ESS : les quatre projets distingués par Bordeaux métropole

Les lauréats 2021 du prix coup de cœur Économie sociale et solidaire de Bordeaux Métropole ont été présentés ce 9 novembre. Lieu associatif, coopérative étudiante, initiative pour l'emploi et synergies inclusives : présentation de ces projets pour la plupart nés dans le bouleversement des confinements.
Maxime Giraudeau
Les projets d'économie sociale et solidaire portés à Bordeaux Métropole par Acc'ESS, Le Petit Parc, La Petite Soeur et Ethypik (dans le sens des aiguilles d'une montre) ont été salués par le jury parmi 24 candidats.
Les projets d'économie sociale et solidaire portés à Bordeaux Métropole par Acc'ESS, Le Petit Parc, La Petite Soeur et Ethypik (dans le sens des aiguilles d'une montre) ont été salués par le jury parmi 24 candidats. (Crédits : Maxime Giraudeau)

La 13e édition des Prix coup de cœur Économie sociale et solidaire de Bordeaux Métropole a rendu son verdict ce mardi 9 novembre. Alain Garnier, maire d'Artigues-près-Bordeaux et vice-président métropolitain en charge de l'ESS et de l'économie de proximité, a distingué quatre porteurs de projet, parmi 24 candidatures. Trois d'entre eux bénéficieront de dotations de 5.000 euros chacun ainsi que d'un parcours d'accompagnement mentoré et personnalisé.

L'ESS, qui privilégie le développement des territoires en concertation avec les acteurs sociaux, économiques culturels et politiques avant le profit, représente 10% des emplois à Bordeaux métropole, soit sensiblement la même part qu'au niveau national.

  • Le Petit Parc, premier café associatif du quartier du Grand Parc

Pauline et Pauline habitent à Bordeaux. Leur quotidien tombe à l'eau. Que se passe-t-il ? La naissance d'un projet associatif de quartier favorisant le lien social. C'est à l'aune du premier confinement, en mars 2020, que ces voisines, habitantes du quartier du Grand parc à Bordeaux, se rencontrent vraiment. "Nous dressons alors toutes les deux des constats généraux sur les transitions que l'on vit actuellement dans la société : sociales et environnementales mais aussi sur la parentalité. Toutes ces transitions mises bout à bout ont fait naître le projet", raconte Pauline Berlioz, l'une des deux initiatrices d'un projet réfléchi avec les structures culturelles et sociales du quartier.

Les deux femmes en ont marre de voir des parents qui refusent d'inscrire leurs enfants dans l'école du Grand parc "juste parce qu'ils ont des mauvaises idées sur le quartier et refusent la mixité sociale". La thérapie passera donc par un café associatif situé dans l'enceinte de la bouillonnante Salle des fêtes du Grand parc, au nord du centre-ville. "Les habitants viendront s'y mélanger et partager des ressources. Nous proposerons des ateliers et de vrais moments pour faire ensemble. On ne deviendra pas experts du macramé ou de la broderie mais ça va lier les acteurs du quartier", vise Pauline Berlioz en riant.

L'association Le Petit Parc, qu'elle et sa voisine ont créée il y a un an, attend l'acceptation pour occuper le local de la brasserie de la Salle des fêtes du Grand parc, étape ultime avant l'ouverture du café associatif, qui sera "le seul de tout le quartier" déplore la co-fondatrice. Parallèlement, le lieu portera une activité d'animations de séminaires pour les entreprises afin d'assurer au Petit Parc des ressources propres. Trois personnes salariées devraient l'occuper : Pauline Berlioz en tant qu'animatrice en ateliers de développement inter-personnels, l'autre Pauline, Amiot-Nava de son nom composé, au poste d'animatrice et programmatrice du lieu, et Emilie Roncier responsable de l'offre culinaire. 40 familles ont déjà adhéré à l'association à prix libre. Et pour toucher encore plus les habitants, un stand mobile - baptisé "la Tente à tisser des liens" - est en itinérance dans les allées du Grand parc depuis quelques mois.

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  • Ethypik, le recrutement, c'est la rue

Pourquoi a-t-on décidé, un jour, de monter sa boîte ? A la vue d'une problématique sociétale criante ? Pour Nicolas Morby, devoir se rappeler pourquoi il a lancé Ethypik, c'est "ressentir à nouveau la boule dans le ventre qui poussait à agir." C'est en collectant des fonds dans la rue pour des ONG qu'il prend conscience de l'existence d'une zone grise du marché de l'emploi. "J'ai observé une misère sociale dans la rue. De nombreuses personnes avaient du talent mais n'avaient pas les codes pour accéder à l'emploi", fait-il valoir.

Après quelques essais dans les travées bordelaises, Ethypik est créée courant 2020, pendant une période confinée pas si inactive. L'objectif est de dupliquer le modèle de collecte de fonds, réalisé par les ONG, sur le sourcing des candidats à l'embauche. Autrement dit, les personnes missionnées par Ethypik doivent révéler les talents des passants. Ceci grâce à un questionnaire en 16 questions élaboré par une docteure en sciences cognitives. Le tout pour le compte de clients entreprises.

Ethypik compte aujourd'hui trois salariés et huit alternants "dont la moitié pourrait signer un contrat de longue durée". La distinction du prix de l'ESS pourrait maintenant accélérer son développement, qui a jusqu'ici été boudé par les subventions de la région. "J'espère sincèrement que cette marque de confiance va nous ouvrir les portes", lance enfin Nicolas Morby. Pour l'instant, comme un cabinet de recrutement classique, la startup se rémunère uniquement par une commission en cas d'embauche réussie et en fonction de la qualification du poste.

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  • La petite sœur, ouvrir les portes des établissements médico-sociaux

C'est pour concrétiser encore plus la mission d'insertion des établissements médico-sociaux auprès des jeunes que l'association La petite sœur a été créée au printemps 2021. "Ces publics sont accompagnés jusqu'à 25 ans puis doivent trouver, seuls, leur place dans la société. Mais il y a une crise avec la pandémie. Ce passage entre les établissements sociaux et la vie active doit être davantage garanti, car l'avenir d'un jeune n'est jamais joué d'avance", milite Sabra Ben Ali, la fondatrice de la structure.

Adossée à l'Oreag (Orientation et rééducation des enfants et adolescents de la Gironde), La petite sœur ambitionne d'intervenir, et surtout d'inviter à découvrir, les centres médico-sociaux de cette association fondée au 18e siècle et reconnue d'utilité publique. Avec son projet nommé "La Rêverie", la structure de l'ESS dirige une résidence culturelle d'artistes locaux dans un établissement du quartier Saint-Genès à Bordeaux pour "valoriser le lien et la curiosité avec un public jeune que l'on ne met pas assez en avant" appuie Sabra Ben Ali.

Chaque mois, La petite sœur invite ainsi les habitants des alentours de l'établissement à pousser les portes pour des événements animés, comme le brunch musical du mois dernier. L'association vise désormais les autres établissements médico-sociaux appartenant à l'Oreag à Bouliac et à Léognan, avant "que d'autres acteurs puissent s'emparer de cette expérimentation. Nous sommes ouverts aux partages" invite la fondatrice. Déjà soutenue par les subventions municipales et régionales, La petite sœur embauchera une ou un chargé de développement d'ici janvier.

  • Acc'ESS, la coopérative étudiante qui voit l'ESS comme un objet politique

Ils en ont eu marre de la théorie. Et ont tout fait eux-mêmes pour passer à la pratique. La Société coopérative d'intérêt collectif (Scic) Acc'ESS est née à l'été 2021 de la réunion d'une cinquantaine d'étudiants de Sciences Po Bordeaux et autres jeunes en formation gravitant autour de l'ESS. La structure se veut une alliance des compétences néo-acquises, notamment par les étudiants du master ESS de Sciences Po mais pas que, pour répondre à des missions territoriales en Nouvelle-Aquitaine. "C'est vraiment un outil de professionnalisation concret. On veut faire évoluer les pratiques pédagogiques de l'enseignement supérieur" défend Martin Georges, qui boucle son cursus en master ESS à Sciences Po Bordeaux.

La toute jeune société coopérative est déjà missionnée par les collectivités de Nontron dans le nord de la Dordogne pour penser l'avenir des dynamiques de cette bourgade rurale : emploi, jeunesse, vieillesse, développement... De quoi mobiliser la matière grise du collectif étudiant, où apprentis géographes et designers s'activent. Trois autres missions viendront émailler la première année d'Acc'ESS.

Les étudiants accordent aussi beaucoup d'attention au fonctionnement de leur structure. "Les Scic répondent à des enjeux sociétaux d'aujourd'hui. Nous espérons faire entrer des collectivités et l'enseignement supérieur dans le collège décisionnaire pour s'inscrire dans la coproduction des politiques publiques", vise Martin Georges. Chez Acc'ESS, on parle aussi de démocratie économique et de management horizontal, ces grands principes appris sur les bancs des universités, pas toujours retrouvés une fois dans le monde salarié, mais que les étudiants souhaitent défendre avec leur projet.

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Maxime Giraudeau

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