Précarité alimentaire : l'aide aux étudiants « cible les consommateurs de demain »

À Bordeaux, deux dispositifs d'aide alimentaire à destination du monde étudiant viennent d'être lancés. Avec une sécurité sociale et des paniers à prix réduit, ces initiatives répondent à une précarité croissante mais visent aussi à développer l'habitude des circuits-courts chez un public peu sensibilisé.
Maxime Giraudeau
Près de la moitié des étudiants ont pour habitude de sauter des repas selon une enquête de l'Ifop menée en septembre 2023.
Près de la moitié des étudiants ont pour habitude de sauter des repas selon une enquête de l'Ifop menée en septembre 2023. (Crédits : Pexels/CC0 License.)

Pour un nombre croissant d'étudiants, bien se nourrir n'est même pas une préoccupation puisque le seul fait de manger est devenu un combat. Selon un sondage Ifop du 12 septembre 2023, en partenariat avec l'association Cop1, ils sont désormais plus d'un sur trois à devoir se procurer des denrées auprès d'associations. 49 % des étudiants limitent ou renoncent à des achats alimentaires, soit deux fois plus que dans la population française. Un écart que l'Ifop explique par l'âge : plus on est jeune, moins on accorde d'importance à l'alimentation.

Et pourtant, une partie de ce jeune public est en demande. « Il faut sortir du système d'aide d'urgence actuel et transformer les habitudes des étudiants, car ils expriment eux-mêmes le besoin d'être acteurs », s'élève Carmen Balerdi. Cette diplômée en sécurité alimentaire et économie de l'agriculture pilote, au sein du Crepaq (Centre ressource d'écologie pédagogique de Nouvelle-Aquitaine), le lancement d'une sécurité sociale de l'alimentation. Celle-ci a été officiellement ouverte le 26 septembre à 150 étudiants de Bordeaux Métropole tirés au sort sur 300 jeunes inscrits sans condition de revenus.

Lire aussiPauvreté: les associations tirent de nouveau la sonnette d'alarme

Chaque mois pendant deux à trois trimestres, les bénéficiaires reçoivent 100 gemmes, la monnaie locale bordelaise indexée sur l'euro, à dépenser chez des commerçants partenaires et uniquement pour des achats alimentaires. En contrepartie, les étudiants versent 10 euros mensuels en guise d'abonnement. Une façon de contribuer, au côté de nombreux partenaires publics et privés (**), à une initiative élaborée sur-mesure. « Le but est d'avoir un projet connecté à la réalité des étudiants. Ils nous ont conseillé sur le montant de la cotisation, la durée de l'aide, l'accompagnement ou le conventionnement avec la Gemme », déroule Carmen Balderi.

Avoir un retour d'expérimentations

Avec un budget de 200.000 euros pour cette première année, le Crepaq et les responsables de la monnaie locale mènent un galop d'essai. Les premiers bénéficiaires ont reçu leur allocation et découvrent une nouvelle façon de consommer en local. Pour parfaire le dispositif, des scientifiques vont suivre le cheminement des étudiants à travers une approche géographique et de sciences de gestion. « Nous sommes très impatients de connaître les données, pour voir s'il y a vraiment une transformation des habitudes alimentaires », trépigne la chargée de mission. D'autant que l'expérimentation a de quoi inspirer le département de la Gironde qui travaille depuis plusieurs années au lancement d'une Sécurité sociale alimentaire à destination des plus précaires.

Lire aussiPour la sécurité sociale alimentaire en Gironde, une gouvernance à définir

La chambre d'agriculture de Gironde se tourne également vers le public étudiant en lui proposant des paniers alimentaires hebdomadaires moitié moins chers, à 10 euros au lieu de 20, depuis le 6 octobre sur les points de retrait de son drive fermier. Une initiative permise par une importante donation de la fondation Lafitte-Rotschild. 30 paniers seront proposés chaque semaine via une réservation en ligne à prix réduit et ce jusqu'à Noël pour cette première phase expérimentale.

L'agriculture liée à l'ESS

Deux mondes, agricole et universitaire, éloignés mais qui ont pourtant tous deux à y gagner. «  L'intérêt c'est qu'ils soient sensibilisés à la consommation en circuit-court, aux produits fabriqués à côté de chez eux. On cible les consommateurs de demain pour valoriser notre agriculture locale », revendique Magali Ardiley, directrice du pôle valorisation des territoires. Un vrai pari sur l'avenir dont les circuits-courts, après le coup de frein des drives alimentaires suite aux confinements, et l'agriculture biologique à la peine ont bien besoin.

La responsable en appelle aux associations locales pour l'aider à cibler pourquoi pas d'autres publics en difficulté et connaître leurs besoins, alors que l'urgence alimentaire s'exprime particulièrement en cette rentrée. De son côté, le Crepaq, qui pense élargir aussi son programme, dit peiner à mobiliser le monde agricole pour apporter des réponses territoriales à la précarité alimentaire. Des appels pour signifier à l'agriculture qu'elle a aussi toute sa place pour investir le champ de l'économie sociale et solidaire. Chiche ?

Lire aussi« L'exigence de la transition énergétique vient perturber les équilibres parfois fragiles de l'ESS »

/////////////

* : Enquête menée auprès d'un échantillon de 812 personnes, représentatif de la population étudiante française, par questionnaire auto-administré en ligne du 1 au 10 juin 2023.

** : les fondations Carasso et Bordeaux Université, Domofrance, le Crédit Mutuel du Sud-Ouest, l'Alliance transition agricole et alimentaire, la région Nouvelle-Aquitaine, le département de la Gironde, Bordeaux Métropole, la ville de Bordeaux et l'Université de Bordeaux.

Maxime Giraudeau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 18/10/2023 à 9:32
Signaler
C'est vrai, le train est démesurément cher pour les étudiants à Bordeaux et en nouvelle aquitaine mais au moins ils peuvent manger à peu de frais, bravo à la mairie.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.