Alimentation : Epi C'Tout, l’épicerie solidaire qui veut faire bouger les lignes à Bordeaux

L’activité de l’épicerie Epi C’Tout, gérée par l’association bordelaise Local’Attitude, a bondi depuis le début de la crise sanitaire. Selon Soumia Kessasra, sa directrice qui passera la main en juin prochain, son modèle est à ce stade confirmé. Ici pas de conseil d’administration, ni de bureau tandis que le modèle défendu n’est pas celui de l’aide alimentaire classique. Coup de projecteur sur cette association de l'ESS, accompagnée par Darwin, qui, à partir de la notion d’alimentation, lance des pistes de réflexion pour le monde d’après la pandémie.
Quatre équipes de consommateurs acteurs gèrent quotidiennement l'épicerie Epi C'Tout à Bordeaux. Au centre, au deuxième plan, Soumia Kessasra.
Quatre équipes de consommateurs acteurs gèrent quotidiennement l'épicerie Epi C'Tout à Bordeaux. Au centre, au deuxième plan, Soumia Kessasra. (Crédits : Local'Attitude)

"L'activité de l'épicerie est en augmentation constante depuis sa création mais dans le contexte du Covid-19, nous sommes en phase d'accélération avec une activité qui explose et vient confirmer notre modèle", assure Soumia Kessasra. Elle est la directrice de l'association Local'Attitude, créée à Bordeaux en 2016, qui gère depuis juillet 2018, Epi C'Tout, à la fois "épicerie, supermarché coopératif et centre social" au sein du petit centre commercial Emile Counord, au Grand Parc. Un concept original sur lequel se greffera, plus tard, un jardin collectif et, idéalement, une mutualisation entre acteurs disposant de parcelles de jardins partagés au sein de la future bande nourricière en cours d'aménagement au cœur du quartier du Grand Parc, à Bordeaux Nord. "Nous en avons sollicité une dans le cadre de ce projet du Grand Parc. Mais rien n'a encore été tranché à ce stade."

Un projet "incasable"

Car Local'Attitude, c'est un tout ! L'association entend favoriser l'accès à une alimentation saine et de qualité pour tous, favoriser le lien social et le pouvoir d'agir. "C'est incroyable tous les champs que l'on peut développer à partir de l'alimentation", s'exclame Soumia Kessasra qui le reconnait : "nous sommes incasables." Mais c'est assumé.

D'un point de vue de l'organisation, après avoir fonctionné selon le schéma classique d'une association, il n'y a désormais ni conseil d'administration, ni bureau pour bannir toute idée de hiérarchie entre les bénévoles. Quatre équipes de consommateurs acteurs gèrent quotidiennement l'épicerie et des groupes de travail ont été constitués sur l'approvisionnement, l'animation, la recherche de fonds, ou encore la qualité de vie. "Il s'agit d'être cohérent avec le la vision idéale que l'on défend", avance la directrice.

Mais qu'en est-il du côté de l'activité ? "Nous ne correspondons pas à l'aide alimentaire telle que nous la connaissons depuis 50 ans, et qui est soutenue par les institutions. Nous bousculons les schémas", explique Soumia Kessasra, qui rappelle que l'épicerie a été créée suite au constat d'une augmentation de la précarité dans le quartier du Grand Parc à Bordeaux. Ici, donc, pas de distribution de paniers. L'association ne fonctionne pas avec des dons et n'achète pas les fins de circuit.

"Alors que la composition des paniers issus de la Banque alimentaire nous posait question au regard de la provenance des aliments, nous avons décidé de favoriser les circuits courts."

Sur une vingtaine de fournisseurs, l'association travaille donc avec treize producteurs locaux mais aussi avec une chaîne de la grande distribution pour les produits de base. "En ne répondant qu'au critère du local, nous passerions à côté du critère accessible. Dans le même temps, nous ne voulions pas créer un lieu de pauvres pour les pauvres", insiste Soumia Kessasra.

Chacun fait ainsi ses courses et passe en caisse. Les personnes en situation de précarité bénéficient d'une prise en charge de 50 % par le Centre communal d'action sociale (CCAS), tandis que ceux qui sont impliqués dans l'association disposent d'une cagnotte qui leur permet de bénéficier de réductions pour leurs courses. "Ce sont parfois des retraités, ou des personnes en contrats précaires qui ne touchent pas d'aide." Enfin, pour les autres clients adhérents de l'association, c'est un commerce classique qui fait la part belle au local, au vrac et au bio.

Expérimenter et consolider

"C'est trop cher, nous rétorque-t-on ? Il ne s'agit pas de saigner les producteurs ! C'est sur le revenu des publics qu'il faut agir", soutient Soumia Kessasra qui défend la mise en place d'une sécurité sociale alimentaire, un concept sur lequel travaille Ingénieurs sans frontières : chacun cotise en fonction de ses revenus et dispose ensuite d'une enveloppe à dépenser chaque mois dans des structures qui respecteraient certains critères : sain, local... "Notre structure est partante pour imaginer des choses, les expérimenter et les défendre auprès des politiques publiques. L'aide alimentaire explose mais c'est une aide d'urgence. Or quand on y rentre, on n'en sort pas."

En trois ans, Soumia Kessasra n'a rien lâché car elle en est sûre : "les acteurs locaux ont très souvent un temps d'avance sur les élus." Elle dit avoir dû faire face à des résistances et à des turbulences : l'association a ainsi été en péril en 2019 pour des raisons de trésorerie. D'où cet enseignement : "Si aujourd'hui le modèle économique repose sur 60 % de recettes propres et 40 % de subventions, l'objectif est donc de passer à 75 % de recettes propres."

Mais au moment de passer le relais, Soumia Kessasra en est certaine :

"L'association n'en est qu'à ses débuts. Nous sortons de la phase de création et nous avons l'objet. Alors que l'orientation de départ est confirmée avec la crise, cela va être le moment de défendre un projet politique encore plus fort et il ne faut pas lâcher même si on vient bousculer des choses qui sont ancrées depuis longtemps."

Fin 2019, l'association accompagnée par Darwin comptait 700 adhérents.

Lire aussi : Covid-19 : le big-bang des circuits de distribution de fruits et légumes en Gironde

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Commentaire 1
à écrit le 18/05/2020 à 12:07
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L'Etat et la CE subventionne les agriculteurs. Avec Epi C'tout, l'Etat subventionne indirectement la distribution. Il ne reste plus qu'à subventionner les achats des consommateurs. Ainsi tout le monde sera content de faire partie du club des assis...

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