Bastide Niel : le temps des réalisations et des contraintes budgétaires pour les dix ans de la ZAC

Voilà dix ans que l'opération d'aménagement Bastide Niel a pris ses quartiers sur la rive droite de la Garonne à Bordeaux. L'occasion de faire le tour des premiers programmes de logements et d'équipements livrés. Pour la suite, l'aménageur va subir quelques contraintes financières, entre des difficultés d'emprunt et des occupations foncières qui s'éternisent.
Maxime Giraudeau
Dix ans après son lancement, le chantier au long cours de la ZAC Bastide Niel, sur la rive droite de Bordeaux, a livré un tiers des espaces prévus.
Dix ans après son lancement, le chantier au long cours de la ZAC Bastide Niel, sur la rive droite de Bordeaux, a livré un tiers des espaces prévus. (Crédits : Agence APPA)

Les chiffres sont parfois trompeurs. Prenez le nombre total d'ilôts livrés à Bastide Niel : à l'été 2024, il y en a 12 sur plus de 120 programmés. Dans les opérations aménagement, on joue toujours sur le temps long. Mais en surface, la Zone d'aménagement concerté (ZAC) a d'ores et déjà livré un tiers des espaces. Ce qui donne des gages de réalisations à Bordeaux Métropole Aménagement (BMA), la société d'économie mixte devenue cheffe d'orchestre de la reconversion de ce quartier sur la rive droite bordelaise.

Parmi les œuvres à l'actif de la ZAC, le groupe scolaire Billie Holliday en passe de fêter sa troisième rentrée, les immeubles de Domofrance qui introduisent l'atypique parmi 124 logements sociaux, la clinique ophtalmologique Thiers, le nouveau site de l'école de management Essca ou encore le temple des métiers du jeu vidéo d'Ubisoft déjà actif mais promis à une inauguration officielle en octobre. Ce qui ne gâche rien, ce premier cru illustre la mixité des usages mise en priorité cardinale du projet d'aménagement.

Lire aussiAux commandes d'Assassin's Creed Mirage, Ubisoft Bordeaux s'agrandit sur la rive droite

bastide niel école

Le groupe scolaire Billie Holiday a été livré en 2021 (crédits : Agence APPA).

60 % de logements sociaux

BMA veut capitaliser sur ces réussites pour entretenir la dynamique dans un contexte ô combien contraint pour la construction et le financement. « On n'a pas de programme gelé, souffle Claire Vendé, la directrice générale de la société sous fonds publics et privés. Mais on a des programmes qui mettent du temps à se commercialiser. » De quoi tendre le rapport de force avec les prêteurs financiers car désormais la plupart des banques exigent de pré-commercialiser la moitié des surfaces d'un programme. Avant la hausse des taux d'intérêts, le curseur était plutôt autour de 30 %.

Ce ne sont plus 4.000 mais 3.400 logements neufs qui sont envisagés, soit deux tiers des surfaces de l'opération globale, qui associe commerces, bureaux, artisanat et équipements. Le nombre de logement sociaux a en revanche été renforcé : 1.000 au total, soit 300 de plus suite aux réorientations de la municipalité écologiste. Ainsi, entre le locatif et l'accession, le bien social représente 60 % des logements proposés à Bastide Niel. Place faite aussi aux espaces végétalisés avec 1.800 arbres (quatre fois plus que prévu initialement) et deux hectares de pleine terre.

Lire aussiÀ Bordeaux, le projet urbain des écologistes tarde à se matérialiser

En pleine crise de la construction neuve, l'équation est difficile à tenir sur les 35 hectares de la zone d'aménagement. « On a accepté un délai de paiement sur les achats de terrains, ce qui veut dire qu'on assure plus longtemps le portage foncier. C'est le seul effort que l'on a consenti. On n'a pas accepté les diminutions de surfaces des logements ou la baisse d'ambition sur les performances environnementales », clame Claire Vendé.

Darwin et les surcoûts

La libération des emprises foncières reste quant à elle incomplète. Le faisceau ferroviaire de la SNCF, qui traverse la zone à l'est, devait être libéré en 2023. Ce sera finalement en 2026 annonce la direction de BMA, à la suite de discussions qui ont traîné avec l'opérateur ferroviaire. Retard également du côté des emprises longeant les ateliers de tramway de Bordeaux Métropole, qui seront libérées l'an prochain. Ce qui occasionne deux millions de surcoûts selon le rapport de la chambre régionale des comptes paru début juillet.

bastide niel

La ZAC Bastide Niel fait la part belle au logement, en rouge. (crédits : BMA)

Une évaluation qui salue une situation financière « satisfaisante » face à « une dégradation généralisée du contexte économique ». Tout en pointant des surcoûts non-négligeables bien qu'ils ne soient pas du seul fait de BMA. Entre le climat économique tendu et les engagements environnementaux renforcés, la chambre évalue ainsi à 17 millions la nouvelle hausse induite sur le budget de la ZAC Bastide Niel, qui s'élève désormais à 219 millions d'euros contre 176 prévus en 2017.

La rehausse est aussi imputable au conflit qui oppose l'aménageur avec la société Darwin selon la chambre régionale des comptes. Les magistrats sont revenus sur « l'occupation illégale » de ce lieu désormais incontournable de la rive droite qui accueille des structures de l'ESS (Veja, Emmaüs, La Conciergerie solidaire...). Et fait payer des loyers sur des terrains dont elle n'est pas propriétaire. Une occupation très politique comme s'en vante le dirigeant de Darwin depuis presque quinze ans mais qui coûte cher à la puissance publique.

Lire aussiPhilippe Barre (Darwin) : « Nous hackons le système capitaliste ! »

« Tout le monde a aussi intérêt à travailler ensemble »

Les aménagements immobiliers prévus ne pourront vraisemblablement pas être menés puisque BMA souhaite que Darwin puisse rester sur une partie des emprises occupées. L'abandon des programmes coûterait ainsi 3,5 millions d'euros à BMA. Côté foncier, l'écosystème épaulé par la mairie pourrait enfin devenir propriétaire des terrains... mais pas au prix du marché. Alors que les surfaces sont évaluées à plus de 2 millions d'euros, Darwin a formulé en 2022 une proposition à 700.000 euros. Une coopérative a été créée avec la ville de Bordeaux qui pourrait mettre au pot.

Mais la perte nette serait comprise, toujours selon la chambre, entre 1,5 et 2,7 millions d'euros pour BMA. En ajoutant les autres retards induits, les magistrats accusent carrément Darwin d'engendrer une perte de 9,5 millions d'euros, que Bordeaux Métropole, donc le contribuable, va devoir compenser. « Sans ce secours financier, l'équilibre de l'opération ne pourrait pas être respecté », lit-on dans le rapport.

Mais depuis son arrivée, la directrice de BMA a tenté de jouer l'apaisement entre les partisans de Darwin et les promoteurs lassés de voir les chantiers à proximité être interrompus. « Je suis d'accord quand on dit que Darwin est un attracteur et donne envie à des gens de découvrir le quartier. Mais tout le monde a aussi intérêt à travailler ensemble, il faut que les ilots soient poreux entre eux. C'est dommage qu'aujourd'hui ils soient trop fermés les uns envers les autres », regrette Claire Vendé. CDC Habitat travaille actuellement à la reprise d'un projet d'ilot associant logements et commerces juste derrière l'écosystème.

Le chantier de Marignan jugé conforme

C'est une opération qui a beaucoup fait parler début janvier. Le chantier du promoteur Marignan était suspendu par la justice alors que Darwin avait accusé la société d'irrégularités sur les sols et sur la conservation du bâti existant. Le 2 juillet, la Cour d'appel de Bordeaux a annulé la suspension prononcée par le juge des référés. Les juges ont estimé que Marignan, qui accumule de fait les retards depuis le dépôt du permis de construire, a bien agit selon les autorisations dont il dispose. Une mission d'expertise a en revanche été ordonnée mais le chantier a pu redémarrer.

Maxime Giraudeau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.