GPSO : l'Europe financera-t-elle la LGV après le refus de plusieurs collectivités néo-aquitaines ?

ANALYSE. Présentée comme acquise avant d'être qualifiée de probable voire de seulement "indicative", la participation financière de l'Union européenne au Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) n'a pour l'instant rien de contractuelle. Le calendrier du projet de LGV vers Dax et Toulouse et les engagements financiers français seront regardés de près par Bruxelles. Deux points qui pourraient poser problème après le refus de payer de plusieurs collectivités en Nouvelle-Aquitaine. Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, vient d'écrire au préfet coordinateur Etienne Guyot pour s'inquiéter d'un trou de 760 millions d'euros dans le plan de financement. Mais ce dernier reste confiant.
L'Union européenne est supposée financer 20 % de l'ardoise de 14 milliards d'euros permettant de prolonger la grande vitesse au sud de Bordeaux vers Dax et Toulouse.
L'Union européenne est supposée financer 20 % de l'ardoise de 14 milliards d'euros permettant de prolonger la grande vitesse au sud de Bordeaux vers Dax et Toulouse. (Crédits : Agence APPA)

L'Union européenne financera-t-elle à hauteur de 20 % le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), soit 2,8 milliards des 14 milliards d'euros nécessaires à la construction de deux nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) au sud de Bordeaux vers Dax et Toulouse ? La question est devenue un sujet conflictuel à mesure que se creusait chez les élus néo-aquitains l'opposition entre les pro et les anti GPSO. Chef de file des opposants à ce projet ferroviaire, le maire (EELV) de Bordeaux, Pierre Hurmic, a ainsi lancé un avertissement aux élus métropolitains lors du vote de la participation financière de Bordeaux Métropole au GPSO.

"Que dit l'Union européenne ? J'ai un document qui l'atteste. Elle dit qu'en 2020 la Commission et les coordinateurs ont fait des efforts pour que soit modernisée la voie existante entre Bordeaux et la frontière, afin d'arriver à une liaison avec le Y basque le plus vite possible. En tout cas bien avant 2037 puisqu'il ne devrait pas y avoir de plan côté français avant cette date !", a ainsi lancé le premier magistrat du port de la Lune.

La position de Bruxelles

Sollicitée par La Tribune, la Commission européenne à Bruxelles confirme que les nouvelles voies à grande vitesse entre Bordeaux et Dax et Bordeaux et Toulouse, qui constituent le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), se situent bien sur le Corridor atlantique du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T). Ces deux LGV sont donc éligibles à un financement européen au titre du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE). Mais la Commission ne s'engage pas sur un financement de 20 % et précise que son éventuelle participation financière est "sous réserve de l'évaluation des propositions qui seront faites par la France et du budget disponible". On comprend donc que Bruxelles attend de mesurer l'ampleur des engagements de l'Etat et des collectivités françaises avant de s'engager fermement et d'avancer un montant.

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Cependant la Commission européenne ajoute "accorder une attention particulière au financement et à la réalisation des liaisons transfrontalières, nécessaires à la mise en œuvre d'un réseau européen de qualité" mais ajoute une précision qui recoupe l'alerte donnée par Pierre Hurmic quant au calendrier.

"La Commission souhaite que les deux branches (du GPSO -Ndlr) soient réalisées d'ici la fin de 2030 comme le prévoit le Règlement RTE-T", conclut ainsi notre informateur européen.

GPSO Bordeaux Toulouse Dax LGV

Les sillons prévus pour les deux nouvelles LGV.

Un calendrier qui semble inatteignable en l'état tant il semblerait ambitieux de réaliser les deux chantiers simultanément sur un timing aussi serré. Pour lLe protocole de financement du GPSO prend ainsi le soin de préciser noir sur blanc :

"Le montant des subventions de l'Union européenne [...] est indicatif. [...] Dans l'hypothèse où le montant de la contribution de l'Union européenne serait inférieur à celui pris comme référence, les contributions de l'ensemble des financeurs seraient ajustées à due concurrence. Les parties coordonneront leurs efforts afin que le projet fasse l'objet de décisions favorables dans le cadre des futurs appels à projets de l'Union Européenne".

En clair, il va falloir se battre à Bruxelles et si la Commission européenne ne s'engage pas autant qu'espéré ce sont l'Etat et les collectivités française qui devront repasser à la caisse.

Les refus de quatre collectivités

Mais Pierre Hurmic ne tire pas simplement la sonnette d'alarme sur le financement européen. Il remet en question l'équilibre même de la part du plan consolidé de financement prévisionnel consacré aux collectivités et ne croit pas que le reste à payer pour boucler la part de financement dû par les collectivités soit de l'ordre de 235 millions d'euros comme cela semble ressortir du plan de financement. Rappelons que les collectivités de Nouvelle-Aquitaine et d'Occitanie doivent s'acquitter de 40 % de la facture globale de ce chantier à 14 milliards d'euros, au même niveau que l'Etat.

Quatre collectivités néo-aquitaines (conseils départementaux de Gironde et de Lot-et-Garonne, agglomération du Grand Dax et la communauté de communes du Pays basque) ont refusé de valider le paiement de leur quote-part du GPSO. Comme d'autres observateurs Pierre Hurmic n'en compte que trois et refuse d'inscrire dans cette liste le Conseil départemental de Gironde, présidé par Jean-Luc Gleyze (PS), qui, tout en votant contre le financement du GPSO, a annoncé son intention de débloquer 170 millions d'euros en faveur du RER girondin. Ce qui permettra à la Région d'économiser autant pour le RER métropolitain et de plus facilement financer sa part de GPSO.

Une financement avec un trou de 769 millions d'euros

Au final le montant du reste à payer calculé par le maire de Bordeaux serait de 769 millions d'euros, estime-t-il.

"Les financements des collectivités locales de Nouvelle Aquitaine manquants sont de l'ordre 769 millions d'euros, soit 31 % du total du Plan de financement de GPSO, abusivement qualifié de consolidé, attribué à la Nouvelle-Aquitaine (2,474 milliards d'euros), tel que présenté aux collectivités locales appelées à voter. Pour arriver à cette somme, je suis parti du Plan consolidé de financement de GPSO, première et seconde étape (part des collectivités locales)", présenté, sur lequel figurent les quotes-parts budgétaires, hors fiscalité, attendues des collectivités locales de Nouvelle Aquitaine dont j'ai déduit la différence non votée (partiellement ou totalement)", déroule pour La Tribune le maire de Bordeaux.

GPSO

Le plan de financement de GPSO datant de décembre 2021. Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

Outre les collectivités qui ont dit non, d'autres ont refusé de s'engager sans réserve dans le financement du GPSO, préférant opter pour un "oui mais" potentiellement lourd de conséquences, en annonçant une réduction unilatérale de leur facture ou en y attachant des conditions suspensives drastiques, voire les deux.

La lettre de Pierre Hurmic au préfet Guyot

De quoi décider le maire de Bordeaux à adresser fin décembre à Etienne Guyot, le préfet coordinateur du GPSO, un courrier pour demander des comptes :

"(...) Trois collectivités de Nouvelle-Aquitaine ont voté contre : la communauté d'agglomération du Pays Basque, le département du Lot-et-Garonne et l'agglomération du Grand Dax. Tandis que d'autres collectivités comme le département des Pyrénées-Atlantiques, Bordeaux Métropole, et l'agglomération d'Agen notamment, n'ont pas versé autant que prévu dans le budget initial... Je souhaiterais connaître le montant précis des sommes devant être trouvées pour corriger le Plan de financement - part des collectivités locales - qui nous a été présenté, ainsi que le nouveau principe de répartition envisagé... (...)", demande ainsi Pierre Hurmic, toujours en attente d'une réponse du préfet.

Des calculs qui ne semblent pas perturber Alain Rousset

Le préfet coordinateur a de son côté déjà donné sa lecture du plan consolidé de financement, en précisant le 20 décembre que le reste à payer à mobiliser chez les collectivités s'élève à 235,5 millions d'euros net. Etienne Guyot ne doute pas que malgré cette difficulté les élus arrivent à régler le problème et avance même des pistes d'économies. Comme l'Etat a fait savoir qu'il ne mettrait pas plus d'argent que prévu dans le GPSO, Alain Rousset, président (PS) de Nouvelle-Aquitaine, a été questionné au sujet des calculs faits par le maire de Bordeaux lors de sa conférence de presse de rentrée. Il ne s'est pas montré impressionné par la question mais plutôt agacé.

"Avec le préfet Guyot, notre chiffre sur ce qu'il reste à trouver pour boucler le paiement de la quote-part des collectivités tourne autour de 200 millions d'euros... Je ne sais pas d'où il sort ses chiffres mais je souhaite  que Pierre Hurmic nous laisse tranquille", a ainsi tranché en substance le patron de la Région.

De son côté, le maire de Bordeaux n'a visiblement pas l'intention de laisser tomber l'affaire.

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Commentaire 1
à écrit le 13/01/2022 à 16:09
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Au lieu de donner des milliards à des pays prétendument pauvres ou d'effacer leurs dettes voila ou l'argent du contribuable devrait aller !!!

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