Vins et spiritueux : le leadership mondial reste l'horizon de Vinexposium

DOSSIER MONDIALISATION - Pour Rodolphe Lameyse, DG de Vinexposium, qui veut s'imposer comme le leader international des événements consacrés aux vins et spiritueux, le mot démondialisation est synonyme de suicide. Pas question pour lui de renoncer à la conquête commerciale des vastes espaces sibériens ou indiens qui attendent l'arrivée des vins et spiritueux tricolores. Coentreprise nationale, Vinexposium, dont le siège se trouve à Bordeaux, voit très largement le monde par les yeux des négociants bordelais. Un monde qui ne saurait être borné par les frontières hexagonales ni même européennes.
Rodolphe Lameyse à la CCI de Bordeaux Gironde lors de la présentation de la création de Vinexposium.
Rodolphe Lameyse à la CCI de Bordeaux Gironde lors de la présentation de la création de Vinexposium. (Crédits : Appa/ Eric Barrière)

Parler de démondialisation à Rodolphe Lameyse, directeur général de Vinexposium, l'organisateur français de manifestations et salons professionnels internationaux consacrés aux vins et spiritueux, dont Christophe Navarre préside le conseil d'administration, c'est un peu comme demander à un abricotier de fabriquer des portières de voitures. Aussi, quand il doit aborder ce genre de sujet estampillé démondialisation, situé pour lui dans un monde pas très éloigné du surnaturel, Rodolphe Lameyse prend trois ou quatre bonnes secondes avant de se lancer.

"La démondialisation, je ne suis pas convaincu. Parce que je pense que ce sujet concerne avant tout les industries et leurs outils de production. C'est juste pour préciser que le vin de Bordeaux n'est pas délocalisable. Il est fait là où il est né, où pousse la vigne. Ce qui est intéressant pour nous, c'est de savoir comment aller toucher de nouveaux consommateurs. Parce que c'est vital pour notre développement, nous avons absolument besoin d'aller sur de nouveaux marchés, via des rendez-vous à Paris comme en Europe ou dans le reste du monde", décortique avec pédagogie le patron opérationnel de Vinexposium, nouvelle machine de guerre tricolore à vendre des vins et spiritueux dans le monde.

Taillé en pièces par l'Allemand Prowein, Vinexpo a dû se réinventer

Vinexposium est né le 31 juillet 2020 du rapprochement à égalité de Vinexpo Holding, piloté par la CCI de Bordeaux, créatrice du salon biennal Vinexpo (en 1981), et de Comexposium, à Paris, numéro trois mondial de l'organisation de salons professionnels. Pendant des années Vinexpo s'est imposé comme un salon professionnel hybride, avec un petit côté festival de Cannes des vins et spiritueux, en accueillant en particulier le gotha mondial de la filière dans de somptueuses soirées privées organisées dans les châteaux bordelais, marquées par le va-et-vient d'hélicoptères pour VIP, et des cortèges de Rolls, Ferrari et autres Porsche.

Un salon poids lourd à tendance bling-bling Vieille Europe, qui a su séduire. Mais ce petit bijou a été ensuite pilonné par la très efficace artillerie lourde commerciale du salon Prowein, à Düsseldorf. Une manifestation commerciale allemande sans chichi ni tralala mais avec des prix plus attractifs pour les exposants, qui fera au bout du compte chuter l'activité de Vinexpo de 38% et captera 1.500 de ses exposants! Devenu un tantinet trop aristocrate et coûteux pour le commun des exposants, Vinexpo a dû revoir sa copie de A jusqu'à Z, changer de périmètre et quasiment repartir de zéro. Avec au bout de cette première étape de reconstruction un redémarrage sous une toute nouvelle forme, celle de Vinexposium, aux débuts rendus plus difficiles par la pandémie de Covid-19.

dégustation vin

Assommée par la pandémie de Covid et les séquences de confinement, la consommation de vin dans le monde remonte (Creative Commons).

Aujourd'hui une nouvelle guerre menace l'Europe, avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Si des châteaux bordelais vendent à Moscou, la Russie est plus globalement considérée par l'interprofession comme un marché émergent. Reste l'Ukraine (un marché encore plus émergent) dont l'étranglement perturbe, comme dans d'autres secteurs, la fourniture de matières premières.

Les marchands bordelais au cœur du système

Objectif désormais revendiqué par Vinexposium : s'imposer comme le leader mondial des événements professionnels (salons, congrès...) consacrés aux vins et spiritueux. Façonné par la vie portuaire, l'esprit marchand bordelais a intégré l'export comme une dimension naturelle de son activité depuis au moins le XIIe siècle, avec les premières ventes massives de vin dans les îles Britanniques. Puis la meurtrière traite négrière a pris le dessus avec les plantations des Caraïbes, d'Haïti à la Guadeloupe en passant par la Martinique, mais aussi de Louisiane, voire l'Alabama. Pour le meilleur et pour le pire, le commerce bordelais n'a jamais pu se couper des espaces maritimes lointains. Et ses négociants en vin ont autant une vision hexagonale, qu'américaine ou extrême-orientale de leurs marchés.

Rien d'étonnant dans ce contexte à ce que la région administrative spéciale de Hongkong ait finie par devenir, après la suppression de ses barrières douanières pour cette boisson, le premier client des vins de Bordeaux en valeur au monde. Tandis que la Chine continentale évoluait encore dans les cimes du marché pour les ventes en volume, malgré un sérieux changement de tendance à la baisse. Bordeaux va quand même atteindre son Septième ciel à la mode de Hongkong pour le 20e anniversaire de Bordeaux Fête le Vin, en juin 2018, quand Carrie Lam, nouvelle cheffe de l'exécutif de la région spéciale de Hongkong, se décide à commencer son périple européen et français par cette manifestation bordelaise.

Le rêve brisé d'une alliance parfaite avec Hongkong

Les dirigeants de la CCI de Bordeaux Gironde, présidée par Patrick Seguin, sont aux anges et mettent en avant la robustesse des accords commerciaux bilatéraux qui unissent désormais le port de la Lune à la Cité de la Rivière des perles, au bord de laquelle a été construite Hongkong, avec, à la clé, la création de manifestations croisées consacrées au vin de Bordeaux entre les deux villes. Tandis que Hongkong fait tourner le tiroir caisse des Bordelais, Bordeaux apporte à Hongkong un produit international et des manifestations bien rodées qui vont servir à la Cité de la rivière des perles de moteur pour le développement de son offre touristique.

Un 20e anniversaire sans doute fêté avec d'autant plus d'éclat que la situation commerciale en Chine continentale, qui a commencé à se fragiliser à partir de l'adoption en 2012 des lois anti-corruption, lors du 18e Congrès du Parti Communiste, n'a cessé de se dégrader. Le vin rouge faisant partie de ces cadeaux d'affaires contre lesquels a décidé de lutter le nouveau patron du pays Xi Jinping, tous les pays producteurs et vendeurs de vin en Chine se retrouvent sur la sellette. Au premier rang desquels la France, dont l'activisme commercial en Extrême-Orient n'est un secret  pour personne.

Le prix élevé de la normalisation à la chinoise

Les ventes de vin en Chine continentale vont reculer pour la plupart des pays. En 2018, elles diminuent de -31% en volume (58 millions de bouteilles) pour les bordeaux et de -22% en valeur (311 millions d'euros). Dans le même temps, les ventes de bordeaux en volume s'érodent un peu à Hongkong, à -4% (10 millions de bouteilles), tandis qu'elles poursuivent leur hausse en valeur, à +3 %, pour atteindre le niveau phénoménal de 327 millions d'euros ! Soit 16 millions d'euros de plus que la Chine continentale.

Et puis, le gouvernement chinois va faire un coup de force pour intégrer plus vite la région spéciale de Hongkong à l'ensemble chinois continental. Pékin met le feu aux poudres en 2019, déclenchant une première vague de manifestations. L'étau pékinois va ensuite se resserrer chaque jour davantage, provoquant une série d'émeutes du camp pro-démocratie hongkongais, opposé à la dictature du Parti communiste chinois. Réputé pour sa stabilité et sa prospérité, l'archipel de Hongkong sombre alors dans un début de chaos attisé par Pékin.

Hongkong s'autodétruit au profit de Singapour

Trois ans plus tard, en février 2022, Carrie Lam annonce qu'elle ne se représentera pas pour un deuxième mandat à la tête d'une région spéciale qui a complètement changé de philosophie politique depuis la répression impitoyable de Pékin qui s'est abattue sur l'archipel et qui a foulé aux pieds le programme "Un pays, deux systèmes" négocié par la Chine et le Royaume-Uni. Est-ce à cause de cette quasi guerre civile qui alors ne dit pas son nom, de la pandémie de Covid-19 qui conduit à la fermeture des frontières ou des deux ? En tout cas, les milieux d'affaires internationaux ont perdu confiance et commencent à quitter la Rivière des perles pour se diriger vers Singapour.

Cette Cité-État fondée par des Chinois affiche un profil très autoritaire, mais bénéficie d'une stabilité jusqu'ici à toute épreuve. C'est une ville qu'évitent les Hongkongais démocrates en fuite qui vont se réfugier à Taïwan. Comme de plus en plus d'autres firmes étrangères, Vinexposium a annoncé il y a quelques semaines quitter Hongkong pour Singapour.

"Je pense que Singapour est en train d'offrir une alternative"

"Pour le vin, le dernier événement bordelais à Hongkong, c'était en 2018. Avec une manifestation biennale qui avait été reportée à 2024 à cause du Covid. Mais les frontières de la Chine continentale ont été fermées, tout comme celles de Hongkong. Nos clients ont besoin d'aller en Asie mais Hongkong est fermé. Je pense que Singapour est en train d'offrir une alternative à Hongkong, en termes de stabilité politique, économique et juridique.

C'est un choix logique pour Vinexposium d'y aller afin de pouvoir couvrir l'ensemble du marché asiatique. Mais attention, comprenez-moi bien, nous ne tournons pas le dos à Hongkong. D'autres filières transfèrent aussi leurs activités de Hongkong à Singapour. Pour autant, nous continuons à penser que d'ici à deux ans la situation sera peut-être redevenue normale à Hongkong", veut croire Rodolphe Lameyse.

À Pékin, une cash machine prête à redémarrer

La Chine n'est pas le centre du monde et ne saurait résumer toute la stratégie export de Vinexposium, même si, malgré les difficultés, les échanges continuent avec ce pays, commente le directeur général, qui a du mal à ne pas laisser son regard glisser vers ce grand marché actuellement gelé par une politique anti-Covid de fermeture des frontières. Une situation dont on ressent qu'elle a pour lui quelque chose de rageant.

"Les chaînes de production y sont, tout l'appareil est prêt à fonctionner. Il manque juste un petit coup de boost sur le plan humain pour relancer la machine. Nous pourrions faire mieux si nous pouvions y aller. Le marché ne s'est pas arrêté. Le Covid a rebattu les cartes et, après deux ans de pandémie, la France repart. Vinexposium se trouve dans de meilleures conditions qu'avant la crise pandémique. Nous nous attaquons à de nouveaux marchés, comme le Kazakhstan, l'Inde ou la Corée du Sud", éclaire Rodolphe Lameyse.

Autrement-dit, l'aventure mondiale continue.

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