Les groupes coopératifs aquitains à la manœuvre malgré les épizooties

Euralis, Lur Berri et Maïsadour : ces trois groupes coopératifs agroalimentaires de l'ex-Aquitaine ont été en 2021 des acteurs majeurs de la production de foie gras et volailles sous signe de qualité. Ils doivent désormais faire face à une nouvelle et très virulente séquence de grippe aviaire. Très diversifiés, dans la production de semences, céréales, fruits et légumes mais aussi d'énergie ces groupes qui emploient près de 15.000 salariés ont jusqu'ici bien résisté. Mais des rapprochements ne sont pas à exclure. Un début de consolidation dans un secteur mal mené ?
La multiplication des épizooties commence à peser très lourd sur les élevages de canards à foie gras et les pôles gastronomie des groupes coopératifs.
La multiplication des épizooties commence à peser très lourd sur les élevages de canards à foie gras et les pôles gastronomie des groupes coopératifs. (Crédits : Pascal Xicluna / Min. Agriculture)

Comme de très nombreuses entreprises en France, les groupes coopératifs agricoles de l'ex-Aquitaine : Euralis, à Pau (Béarn/Pyrénées-Atlantiques), Lur Berri, à Aïcirits (Pays basque/Pyrénées-Atlantiques) et Maïsadour, à Haut-Mauco (Landes), n'ont pas échappé au "choc de reprise" en 2021. C'est ainsi que le groupe Lur Berri, présidé par Eric Narbais-Jauréguy, dont Frédéric Hialé est le directeur général, a dû faire face à un conflit social très suivi.

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Lancé le 15 octobre dernier dans sa filiale Labeyrie Fine Foods -bateau amiral de son pôle gastronomie-, il était porté par des revendications d'augmentations salariales. Une grève dure, au cours de laquelle des accès pour les camions ont été bloqués par les grévistes, des salariés menacés de poursuites judiciaires et de licenciements, avant que les négociations n'aboutissent en novembre au terme de près de trois semaines de conflit.

Labeyrie Fine Foods, la filiale qui pèse très lourd

Grâce à cette reprise de l'activité Labeyrie Fine Foods, coprésidé par Jacques Trottier et Steve Lawson, dont le siège se trouve à Saint-Geours-de-Maremne (Landes), a pu sauver la période -cruciale pour son activité- des fêtes de fin d'année. Puisque cette filiale landaise de Lur Berri transforme et distribue des produits festifs, qu'il s'agisse de foie gras ou encore de saumon et truite fumés. Avec un milliard d'euros de chiffre d'affaires et 3.900 salariés le groupe Labeyrie Fine Foods est une filiale qui pèse très lourd dans sa maison-mère.

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Celle-ci a réalisé au total 1,3 milliard de chiffre d'affaires au cours de son dernier exercice, avec 4.330 salariés, dont 430 directement étaient employés par la coopérative. Détenu à égalité par la coopérative Lur Berri et le fonds d'investissement PAI Partners, à hauteur de 46,1 % chacun, le reste étant détenu par le management, Labeyrie Fine Foods reste un cas un peu particulier, une super filiale d'envergure internationale, qui réalise plus de 20 % de son chiffre d'affaires au Royaume-Uni.

Une double crise sanitaire avec pandémie et épizootie

Impliqués depuis des années dans une stratégie de concentration verticale et sortis d'un ancien cadre cantonné à la production, les groupes coopératifs agroalimentaires de l'ex-Aquitaine se sont lancés dans la distribution pour augmenter la valeur ajoutée. Ces trois groupes originaires de la discrète zone économique basco-gasconne (schématiquement entre Hendaye, Mont-de-Marsan, Auch et Pau), sont passés au travers d'une période 2020-2021 presque aussi chahutée qu'une tempête en pleine mer.

En plus de la crise du Covid-19, qui a entrainé la fermeture des restaurants, important canal de distribution pour les produits agroalimentaires, ces coopératives élèvent des canards pour la production de foie gras et ont subi une nouvelle et ravageuse épizootie de grippe aviaire à compter de novembre-décembre 2020. Cette dernière est montée en puissance début 2021, conduisant à nouveau à l'abattage de milliers de têtes, et à la suspension de très nombreux élevages.

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Malgré les difficultés Maïsadour a sauvegardé l'activité

Après les très sévère crises aviaires de 2016 et 2017, qui avaient également frappé de plein fouet le Sud-Ouest, celle de début 2021 a été un très mauvais coup.

"La mobilisation de tous nos collaborateurs et la solidarité de nos différents bassins de production durant les crises sanitaires, nous ont permis d'assurer l'approvisionnement de nos agriculteurs et de nos clients sans interruption", s'est néanmoins félicité Michel Prugue, président du groupe coopératif Maïsadour, le 7 décembre dernier lors de l'assemblée générale annuelle.

Si le groupe landais a souffert au cours de son dernier exercice, il reste néanmoins installé sur des bases solides, avec un chiffre d'affaires de 1,2 milliard d'euros, réalisé avec près de 5.000 salariés.

Bientôt une coentreprise gastro entre Euralis et Maïsadour ?

Mais les coups de boutoir provoqués depuis 2016 par de terribles épizooties, qui se sont soldées par la perte de millions de têtes de canards et de poulets, et de redoutables chutes de productivité, poussent les dirigeants à se questionner. D'autant plus que, malgré toutes les mesures sanitaires prises depuis 2016, une nouvelle épizootie a recommencé à frapper la région depuis décembre dernier, et ne cesse de monter en puissance depuis le début de ce mois de janvier 2022.

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Pour faire face à cette situation critique, malgré les aides débloquées par l'Etat, Maïsadour et Euralis pourraient ainsi créer d'ici mi-2022 une coentreprise à 50 % pour renforcer leurs activités gastronomie, notamment représentées par Delpeyrat pour le premier et Rougié pour le second. Un début de consolidation concertée qui pourrait faire tache d'huile dans le reste de la France si ces épizooties ne pilonnaient pas quasiment toujours le même territoire, crise après crise... Les spécialistes soulignent que cette partie de l'ex-Aquitaine est un couloir de migration pour les oiseaux sauvages venus de Sibérie et du Proche-Orient, qui ont vite fait d'entrer en contact avec les canards et poulets élevés sur place mais aussi en plein air.

Diversification aussi avec le maïs pour l'éthanol

Mais les trois groupes coopératifs ne vivent pas repliés sur leurs territoires d'origine et alignent de nombreuses implantations, tant dans le reste de la France qu'à l'étranger. C'est ainsi qu'Euralis, dont l'ancien président Christian Pèes est mort récemment, et que préside aujourd'hui Christophe Congues, a continué à voir sa rentabilité brute progresser malgré une baisse du chiffre d'affaires.

Ceci grâce à ses élevages situés en Bretagne et Pays-de-la-Loire. La direction du groupe béarnais souligne même que son chiffre d'affaires annuel, à 1,4 milliard d'euros, a progressé de 100 millions d'euros. Une véritable performance si l'on rajoute aux effets dévastateurs des virus, l'impact du climat et des séquences de gel qui ont durement frappé plusieurs territoires. Sans doute parce que ces groupes agricoles sont structurés comme des 4X4, avec des roues motrices autonomes.

"Offensifs, nous sommes dans une phase de relances de projets et réaffirmons notre volonté de diversification : du kiwi à l'énergie, les opportunités sont nombreuses pour les agriculteurs et elles doivent contribuer à sécuriser leur revenu. Toutes ces opportunités s'inscrivent naturellement dans notre stratégie RSE", déroule ainsi Christophe Congues.

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Au cours de son dernier exercice Euralis a vendu 29 % de sa production de maïs, soit 194.000 tonnes, à l'unité de production d'éthanol du bassin de Lacq. La pression des marchés travaillés par des crises sanitaires à répétition va sans doute continue à renforcer les investissements en innovation et favoriser les rapprochements entre groupes

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