Rafale : les 3 défis majeurs de la sous-traitance

24 Rafale pour l'Egypte, 36 pour l'Inde : avec le Rafale, c'est tout ou rien ! L'appareil de Dassault Aviation a pris son temps pour décoller à l'export. Mais maintenant que les premières ventes ont été décrochées, et même si perdurent des incertitudes, la chaîne de sous-traitance va devoir s'organiser très vite. Trois principaux défis l'attendent.
Les Rafale égyptiens et indiens seront assemblés à Mérignac (33)

Combien d'embauches chez Dassault Aviation directement liées aux deux contrats à l'export du Rafale ? Pour l'instant, l'avionneur ne s'est hasardé à aucune projection. Et pour cause : le contrat industriel avec l'Inde n'a pas été signé. De plus, la question de l'installation d'une ligne d'assemblage en Inde n'est toujours pas tranchée avec certitude. La prudence est donc de mise, chez l'avionneur mais aussi chez la plupart des acteurs de l'aéronautique et de la Défense aquitains.

Au plan industriel, la vente des appareils à l'Egypte en février ne changeait pas grand-chose à l'affaire. Elle était surtout rassurante pour les effectifs de la chaîne d'assemblage de Mérignac (33), pour les partenaires principaux de Dassault Aviation que sont Thales et Safran (via Snecma qui développe et produit le moteur du Rafale, Messier-Bugatti-Dowty pour les trains, roues et freins, Labinal pour l'ensemble des harnais électriques...), et pour toute la chaîne de sous-traitance (supply chain) composée d'environ 500 entreprises.

Mais avec la signature attendue de l'Inde, preneuse de 36 appareils "sur étagère", autrement dit prêts à voler et sortant de l'usine de Mérignac, la donne pourrait changer. Pour l'heure, rappelons-le, tout cela reste de la théorie tant que le contrat n'est pas signé. De plus, la loi de programmation militaire 2014-2019 et son financement génèrent d'autres inconnues. La LPM prévoyait déjà la production sur cette période de 66 Rafale : 40 pour l'export et 26 pour l'Armée française. Avec l'Inde plus l'Egypte, les 40 y sont. Tout dépendra maintenant des exigences de livraison des clients étrangers, de celles de l'état-major français, et bien sûr des autres contrats qui pourraient tomber maintenant que la pompe est amorcée. Si ces planètes s'alignent, voici les trois principaux enjeux de la supply chain.

1- Financer la croissance

"On sort 11 à 12 Rafale par an, il faudra le double. Ces contrats vont entraîner la mobilisation des sous-traitants de Dassault, de Safran, des sites de Thales à Pessac et au Haillan, qui vont devoir acheter des manières, des machines...", affirme Alain Rousset, président du Conseil régional d'Aquitaine.

Bruno Heuclin, directeur de Bpifrance en Aquitaine, l'a confirmé lors de la présentation du bilan régional 2014 de la banque publique d'investissement : "Les contrats Rafale vont se traduire par des besoins de financement court terme importants." Sa structure se dit prête à accompagner les sous-traitants mais son appui seul ne suffira pas.

Alexandre Le Camus, secrétaire général de l'Union des métiers et industries de la métallurgie (UIMM) Aquitaine, se montre mesuré tant que Dassault n'a pas communiqué sur ses cadences.

"La problématique du financement dans la Défense est différente de celle de l'aéronautique civile, les problèmes de partage des risques sont moins prégnants, explique-t-il. Mais si jamais la cadence est accélérée, les sous-traitants auront d'importants besoins de fonds de roulement. Ces derniers sont deux fois supérieurs dans l'aéronautique par rapport à la moyenne de l'industrie, du fait notamment des cycles de développement longs et des immobilisations coûteuses."

2- Faire émerger des leaders

"Ces deux contrats vont permettre la création de plusieurs centaines d'emplois. Nous devons en profiter pour créer des sous-traitants de rang 1", affirme Alain Rousset.

C'est effectivement un réel défi : faire grossir les PME et PMI, les transformer en robustes entreprises de taille intermédiaire (ETI) dialoguant au plus près avec les donneurs d'ordre. Ventana est, à ce titre, un exemple à suivre : le groupe béarnais voit son activité et ses effectifs (450 salariés fin 2014) exploser.

"Concernant le Rafale, les principaux sous-traitants sont bien identifiés et les positions sont assez prises, éclaire Alexandre Le Camus. Il n'est pas certain que ces contrats ouvrent beaucoup de portes à de nouveaux acteurs. Mais il est vrai que certains pourraient en profiter pour se renforcer, comme Stelia, Aquitaine Electronique... En Aquitaine, le tissu se structure. Par exemple, Nexteam Group (ex-Asquini Sofop), le groupe Lisi et d'autres encore sont dirigés par de jeunes chefs d'entreprise dont la stratégie est claire et passe souvent par de la croissance externe. Le programme Rafale va conforter les entreprises qui y sont déjà engagées."

3- Former la main d'œuvre

Durant ses années de vaches maigres à l'export, Dassault Aviation a néanmoins réussi à préserver ses compétences en interne. Mais qui dit embauches, dit futurs salariés à former rapidement. Alexandre Le Camus et l'UIMM gardent la même prudence :

"Tant que les incertitudes ne sont pas levées, c'est encore tôt pour parler de besoins. Mais dans tous les cas des capacités de formation sont présentes en Aquitaine. Les compétences recherchées porteront surtout sur de l'ajustage, du montage, de la chaudronnerie, des systèmes embarqués et du câblage plus que sur de la maintenance."

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Commentaires 4
à écrit le 12/10/2015 à 11:16
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il faut signaler que les contraintes importantes de coûts et de délais imposées par les donneurs d’ordre conduisent parfois à négliger chez les sous-traitants les problématiques de sécurité et santé au travail : La prévention des risques professionne...

à écrit le 14/04/2015 à 22:03
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"le contrat industriel avec l'Inde n'a pas été signé. " Mais tous les médias ont déjà vendu les avions !!! Cherchez l'erreur.

à écrit le 14/04/2015 à 21:58
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Il faudrait qu'on nous explique ce que signifie la phrase du president indous '''pret à voler '''comme si d'ordinaire un avion n'était pas pret à voler et qu'on soit obligé de le signaler !Ne se resse ce pas l'achat d'avions d'occasion aux armées fra...

à écrit le 14/04/2015 à 17:12
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Votre article est excellent et démontre bien le besoin de sous traitance, encore faut il que les portes pour des sociétés nouvelles s'ouvrent. La région, le département, et les organismes doivent aider les petites structures à se faire connaître en ...

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