la fabrication d'une même famille de produits cohabitent : l'huilerie, la meunerie, la micro-brasserie, la fabrication de pâtes, la boulangerie, la biscuiterie ou encore la partie traiteur actuellement en phase de R&D.

Ecolience

Frédéric Grünblatt dans la première partie du bâtiment où sont traitées les graines. (crédits : HL/LT)

En 2023, la ferme d'Ecolience et ses partenaires ont récolté plus de 1.400 tonnes de graines à destination de l'alimentation humaine sans déroger à la règle des 100 kilomètres maximum pour l'approvisionnement. L'objectif du projet est de collecter environ 8.000 tonnes à l'horizon 2028. Après avoir lancé les premières transformations fin 2022, Ecolience est actuellement en phase de montée en puissance industrielle et commerciale.

Ecolience

La fabrication des pâtes. (crédits : Ecolience)

En matière de distribution, les produits transformés et commercialisés sous la marque « Sans détour » sont vendus à l'échelle du territoire mais aussi au-delà dans le cadre d'un premier partenariat avec So.bio qui a débuté en 2021 avec la distribution de graines de courges. La vente en magasins spécialisés bio devrait représenter 40 % du chiffre d'affaires d'Ecolience, la restauration collective entre 25 et 30 %, la partie BtoB 30 % entre la vente à des industriels, la sous-traitance de l'outil pour le décorticage ou encore l'activité semence de l'entreprise.

La filière bio à la croisée des chemins

Cet article est le quatrième et dernier épisode d'une série sur la situation de l'agriculture biologique en Nouvelle-Aquitaine publiés du 10 au 13 octobre :

Des ajustements du modèle

Depuis le lancement du projet, les fondateurs ont toutefois dû s'adapter. Le montant de l'investissement est passé de 8 à 14 millions d'euros. Ecolience a également été impacté par la baisse de la consommation de produits bio dans un contexte inflationniste. Le projet a ainsi été ajusté, « mais pas dénaturé », insiste Frédéric Grünblatt.

« Nous avons fait des ajustements sur la boulangerie où le modèle prévu avec une distribution de relative proximité à 60 kilomètres dans les villes moyennes ne passe plus. L'augmentation des coûts de transport et la réduction des volumes de vente fait que cela n'a plus de sens écologique ni économique. Ensuite, nous nous sommes adaptés mais positivement. Sur la bière, nous n'avions pas prévu de faire des fûts. La rencontre avec un distributeur fait que nous en proposons désormais pour le secteur des cafés, hôtels, restaurants (CHR). Cela a du sens localement. »

Lire aussiAlimentation: le bio peut-il rebondir ?

Prouver sa rentabilité avant de dupliquer

Frédéric Grünblatt croit résolument en ce modèle jugé aussi réalisable que vertueux :

« Le projet Ecolience, c'est l'ambition de lier agriculture, écologie, territoire et société. En terme de souveraineté alimentaire, quand l'outil Ecolience tournera à plein régime, nous serons capables de nourrir un tiers du département de la Vienne sur les familles de produits de base. Ce modèle a l'avantage de concentrer la matière sur un seul lieu, une matière qui n'a pas à parcourir des centaines de kilomètres et ne nécessite pas l'implication de nombreux acheteurs.

Nous avons des sources d'économie. Nos équipiers sont polyvalents, ils passent de la brasserie à la fabrication de pâtes ou d'huile et sont formés pour cela. Nous avons des avantages concurrentiels mais il reste à valider ce modèle économiquement. Et pour cela, nous avons besoin du soutien des distributeurs. S'il n'est pas viable, rentable, il ne sera pas duplicable. Or l'objectif, in fine, c'est que ce type d'outil soit réplicable », insiste Frédéric Grünblatt.

Ecolience emploie actuellement une vingtaine de personnes mais vise à terme 60 à 70 salariés.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.