Les élevages de canards dans la tourmente de la grippe aviaire en Nouvelle-Aquitaine

La nouvelle épizootie de grippe aviaire prend une importance inattendue qui questionne sur les mesures décidées après les épisodes de 2016 et 2017 dont l'intensité était encore plus forte malgré un virus plus contagieux cette année.Tandis que les écologistes à la Région Nouvelle-Aquitaine condamnent le modèle de production actuel, Michel Fruchet, patron de l'interprofession, le Cifog, reste convaincu que d'énormes progrès sanitaires ont été faits depuis 2017.
Pour le Cifog c'est lorsqu'ils sont à l'extérieur que les canards gras d'élevage sont contaminés par les canards migrateurs venus de Russie.
Pour le Cifog c'est lorsqu'ils sont à l'extérieur que les canards gras d'élevage sont contaminés par les canards migrateurs venus de Russie. (Crédits : Regis Duvignau)

Les vœux à la presse du ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, Julien Denormandie, ont été largement consacrés ce mardi 12 janvier, à la nouvelle épizootie qui frappe principalement les élevages de canards gras des Landes, mais aussi quelques établissements du Gers.

"Le ministre était dans les Landes ce vendredi et dans le Gers ce lundi, j'ai pu discuter avec lui. A Auch, Julien Denormandie a bien souligné, et ce sont les scientifiques qui l'ont démontré, que le virus qui frappe aujourd'hui les élevages de palmipèdes à foie gras est extrêmement virulent. Au point que celui qui a frappé la région en 2017 pourrait paraître anodin", recadre pour La Tribune Michel Fruchet, président national du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog).

Quatre départements du Sud-Ouest ouverts aux abattages préventifs

Le lundi 11 janvier, à la mi-journée, le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation dénombrait officiellement 197 foyers d'influenza aviaire H5N8 dont 170 foyers d'infection dans les Landes, 7 dans les Pyrénées-Atlantiques, 6 dans le Gers et 2 dans les Hautes-Pyrénées. Dans un arrêté ministériel publié ce mardi 12 janvier le ministère intègre toutes les communes des Landes et Pyrénées-Atlantiques (Nouvelle-Aquitaine), du Gers et Hautes-Pyrénées (Occitanie) dans une même zone d'alerte à l'épizootie aviaire où des abattages préventifs pourront être ordonnés. Cette liste inclut aussi 11 communes de Lot-et-Garonne.

"Face à un virus extrêmement contagieux entre oiseaux cette année, et comme annoncé le 7 janvier, les élevages de volailles doivent être dépeuplés rapidement dans un rayon de 5 km, et les mouvements interdits dans un rayon de 20 km", a par ailleurs annoncé Julien Denormandie.

Les canards des Landes victimes de leur élevage en plein air ?

Avant les fêtes de fin d'année Michel Fruchet avait estimé dans nos colonnes que BD Avicole, le système de traçage des animaux élevés mis au point depuis les terribles épizooties de 2016 et 2017, changeait la donne et permettrait de ne pas revivre les deux précédentes épizooties. La nouvelle version du virus H5N8 serait-elle en train de changer la donne ?

"Nous avons un facteur aggravant dans les Landes, c'est le nombre d'élevages de palmipèdes à foie gras en plein air. Quand les oiseaux en pleine migration venus de Russie et du Kazakhstan, porteurs du virus s'y posent, la contamination des animaux d'élevage se fait sans que personne puisse s'en apercevoir. Il suffit d'une faute d'inattention pour que ça arrive. Ce qui fait peur aujourd'hui, c'est la puissance du virus, son extrême virulence, qui n'a plus rien à voir avec la souche celle de 2017. Les éleveurs de Dordogne ont averti qu'ils ne voulaient plus voir arriver d'animaux des Landes", souligne Michel Fruchet.

A la Région, les Verts contestent l'intérêt des abattages préventifs

Concernant l'efficacité de BD Avicole, le président du Cifog explique que cette base de données, qui permet de tracer les animaux pour savoir combien ils sont par bâtiment, s'ils sont dedans ou dehors, ou encore quel âge ils ont, s'impose comme un outil incontournable. Actuellement le nombre d'animaux abattus depuis le démarrage de cette nouvelle épizootie aviaire est évalué à 700.000 têtes. Même s'il avance dans le brouillard, comme tout le monde, Michel Fruchet veut voir un signe positif dans un phénomène qui semble durer : depuis une dizaine de jours aucun animal sauvage tué par le virus n'aurait été trouvé à proximité des élevages landais.

Le groupe des écologistes (EELV) siégeant à la Région Nouvelle-Aquitaine regrette de son côté, que le gouvernement fasse toujours appel aux mêmes méthodes, "l'abattage par précaution de tous les animaux (d'un même élevage -Ndlr), qu'ils soient contaminés ou saints, niant toute valeur à la vie animale en la réduisant à des chiffres, et la mise en place de mesures de biosécurité. Des mesures qui vont fragiliser économiquement une filière agricole déjà mise à mal par les épisodes précédents", déroulent les élus Verts.

Lire aussi : Produits festifs : en crise depuis des années les producteurs de foie gras y croient encore (3/3)

Pour les Verts le modèle actuel d'élevage est déséquilibré

Le moins que l'on puisse dire c'est qu'Alice Leiciagueçahar, présidente (EELV) de la commission agriculture au Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, n'est pas vraiment convaincue par les arguments du Cifog. Non seulement elle condamne cette stratégie d'abattage préventif systématique en cas d'épizootie, pour des raisons de bien être animal, mais elle trouve cette pratique également dangereuse sur le plan économique.

"Avec cette politique ce sont les petits élevages aux pratiques les plus respectueuses des animaux et de l'environnement qui subissent le plus de difficultés. Nous devons repenser le modèle actuel qui maltraite à la fois les éleveurs et les animaux, victimes de la dérive d'une agriculture uniquement tournée vers le productivisme", condamne l'élue basque.

Elle refuse d'accepter que, pour des raisons de rentabilité qu'elle trouve de plus en plus problématiques, les canards soient transportés de leur lieu de naissance à celui où ils seront gavés, avant d'aller à l'abattoir. Avec des schémas de circulation dont elle est convaincue, ainsi que son groupe politique, qu'ils favorisent la dispersion d'éventuels virus.

La Chalosse en première ligne de l'épizootie

Concernant les aides dont vont pouvoir bénéficier les éleveurs, Michel Fruchet se montre confiant, tant il est convaincu que les épisodes traumatisants des épizooties de 2016 et 2017 ont porté leurs fruits.

"Tous les dispositifs d'aide créés en 2017 ont été lancés. Dès le vendredi 8 janvier, 60 dossiers étaient en cours de traitement et 400.000 euros d'aides avaient été débloqués pour le département des Landes. Plutôt que de refaire des calculs, des acomptes représentant 70 % du barème 2017 ont été versés aussitôt, avec en parallèle un nouveau calcul de la valeur réelle. Actuellement c'est la Chalosse (Landes), qui va être la plus touchée", recadre le président du Cifog.

Il reste désormais à voir si l'épidémie reste contenue à ses foyers initiaux du Sud-Ouest ou bien si elle touche d'autres régions.

Et justement, pour faire face à la virulence de cette nouvelle épizootie, le Cifog a demandé, le 14 janvier, le déblocage d'urgence par les services de l'Etat de nouveaux moyens techniques et logistiques pour traiter les foyers de contamination. Afin d'éviter la propagation de l'épidémie à d'autres régions. Sans vouloir revenir sur l'élevage en plein air, l'interprofession demande aussi qu'en période de haut risque, tous les animaux soient cantonnés dans des bâtiments pour les protéger des oiseaux sauvages contagieux.

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