Avec Terre de Liens, l'épargne citoyenne soutient l'installation des néo-agriculteurs (3/4)

REPORTAGE. Pour préserver les terres agricoles, l'association Terre de Liens Limousin achète des fermes afin d'installer des paysans en bio. Cette démarche vise à favoriser l'accès au foncier souvent très cher tout en luttant contre l'artificialisation des sols. Des citoyens peuvent ainsi investir dans des projets près de chez eux.
Claire et Gaël ont pu s'installer en 2020 sur la ferme des Sailles située près de Limoges.
Claire et Gaël ont pu s'installer en 2020 sur la ferme des Sailles située près de Limoges. (Crédits : Ferme des Sailles)

Alors que la moitié des agriculteurs du Limousin prendront leur retraite dans les cinq à dix ans, la transmission des exploitations devient un enjeu clef pour préserver le foncier agricole. Depuis sa création en 2011, Terre de Liens Limousin a acheté sept fermes grâce à "La Foncière" avec l'épargne de citoyens sensibilisés à cette cause. Vingt-deux agriculteurs ont déjà pu s'installer et 290 hectares de terres agricoles ont été préservées. Une huitième ferme de 60 hectares est en cours d'acquisition à Ladignac-le-Long, en Haute-Vienne.

"Quelques 3.500 fermes ont disparu en Limousin entre 2010 et 2020, près d'une par jour !", alerte Vincent Laroche, porte-parole et administrateur de l'antenne limousine. "Nous devons préserver le foncier agricole et résoudre la problématique du renouvellement des générations."

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Ce phénomène trouve un certain écho parmi les épargnants qui placent leur argent dans des fermes près de chez eux : en dix ans, plus de 1,7 million d'euros a été investi en Limousin grâce à 482 actionnaires.

Les fermes acquises par "La Foncière" sont louées via un bail rural avec clauses environnementales et ne peuvent être vendues. "L'idée est de rendre les terres les plus transmissibles possibles" ajoute-t-il. "Elles sortent de la spéculation ce qui est une bonne chose vu la hausse des prix à chaque revente."

La Safer a stocké les terres

Pour les jeunes non issus du milieu agricole, l'accès à la terre est facilité sans s'endetter sur le long terme à l'image de Claire Bernard et Gaël Le Coz. Originaires de Nantes, ces trentenaires se sont rencontrés en préparant leur BPREA (Brevet professionnel de responsable d'entreprise agricole) en reconversion, paysan boulanger pour lui et maraîchage bio pour elle. Diplôme en poche, ils cherchent une ferme pour s'installer en groupement agricole d'exploitation en commun. Après un projet avorté dans la Vienne, ils visitent une vingtaine de fermes. Terre de Liens Limousin prend contact avec eux en leur proposant de visiter La Ferme des Sailles, située au Vigen, au sud de Limoges, une propriété de 40 hectares.

La Ferme de Sailles

Le terrain a été préparé cet automne pour une mise en culture au printemps. (crédits : La Ferme des Sailles)

Sans fermier depuis quatre ans, la propriétaire avait fait appel à la Safer (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural) de Haute-Vienne. "Nous avions été contactés pour une estimation de vente", se souvient Nathalie Lebas. "Comme ce bien était bien placé près de Limoges, la propriétaire était sollicitée pour des projets non agricoles. Nous avons proposé d'acheter le foncier pour conserver l'orientation agricole pour stocker les terres et en parallèle, nous avons rencontré Claire et Gaël qui avaient un projet assez mûr. Les terres ont été mises à leur disposition fin 2019 pour semer leurs céréales."

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Après l'achat par La Foncière, la Safer a rétrocédé les terres en septembre 2020. Terre de Liens Limousin avait, entre temps, lancé un appel à financement afin de trouver des épargnants voulant prendre des parts dans cette ferme. Le couple a acheté la maison pour la restaurer. "Environ 300 personnes ont investi 280 000 euros et, à 104 euros la part sociale, on embarque un maximum de gens", constate le porte parole. "Les deux tiers sont des Limousins qui sont sensibilisés à l'écologie et au modèle d'agriculture paysanne, bio et nourricière."

« Ne pas s'endetter sur 20 ou 30 ans »

Depuis deux ans, Claire et Gaël n'ont pas ménagé leurs efforts pour transformer l'ancienne exploitation bovine à l'abandon en installant une meunerie et un fournil. Des investissements qu'ils ont pu réaliser immédiatement grâce au soutien de l'association :

"Terre de Liens est un super moyen pour installer des personnes non issues du milieu agricole, cela évite de s'endetter sur 20 ou 30 ans" assure Claire. "On voit la terre comme un bien commun, comme un outil de travail qu'on se passe de fermier en fermier. Nous l'avons améliorée en plantant des haies et en créant des mares pour favoriser la biodiversité."

Les deux associés cultivent huit hectares de blé en rotation sur quatre îlots et du seigle transformés en farine pour faire du pain et des biscuits vendus en direct, à des Amap (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne) et magasins Biocoop. "Nous avons une clientèle fidèle, nous avions prévu 50 kg de pain la première semaine, on en a produit 250 kg dès les premières semaines et c'est notre maximum", explique la jeune femme. "L'objectif des 8 kg de biscuits par semaine est dépassé avec 40 kg et nous avons embauché une salarié 20 heurs par semaine."

La Ferme de Sailles

La pépinière est sortie de terre pour préparer les plants. (crédits : La Ferme des Sailles)

La prochaine étape sera la production et la vente en direct de légumes variés bio dès que la serre sera montée.

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