
« On dit de nous que nous sommes un ovni de la bio », savoure Tiphanie Verger, responsable du sourcing pour Elibio, visiblement convaincue par l'expression. Lancée en 2018, la marque a annoncé en septembre une augmentation de son chiffre d'affaires de 29 % entre le 1er semestre 2022 et le 1er semestre 2023 après, déjà, une augmentation de 60 % de ses ventes en 2022. 95 références sont à ce jour disponibles, l'objectif étant de proposer 150 références de produits dits « essentiels » à des prix compétitifs pour concurrencer la grande distribution et rendre les produits bio accessibles. Parmi elles, de l'huile d'olive, des pâtes, de la sauce tomate, du café ou encore des yaourts natures, de la crème fraîche, des lardons.
« Cette marque a initialement été pensée pour contrer l'apparition de marques bio dans la grande distribution à une époque où les grandes surfaces rachetaient des enseignes spécialisées comme Casino avec Naturalia ou Carrefour avec So.bio. Nous étions inquiets », rappelle Christian Lafaye, président de l'association nationale des épiciers bio (Aneb) basée à Libourne en Gironde et précisément créée pour lancer Elibio.
« Une marque collective créée par les magasins bio pour les magasins bio », insiste Christian Lafaye. « Mais plutôt que de nous regrouper sous une enseigne, les magasins ont gardé une totale indépendance et autonomie. Nous avons mis en commun l'idée d'avoir une marque collective dans un cadre associatif et établi un cahier des charges et des règles d'usage de la marque. » L'Aneb compte aujourd'hui plus de 500 adhérents dont les magasins disposent de 100 à 500 m2 de surface de vente.
La filière bio à la croisée des chemins Cet article est le deuxième épisode d'une série sur la situation de l'agriculture biologique en Nouvelle-Aquitaine en quatre volets publiés du 10 au 13 octobre :
Mutualisation des volumes et réduction des marges
La clé de sa réussite ? « La mutualisation des volumes et la réduction des marges sur toute la chaîne de valeurs, du fournisseur au distributeur en passant par le grossiste. La réflexion est tripartite », insiste Christian Lafaye. « Chacun définit la marge dont il a besoin pour assurer sa rentabilité. À partir de là, si nous n'arrivons pas à sortir un produit à un prix compétitif, nous ne le lançons pas, tout simplement », explique Christian Lafaye.
« Concrètement, dans le cadre d'une étude de faisabilité, les adhérents cumulent les ventes potentielles d'un produit et nous regardons quelles sont les économies d'échelle possibles. Nous trouvons le fournisseur en mesure de fabriquer à des conditions compétitives, tandis que les grossistes définissent leur marge nécessaire pour assurer la logistique. Du point de vue de la démarche, nous partons d'un prix à atteindre sur le marché, nous remontons et voyons si c'est réalisable. Nous procédons à l'inverse des démarches habituelles », explique Christian Lafaye.
En matière de prix, l'Aneb s'est fixée deux règles : proposer des prix équivalents à ce qui se fait en grande distribution sur les marques distributeurs (MDD) dans le rayon bio et ne pas dépasser 15 % de plus par rapport à un produit conventionnel. « Aujourd'hui, nous nous situons au même niveau que les marques bio de distributeur en grande surface », confie Christian Lafaye pour qui le modèle développé par l'Aneb est unique. « Il existe des groupements d'achats mais le modèle n'est pas le même. » Pour lancer un produit, au-delà du prix, un comité composé d'une vingtaine de magasins a été mis en place pour valider une recette. « Si un produit ne recueille pas la majorité, il ne sort pas non plus », explique Tiphanie Verger.
Alors que les magasins bio sont en difficulté dans un contexte de baisse de la consommation, « la marque Elibio ne constitue en revanche qu'une partie de la réponse » pour Christian Lafaye. Selon les estimations, plus de 200 magasins bio ont disparu depuis 2022 toutes marques confondues.
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