Canards gras : Euralis et Maïsadour renoncent à créer une société commune

Le projet de création d'une société dédiée à la filière des canards à foie gras et poissons fumés commune aux groupes coopératifs Euralis et Maïsadour est abandonné. L'Autorité de la concurrence, qui craignait l'émergence d'un nouveau monopole sur ce marché, n'aura même pas eu à casser ce projet qui s'est finalement effondré de lui-même.
La filière oies et canards gras (les palmipèdes) va de l'oeuf au produit fini gastronomique en passant par l'élevage.
La filière oies et canards gras (les palmipèdes) va de l'oeuf au produit fini gastronomique en passant par l'élevage. (Crédits : © Regis Duvignau / Reuters)

Finalement et, contre toute attente, l'Autorité de la concurrence (ADLC), gardienne du respect des règles de la concurrence dans l'Hexagone, n'aura pas à se prononcer formellement sur l'énorme projet porté par les groupes agroalimentaires coopératifs Maïsadour et Euralis de créer ensemble une société dédiée au développement de la filière des canards gras. Cette co-entreprise devait agréger « production industrielle, transformation et commercialisation des produits des filières canards à foie gras, saurisserie (poissons -ndr) et boutiques de vente directe »

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Cette activité est dans le Sud-Ouest à la base d'une grande filière qui représente des milliers d'emplois, des centaines d'éleveurs, des dizaines d'abattoirs, et de nombreuses marques de produits gastronomiques dédiées au foie gras et à la viande de canard, mais aussi au saumon et truites fumés, présentes dans la grande distribution comme dans les épiceries fines.

Pour tirer au mieux partie de l'élevage de canards gras, les deux grands groupes coopératifs aquitains que sont Maïsadour (1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2022 avec 4.300 salariés), à Haut-Mauco (Landes) et Euralis (1,6 milliard d'euros de chiffre d'affaires avec 5.200 salariés), à Pau, ont fait le choix d'une concentration verticale. Partant de l'œuf jusqu'à la vente du magret de canard sous vide. Très durement touchés par les épizooties à répétition qui frappent depuis 2016 les élevages de canards gras, et qui ont jusqu'ici conduit à l'abattage sanitaire de millions de têtes de volailles, Maïsadour et Euralis ont décidé en 2022 de fusionner leurs activités dans ce secteur au sein d'une entreprise commune.

« Nous ne leur avons absolument pas demandé de retirer leur projet »

C'est ainsi que MVVH (Maïsadour-Vivadour-Val de Sèvre), qui est aujourd'hui la société holding du groupe Maïsadour, a été choisie pour devenir la coentreprise détenue par les deux groupes coopératifs. A hauteur de 40 % par Euralis et 50 % par Maïsadour, sachant que les 10 % restants seraient passés sous le contrôle de deux partenaires financiers dont l'identité n'a pas été dévoilée. Un montage capitalistique rendu plus complexe que pour une coentreprise classique à cause de l'intervention de quatre partenaires (avec les fonds d'investissement) au lieu de deux habituellement. Cet arrangement a-t-il pu jouer un rôle dans l'échec de la création de la coentreprise ? C'est dans l'immédiat impossible à savoir étant donné qu'Euralis et Maïsadour refusent d'entrer dans les détails.

Franchement hostile à ce projet de rapprochement entre les deux groupes, l'Autorité de la concurrence n'a finalement pas eu à le déclarer irrecevable, comme on aurait pu s'y attendre.

« Les deux groupes ont retiré leur projet. C'est assez récent mais je n'ai plus la date en tête. L'ADLC a fait valoir des arguments négatifs quant à ce projet de fusion. Ont-ils fini par porter ? Nous n'en savons rien et dans tous les cas c'est aux deux groupes d'expliquer leur position. Nous ne leur avons absolument pas demandé de retirer leur projet. L'ADLC a pris connaissance de leur décision et décidé de communiquer ce 31 août. Rien ne s'opposait à ce que les deux groupes s'expriment sur le sujet avant nous », détaille-t-on à l'Autorité de la concurrence pour La Tribune.

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Les concurrents directs craignaient un très mauvais coup

Rappelons qu'Euralis et Maïsadour ont transmis leur projet de coentreprise, qui aurait employé 2.000 salariés, à l'ADLC le 2 mai 2022. Et que l'Autorité a refusé de donner son feu vert en première lecture. Ce rapprochement menaçant selon elle de créer une situation monopolistique dans la filière des viandes de canard gras. Une menace confirmée par plusieurs syndicalistes de groupes coopératifs concurrents, comme Terre du Sud, à Clairac (Lot-et-Garonne), et Lur Berri, à Aïcirits-Camou-Suhast (Pyrénées-Atlantiques/Pays basque).

La réticence de l'ADLC a été confirmée le 14 décembre suivant, quand l'Autorité a annoncé déclencher une enquête approfondie ou « phase 2 » sur ce dossier sensible. Alors que cette étude approfondie ne dure en principe que 65 jours, le 11 mai 2023 le verdict n'était toujours pas tombé. Il a donc fallu attendre le communiqué de l'ADLC de ce 31 août pour apprendre l'abandon du projet par ses concepteurs. Ni Euralis ni Maïsadour n'ont accepté de s'exprimer. Contactés par La Tribune les deux groupes répondent en substance ceci :

« Nous vous confirmons qu'à la suite de nos derniers échanges avec l'Autorité de la concurrence (ADLC), nous avons retiré notre projet de rapprochement de nos activités de production industrielle, transformation et commercialisation des produits de nos filières des canards à foie gras, saurisserie et boutiques de vente directe. Nous ne ferons pas d'autres commentaires ».

L'Autorité rappelle de son côté ce 31 août que la co-entreprise entre les deux géants « aurait détenu des marques fortes, de très importantes parts de marchés sur de nombreuses segmentations des marchés aval de la commercialisation de produits issus de canards gras » et pointe également « l'absence de facteurs susceptibles de discipliner le comportement de la nouvelle entité en raison de l'absence d'une concurrence actuelle et potentielle suffisante. » De quoi convaincre Euralis et Maïsadour de ne pas aller plus loin dans leur projet.

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Commentaire 1
à écrit le 01/09/2023 à 9:19
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Le marché de la viande en France n'est déjà entre les mains que de quelques acteurs. Par ailleurs ces gros producteurs de canard bénéficient déjà beaucoup de la campagne d'éradication des petits élevages de canard orchestrée par les autorités du fait...

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