Le Domaine Ducourt innove avec ses cépages Piwi qui résistent aux champignons (4/4)

Le Domaine Ducourt fait partie des grandes propriétés viticoles du vignoble bordelais. Préoccupés par leur combat continu contre des maladies fongiques provoquées par l'humidité que sont le mildiou et l'oïdium, et leur volonté de réduire le nombre de traitements dans les vignes, les frères Jonathan et Jérémy Ducourt se sont lancés dans la recherche de ceps résistants. La réponse est finalement venue d'ailleurs.
Les vignes du Château des Combes, à Ladaux (Domaine Ducourt), ne font pas peur aux jeunes chevreuils.
Les vignes du Château des Combes, à Ladaux (Domaine Ducourt), ne font pas peur aux jeunes chevreuils. (Crédits : Domaine Ducourt)

Propriété viticole "king size" le Domaine Ducourt, né de l'achat par la famille Ducourt en 1858 du château des Combes, à Ladaux (Entre-Deux-Mers), s'étend aujourd'hui sur 480 hectares. Il compte 14 châteaux et rayonne sur pas moins de six AOC (Entre-Deux-Mers, Bordeaux, Bordeaux Supérieur, Castillon-Côtes-de-Bordeaux, Montagne-Saint-Emilion, Saint-Emilion) ! Intéressés en premier lieu comme leurs confrères par l'obtention de ceps de vigne plus résistants au mildiou et à l'oïdium, des espèces fongiques poussées par l'excès de pluie, qui provoquent d'énormes dégâts dans les vignes au printemps et obligent à multiplier les traitements, la famille Ducourt s'est mise à prospecter dans ce sens.

"Nous avons commencé à faire des tests en 2013. Nous avons découvert nos premiers pieds de vigne résistants par hasard, en allant rendre visite à des vignerons dans le Languedoc. Nous avons ainsi identifié le premier vigneron à avoir testé ces pieds résistants en France. Il s'agit de Vincent Pugibet (Domaine de la Colombette dans l'Hérault/Occitanie -Ndlr) : depuis nous travaillons ensemble", éclaire Jonathan Ducourt, responsable marketing du domaine, son frère Jérémy étant responsable production et oenologue.

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Des variétés non reconnues par le catalogue

C'est ainsi que le Domaine Ducourt a commencé à mettre en test deux parcelles de vignes résistantes avec des plants venus de la Colombette : du cabernet jura rouge et du sauvignac, hybride développé en Suisse issu du croisement de sauvignon, de riesling et d'un plan sauvage. La résistance des ceps de vigne au mildiou et à l'oïdium est obtenue par un travail de croisement entre variétés. Des travaux qui ne se font pas qu'en laboratoire, mais aussi chez les vignerons.

Grâce à ces deux premières plantations expérimentales, la famille Ducourt a lancé une nouvelle cuvée en mono-cépage baptisée Métissage en 2018, en version rouge (cabernet jura) et blanche (sauvignac). Issues de cépages résistants non reconnus par le catalogue de l'Inao (Institut national de l'origine et de la qualité), ces cuvées blanche et rouge n'ont pas droit à l'appellation d'origine contrôlée bordeaux ni même à celle "vin de pays".

La vigne bordelaise sous pression de l'humidité et des champignons

Le Domaine Ducourt dispose aujourd'hui de quatre cépages résistants et consacre 13 hectares à leur culture. La France fait partie des pays où la reconnaissance de nouveaux cépages fait l'objet d'un protocole très contraignant apparemment sans rapport avec la souplesse de pays comme l'Allemagne ou l'Autriche voire la Suisse. Aussi il n'y a aucun hasard à ce que l'association Piwi, pour "Pilzwiderstandsfähig" (résistant aux champignons -Ndlr), qui a créé le label du même nom, soit née en Autriche.

Le millésime 2018 du Métissage rouge a été primé à de nombreuses reprises, en 2020 avec la médaille d'or du concours Gilbert et Gaillard 2020, en 2019 avec la médaille d'or au Concours international Piwi, mais aussi la médaille d'argent au Decanter worldwide awards... De même que les millésimes 2019 et 2020 de ce vin rouge dont le domaine produit à 25.000 bouteilles par an. Le Métissage blanc, tiré à 12.000 bouteilles, empile lui aussi les prix.

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Après les fléaux classiques, l'arrivée du réchauffement

"Nos plantations expérimentales s'étendent aujourd'hui sur 13 hectares. Au départ nous n'étions intéressés que par les cépages résistants aux champignons. Nous ne pensions pas à chercher de variétés plus précoces ou plus tardives pour nous adapter au réchauffement climatique. Ce qui n'est plus le cas. Nos variétés expérimentales sont toutes plus ou moins précoces", évoque Jonathan Ducourt.

L'adaptation au changement climatique s'est ainsi imposée dans ce grand domaine comme une nouvelle contrainte, bien après la recherche de résistance au mildiou et à l'oïdium. Pas de croisements pour progresser sur ce terrain, mais des expériences culturales, qui remettent en cause des traditions bien ancrées dans l'histoire, comme la taille des pieds de vigne en hiver.

"Nous avons fait des essais de taille plus tardive parce qu'à Bordeaux l'hiver n'est pas assez froid. Ce qui fait repartir la vigne plus vite au printemps et nous met à la merci du gel. Nous avons testé cette technique sur une partie de la propriété exposée au froid et constaté que la taille tardive en mars avait permis d'éviter le gel. Mais en mars c'est plus compliqué de tailler sur toute la propriété... Nous avons donc décidé d'intervenir uniquement sur les parcelles les plus exposées au gel", rembobine Jonathan Ducourt, qui annonce une extension de cette taille tardive sur 100 hectares.

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