LGV Tours - Bordeaux : les banques disent stop

Le consortium bancaire créancier a suspendu le versement prévu fin novembre pour financer les travaux de la ligne à grande vitesse Tours - Bordeaux, en cours de construction. Il juge que la pérennité du projet n'est pas assurée. La menace s'accentue sur ce dossier, alors que la société concessionnaire Lisea continue de réclamer davantage d'allers-retours quotidiens que ce que propose à ce jour la SNCF.
Lisea réclame 19 allers-retours directs entre Bordeaux et Paris, le ministère des Transports et la SNCF en proposent 16,5.

C'est un nouvel épisode dans l'accouchement aux forceps de la ligne à grande vitesse Tours - Bordeaux. Pour mémoire, cette dernière doit mettre Paris à 2h05 de Bordeaux d'ici juillet 2017. Sauf que... la bataille rangée entre Lisea et la SNCF vient de prendre un nouveau tournant. C'était dans l'air et c'est désormais officiel : le consortium de 13 banques a suspendu le versement prévu fin novembre destiné à poursuivre le financement du chantier. Plus précisément :

"Les banques de Lisea n'ont pas autorisé le versement des crédits prévus à fin novembre pour payer les travaux de la LGV SEA, en raison des risques qui pèsent sur la pérennité du projet, du fait du nombre de trains annoncé par le secrétaire d'État pour 2017 sur cette nouvelle ligne", indique un proche du dossier à l'agence Reuters.

Lisea se contente pour l'heure de confirmer qu'elle a reçu un courrier du consortium formalisant sa position et de dire que la balle est dans le camp de la SNCF.

L'équation insoluble

Ce coup de pression va appuyer Lisea dans ses récriminations. La société concessionnaire de la ligne, filiale de Vinci, guerroie depuis des mois face à la SNCF. Cette dernière cherche à optimiser le remplissage de ses trains et a proposé dans un premier temps 13 allers-retours quotidiens entre Bordeaux et Paris. Une mission de médiation avait été confiée par la SNCF à Jean Auroux, ce dernier déclarant à son issue : "Même en tant que ministre et face à Madame Thatcher, je n'ai pas souvenir de dossiers aussi compliqués..." Résumant ainsi l'équation :

"Lisea veut beaucoup de péages pour sa bonne gestion, la SNCF fait des efforts mais ne veut pas multiplier les trains vides, l'État ne veut pas voir jouer sa garantie d'emprunt de 2,2 Md€ en cas de défaillance de Lisea dans le remboursement des emprunts."

Finalement le ministre des Transports Alain Vidalies a communiqué la position du gouvernement, avec le chiffre de 16,5 allers-retours directs. C'est toujours insuffisant pour Lisea qui en réclame a minima 19 afin de couvrir ses frais annuels de 250 M€. La société concessionnaire se rémunèrera en effet via une redevance liée au trafic sur la ligne. Moins il y aura de trains à circuler, et plus le modèle économique est fragile...

>> Lire aussi : "Ce bras de fer pourrait signer le début du désengagement des investisseurs privés du ferroviaire"

Au début du mois, Lisea avait dégainé ses chiffres, comparant la desserte prévisionnelle de Bordeaux et celle de Lyon. Au niveau des "dessertes réelles", c'est-à-dire celles qui se font au temps de référence, la capitale des Gaules est effectivement moins bien servie que la cité girondine.

Lisea tours-Bordeaux

De son côté, la SNCF se défend en expliquant qu'elle disposera de nouvelles rames Alstom capables d'emmener 556 voyageurs, soit près de 100 de plus qu'une rame actuelle. Que les péages sont bien plus chers qu'ailleurs, et qu'elle perdra entre 150 et 200 M€ sur cette ligne. Derrière elle, l'État qui lui impose de réduire son déficit.

Signal d'alarme

En suspendant le versement de l'échéance de novembre, les banques tirent le signal d'alarme et font savoir qu'elles jugent que les prévisions de trafic ne suffiront pas à équilibrer les comptes de Lisea. Il semblerait bien que le sujet soit loin d'être clos dans ce dossier à 7,8 milliards d'euros... D'autant qu'il manque toujours 300 M€ que les collectivités locales mécontentes des dessertes proposées n'ont toujours pas libérés.

"Je crois que ce petit jeu a assez duré et qu'il faut maintenant trouver une solution qui ménage les intérêts des uns et des autres, a réagi hier soir le maire de Bordeaux et président de Bordeaux Métropole Alain Juppé sur France 3 Aquitaine. L'achèvement de la ligne n'est pas menacé puisqu'elle est quasiment terminée donc le projet est suffisamment avancé, mais c'est son financement qui est en cause. Donc il faut absolument trouver, par la discussion et la concertation, trouver une solution équilibrée."

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Commentaires 7
à écrit le 28/11/2015 à 17:39
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D'après ce que j'ai lu au fil du temps sur différents sites, c'est plus un projet politique, qu'économique ... et le contribuable passe à la caisse !

le 28/11/2015 à 18:56
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Certains disent que ça maille le territoire, peu importe si c'est en déficit... Maillons, maillons, qu'un déficit abreuve nos portes-monnaie...

à écrit le 27/11/2015 à 16:30
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Il serait temps de réformer le système trop avantageux des retraites SNCF/RATP. Il a obligé la société, durant des années pour maintenir le personnel supposé le financer, à des pertes colossales qui n'autorisent plus d'emprunt actuellement. On a donc...

le 28/11/2015 à 9:00
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"Corso", vous pratiquez un amalgame remarquable ! L'article parle d'un projet conçu selon le concept du PPP qui a été bâti sur des hypothèses tronquées ! L'euphorie qui a accompagnée les derniers Grenelles sous le gouvernement Sarkozy a signifié le l...

à écrit le 27/11/2015 à 15:00
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Si 10 TGV par jour suffisent, pourquoi en faire circuler 20 pour faire plaisir au gestionnaire des voies ? Si ça se développe, un jour peut-être que 20 TGV seront nécessaires, les gens se bousculant pour l'emprunter. Ça fait 'PPP' ce truc, pour que ...

à écrit le 27/11/2015 à 14:17
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Et ces chiffres sortent maintenant uniquement ? Quel était le prévisionnel lors de la décision de lancer et financer le projet ? Quel paramètre a changé ? Peut-être que dès le début ce choix a été mauvais ? Une petite investigation serait follement ...

à écrit le 27/11/2015 à 12:31
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Nos élus ( juppe en particulier ) sont tellement épris du service public qu'ils ne voient pas la solution évidente. Confier les allers retours manquants à une entreprise privée. Mais une vraie, pas idtgv. Transdev ou une entreprise européenne se fera...

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