La Nouvelle-Aquitaine dans l’attente des migrants de Calais

Dans un contexte lourd marqué par l’omniprésence des questions de sécurité, le préfet Pierre Dartout a tiré un bilan plutôt satisfaisant de la situation en Nouvelle-Aquitaine sur les sept premiers mois de l'année.
Un été sûr malgré une abondance de touristes en Nouvelle-Aquitaine

La conférence de presse de rentrée du préfet de Gironde et de Nouvelle-Aquitaine, Pierre Dartout, axée sur la reconduction de l'Etat d'urgence, après l'attentat meurtrier du 14 juillet à Nice, le déroulement des manifestations organisées contre l'adoption de la loi Travail, et la tenue de l'Euro 2016, a finalement été dominée par la question de la répartition dans l'ensemble de la France des migrants concentrés dans le bidonville de Calais surnommé la jungle.

"L'Etat d'urgence conduit les préfets dans les départements à prendre des mesures dérogatoires au droit commun, au travers d'opérations qui sont menées de façon discrètes. Entre novembre 2015 et juillet 2016 nous avons réalisé 210 perquisitions administratives, dont 9 depuis juillet en Gironde assorties de 8 assignations à résidence. C'est un travail de fonds que nous menons avec les collectivités territoriales, les associations de prévention de la radicalisation. La Nouvelle-Aquitaine est une région touristique très attractive l'été, avec de nombreux festivals et fêtes, et nous avons travaillé en partenariat avec les collectivités pour sécuriser ces activités" a résumé Pierre Dartout.

Le chômage face à la démographie

Revenant sur la réorganisation de fonds qu'implique pour les services de l'Etat la fusion des trois régions (Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes) en une seule, le préfet a observé en substance que "le bilan est bon mais les choses ne sont pas encore achevées". Pierre Dartout a toutefois souligné que ses services avaient pour mission d'aider à la cohésion régionale et à l'harmonisation des politiques de l'Etat, les besoins des territoires de la région variant dans les domaines de l'emploi et du logement. D'où l'organisation de visites préfectorales à Mont-de-Marsan, Guéret (Creuse), Limoges, Poitiers et bientôt Pau ou Agen.

Le préfet de Région est assez brièvement revenu sur les questions socio-économiques, observant "qu'en dépit des difficultés" le chômage chez les demandeurs d'emploi de catégorie A avait baissé de 0,5 % sur un an. Une évolution aussi positive que timide qui s'explique aussi, a souligné Pierre Dartout, par la friction sur l'emploi provoquée par l'afflux de nouvelles populations, particulièrement dans les quatre départements côtiers que sont la Charente-Maritime, la Gironde, les Landes et les Pyrénées-Atlantiques sur les douze que compte la région.

Logement social, encore un effort

La Nouvelle-Aquitaine est en retard en matière de logements sociaux par rapport à la moyenne nationale, comme nous avons déjà eu l'occasion de le détailler. Mais dans ce domaine, la politique de rattrapage mise en place depuis 2012 commence à porter ses fruits. Le préfet de Région a rappelé que 127 communes de Nouvelle-Aquitaine sont en retard, dont 12 carencées, c'est-à-dire très éloignées - parfois pour des raisons politiques - des objectifs de rattrapage triennaux. Parmi ces dernières, 5 se trouvent en Gironde.

Le préfet a préféré n'en citer aucune bien qu'elles soient connues (lire l'article Logement social : Le Pian-Médoc dans la première liste des sanctionnés) et que le refus d'obtempérer soit passible de lourdes amendes par les collectivités et de la perte de leurs prérogatives en matière de logement, l'Etat se substituant dans cette fonction aux élus locaux. Dans tous les cas, le préfet commence par la pédagogie.

"Nous devons agir à bon escient. Il s'agit d'abord de dialoguer avec le maire, d'expliquer le processus et d'inciter avec des aides supplémentaires si nécessaire. Si cela ne suffit pas, il y a déclaration d'un état de carence" éclaire Pierre Dartout.

900 migrants attendus en Nouvelle-Aquitaine

Comme l'a confirmé le préfet de Nouvelle-Aquitaine, la question migratoire est de nature politique et économique. Cette question se focalise pour l'heure essentiellement sur la répartition dans le reste de la France des migrants concentrés dans le bidonville de Calais en espérant pouvoir passer au Royaume-Uni. La poursuite et l'intensification des massacres de populations civiles, en particulier en Syrie, en Irak, au Sud Soudan, où l'instauration de régimes de terreur, comme en Erythrée, ont fait depuis ces dernières années grimper en flèche le nombre de migrants, qui sont pour l'essentiel des réfugiés.

L'Etat dispose depuis des années des structures servant à identifier et séparer les réfugiés, qui ont vocation à bénéficier du droit d'asile, des migrants économiques, qui ne peuvent y avoir droit. Actuellement 500 migrants sont accueillis en Nouvelle-Aquitaine, qui est la région la plus étendue de France, avec un territoire aussi grand que celui de l'Autriche. Dans la perspective du démantèlement du bidonville de Calais, la Nouvelle-Aquitaine devrait accueillir un autre contingent de 900 migrants à identifier et orienter.

Difficile répartition

"Il n'y a pas d'objectif précis par département. Nous recherchons tout d'abord des sites pour pouvoir accueillir des personnes, qui resteront en moyenne deux mois sur place, et dont nous verrons ensuite s'il elles ont ou non droit au statut de demandeur d'asile. Nous regardons la faisabilité technique de l'accueil et son acceptation par les élus", éclaire le préfet.

Ces sites sont gérés par des associations humanitaires et tous les frais pris en charge par l'Etat. Rappelant que l'accueil de migrants s'était très bien passé dans des territoires ruraux de la Nouvelle-Aquitaine, comme la Creuse, le préfet Pierre Dartout a essayé de balayer par avance les arguments reposant sur des questions de nombre de personnes à accueillir. Mais le lendemain de cette conférence de presse, le conseil municipal d'Arès, une ville de 6.000 habitants au nord du bassin d'Arcachon, sollicité par le préfet, a clairement répondu non dans son vote du 23 septembre, à l'exception de l'opposition de gauche, favorable à l'accueil des migrants. Ces derniers, au nombre d'une cinquantaine, devaient être accueillis dans le centre de vacances EDF d'Arès, dans l'attente de l'instruction de leurs dossiers, pour savoir si oui ou non ils pourront bénéficier du statut de réfugié.

Des retraités inquiets

Dans sa délibération, le conseil municipal égrène des arguments qui dessinent en creux un portrait robot effrayant du migrant type, quelque part entre le voleur et l'assassin. Le conseil municipal présente ainsi une première série de points noirs qui délimitent l'anxiogène périmètre du danger représenté par cette nouvelle population. Dans ce cadre il est jugé que le centre EDF a tout d'abord le tort d'être implanté en ville, près des espaces de jeux pour les enfants, d'être mitoyen de résidences principales "dont une maison de retraite", mais aussi d'être bordé par le sentier du littoral, particulièrement fréquenté, de jouxter des équipements d'ostréiculteurs et d'être doté d'un plan d'eau de baignade non contrôlé à cette période...

Le maire justifie ensuite le refus municipal par des considérations variées, dont la plupart sujettes à caution. Il est ainsi indiqué qu'Arès compte une "population à 60 % de plus de 65 ans donc très sensible aux problèmes de sécurité et de tranquillité", et que la ville ne possède pas "de structures (équipements sportifs, salles et associations...) susceptibles de recevoir cette population".

"L'image donnée serait négative"

D'autre part le conseil municipal regrette qu'aucune information n'ait été fournie à la mairie d'Arès sur les personnes de Calais qui seraient accueillies. Semblant marcher dans les traces révolutionnaires du comité de sûreté générale, le conseil municipal veut savoir "les raisons de leur exil, leur nationalité, leur identité, leur situation familiale, leur âge", sachant qu' "il s'agirait de personnes jeunes (sans enfants)", dans une situation qui "leur permettrait d'aller et venir librement à l'extérieur du centre". De plus, souligne la délibération, "aucune précision ne nous a été communiquée sur la qualité, les compétences et le nombre des encadrants" et que "sur le problème de la sécurité et de la présence des forces de gendarmerie supplémentaires, aucune information précise ne nous est donnée".

L'ensemble de ces observations converge fort logiquement vers une nouvelle inquiétude, qui joue un peu le rôle de la cerise sur ce gâteau de l'horreur. "Nous avons également attiré l'attention de M. le Préfet, poursuit ainsi la délibération, sur les conséquences prévisibles de la présence de migrants à Arès sur le plan du tourisme. En effet la période de réservation pour l'été 2017 débute dès maintenant et il est à craindre que l'image donnée serait très négative auprès de la clientèle française et étrangère. M. le préfet n'a pas admis cet argument" conclut la délibération. Questionné à propos d'un éventuel refus, le préfet avait répondu "à l'heure actuelle rien n'est fixé".

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Commentaires 2
à écrit le 28/09/2016 à 8:43
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Ni retraitée, ni contre les migrants mais je trouve normal que les populations locales réagissent... on oublie aussi d'exprimer les problèmes rencontrés dans des communes où l'on a accueilli et soutenu des migrants et où cela a dégénéré (pas spéciale...

à écrit le 27/09/2016 à 17:45
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Bien-sur tous ces honnêtes gens d’Arès ne leur veulent pas de mal à ces pauvres migrants, mais pas chez eux !!!! ça ferait « tâche » dans le paysage !!!! Comme le dit le proverbe « Hors de ma vue, hors de mes pensées »… Espérons que pour eux jamais l...

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