CRC : l’audit de la ville de Bordeaux soulève deux questions selon Jean-François Monteils

Jean-François Monteils, président de la Chambre régionale des comptes (CRC) de Nouvelle-Aquitaine, a accepté de commenter en exclusivité pour La Tribune le dernier rapport consacré à la ville de Bordeaux. Cet audit porte sur la période 2010-2016 au cours de laquelle Bordeaux "a tangenté la zone rouge budgétaire" avant de s’en écarter, selon le président de la CRC, qui retient deux questions.
Jean-François Monteils, président de la CRC de Nouvelle-Aquitaine.
Jean-François Monteils, président de la CRC de Nouvelle-Aquitaine. (Crédits : Agence Appa)

Qu'est-ce qui a déclenché le lancement par la Chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine, que vous présidez, ce contrôle des comptes et de la gestion de la commune de Bordeaux ?

"Il s'agit du cycle normal des contrôles de grandes collectivités et le lancement de cet audit relève, comme la période contrôlée, du déroulement normal des contrôles. Il se trouve par ailleurs que cela correspond à une période de très gros investissements pour la ville. Pendant presque cinq ans Bordeaux a réalisé des investissements plus élevés que ceux des villes de strate de population comparable. A un moment donné elle a même investi deux fois plus que les villes de même taille, ce qui d'ailleurs est un simple constat, en aucun cas un jugement de valeur."

Les bonnes feuilles de ce rapport ont été abondamment commentées dans la presse avant sa publication officielle. Quels sont les éléments clés que vous en retenez ?

"Ce rapport soulève entre autres deux points sur les questions financières. Tout d'abord : la collectivité a-t-elle les moyens de faire face à ses emprunts ?, et, ensuite : tout ceci a-t-il été correctement présenté dans les comptes ? Ce second point, qui a agité les rédactions, est, je le souligne, d'abord un sujet de ce que nous appelons "fiabilité des comptes". A la question de savoir si la ville avait les moyens de faire face à ses engagements en termes de capacité de remboursement dans la durée, je réponds qu'elle a tangenté la zone rouge en 2016.

Cette année-là, sa capacité à rembourser sa dette a atteint 11,6 années, alors que l'on commence à se poser des questions à partir d'une durée de 10 ans. Je me permets de préciser que ce seuil d'alerte à 10 ans était un repère généralement admis, a pris force de loi depuis quinze jours puisqu'il est écrit noir sur blanc dans la dernière loi de programmation des finances publiques. Il s'élève toutefois à 12 années pour les communes et intercommunalités, et à 10 ou 9 ans pour les collectivités les plus importantes (Départements et Régions). "

Cette zone rouge budgétaire c'est donc du passé, une image dans le rétroviseur ?

"La ville arrive à boucler ses budgets, elle trouve des financements. Et par ailleurs on voit qu'effectivement la décrue de la dette s'est amorcée et qu'elle devrait probablement continuer. Le transfert à la Métropole d'équipements municipaux à vocation métropolitaine va continuer à alimenter cette décrue. Une baisse de la dette qui est toujours d'actualité au moment où nous nous parlons. Le taux d'endettement de la ville a atteint un plus haut en 2016 avant d'entamer une baisse. Le rapport relève toutefois que le contexte actuel, et les anticipations raisonnables qui peuvent être faites, doivent conduire la ville, afin de dégager un autofinancement suffisant, à privilégier la maitrise des dépenses de fonctionnement."

Alain Juppé a contesté votre analyse sur la présentation d'une partie des comptes de la municipalité, qu'en pensez-vous ?

"Il s'agit là d'un point particulièrement technique, qui porte sur une fraction des recettes et dont l'importance se mesure aussi au regard des règles du contrôle budgétaire. Pour que le préfet saisisse la Chambre régionale des comptes, il faut que les anomalies constatées conduisent à un déséquilibre d'au moins 5 % des recettes. En 2013 elles concernaient 0,92 % des recettes, et 1,76 % en 2015. Cette question de la présentation non réglementaire des comptes couvre trois paragraphes et deux pages, en comptant la réponse du maire, sur un rapport qui fait 122 pages !

L'analyse de la chambre est que la règlementation aurait effectivement dû conduire à une présentation différente sur quelques écritures de restes à réaliser, que ces anomalies à la section d'investissement ont conduit à minorer des dépenses et majorer des recettes, et ont nui à la présentation générale de certains budgets au cours de la période, mais que l'ensemble ne conduisait pas à un déséquilibre justifiant une saisine du préfet."

Lire aussi : La ville de Bordeaux a-t-elle adopté des comptes en déficit en 2013 et en 2015 ?


Les observations du rapport de la CRC portent aussi notamment sur la gestion des ressources humaines, avec un temps de travail peu respecté, et des régies...


"Contrairement à ce que vous pourriez penser, le maire est tombé d'accord sur de très nombreux points avec l'analyse de la Chambre régionale des comptes et s'est engagé à corriger ce qui devait l'être. Ce qui est le cas par exemple pour la gestion des ressources humaines et celle des régies, qui vont être améliorées.

Parallèlement, des éléments positifs sont soulignés. Ainsi par exemple, la Chambre reconnaît que la mairie de Bordeaux anticipe - ce qui est plutôt rare - et de façon intelligente l'impact des frais de gestion et d'entretien des nouveaux équipements. En particulier grâce à un logiciel de maintenance prédictive qui est relié à la gestion budgétaire de la municipalité, ce qui permet une programmation très fine dans le temps de ces opérations financièrement lourdes. Sur ce point positif, la chambre invite à passer à une programmation sur 10 ans, recommandation que le maire a indiqué souhaiter suivre."

Finalement que faut-il retenir de cet audit ?

"Beaucoup de choses, j'espère ! Et ce serait trahir le travail de la chambre que de le limiter à une seule phrase. Mais globalement, la période sous revue a été une période de nombreux et forts investissements, dont les conséquences sur les finances de la ville sont aisément lisibles, y compris sur quelques irrégularités de présentation, et que sur l'ensemble, des secteurs présentant des points d'amélioration côtoient des domaines où la gestion est satisfaisante."

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