Eric Léandri (Qwant), défenseur d'une Europe des startups conquérante

Dans son style caractéristique, bousculant et brut de décoffrage, Eric Léandri s'est livré à Bordeaux le 5 décembre, sur la scène du French Tech Day, à un vibrant plaidoyer pour l'Europe du numérique. Le fondateur français de Qwant, moteur de recherche à la gestion des données personnelles diamétralement opposée à celle de Google, a par ailleurs fustigé l'exigence de rentabilité immédiate que l'on a tendance, en France, à demander aux entreprises en hypercroissance.
Eric Léandri (Qwant) lors du French Tech Day 2018
Eric Léandri (Qwant) lors du French Tech Day 2018 (Crédits : Agence Appa)

Demandez à Eric Léandri combien son bébé Qwant enregistre de requêtes, il vous répondra en "jours Google". Une vraie curiosité tant le dirigeant prendra soin de prononcer le moins possible le nom de son concurrent américain lors de l'entretien qu'il aura consacré à plusieurs médias bordelais, à quelques minutes de monter sur scène lors du French Tech Day du 5 décembre. Un air de "Celui-dont-ne-doit-pas-prononcer-le-nom" - les lecteurs d'Harry Potter comprendront - qui pourrait paraître surprenant tant Qwant se construit par opposition, ou en alternative selon son dirigeant, au mastodonte californien.

Donc, le moteur de recherche Qwant devrait enregistrer entre 15 et 18 milliards de requêtes en 2018, soit "environ 6 jours Google. On devrait finir l'année à 100 millions de visiteurs uniques, avec une croissance de + 20 % par mois, et un chiffre d'affaires qui augmente ces temps-ci de 15 % par mois", précise Eric Léandri. Comment juge-t-il l'air du temps pour les méga-plateformes américaines ? "Je trouve que ça tangue beaucoup pour elles. Certaines ont enregistré des pertes monstres. Après Cambridge Analytica, j'entends de plus en plus de plaintes qui commencent à arriver."

Des développements tous azimuts

Au point d'imaginer une porte enfin ouverte pour la concurrence ? Plutôt une chatière, alors. Contrariée d'avoir été condamnée, pour abus de position dominante, à une amende de 4,3 milliards d'euros, Google a menacé de rendre son système d'exploitation Android, qui fait fonctionner la grande majorité des smartphones, payant. Plus précisément, les constructeurs de smartphones devront maintenant payer une licence fluctuant entre 10 et 40 dollars pour pouvoir installer par défaut le magasin d'applications mobiles Google Play Store et les applications Google sur leurs périphériques.

"Même en Russie, en Corée du Sud... Google ne procède pas ainsi et Android est gratuit", tonne Eric Léandri, dénonçant le comportement de bulldozer de la firme californienne qui chercherait à tuer toute concurrence. Le patron français veut aussi montrer que Qwant est tout sauf immobile avec le développement de services tous azimuts : "Qwant Junior a un super accueil, Qwant Maps est en test actuellement, on finalise par ailleurs des accords avec des banques, pour Qwant Mail je donnerai une date de sortie avant Noël mais le service doit sortir dans le courant du 1er trimestre 2019." Une incursion dans le domaine de la santé est aussi programmée.

Donner le choix

Quid de l'implication de l'entreprise française dans l'automobile connectée ? Eric Léandri avait claqué la porte du dernier Salon de l'auto à Paris, furieux que l'Alliance Renault - Nissan annonce la signature d'un partenariat avec Google dans ce sens.

"Dans un véhicule Renault, vous avez deux puces, la première est gérée par l'Alliance et touche au comportement du véhicule, les servo-freins par exemple. La seconde est dédiée à l'infotainment et c'est celle-là qui est concernée par un accord avec Google. Ce qui veut dire que demain, le passager du véhicule écoutera la pub choisie par Google, c'est toujours Google qui récupèrera toutes ses données. Où il va, ce qu'il veut écouter en voiture, etc. Je dis juste aux constructeurs : comment pouvez-vous ne pas donner le choix aux acquéreurs de véhicule ? » S'il ne veut pas trop en dire, Eric Léandri consent à lâcher qu'un partenariat avec Toyota devrait être prochainement annoncé. « Quand on pense que Tesla, qui est en face de Google, se met à Linux ! Comme si nous Européens, nous ne savions pas utiliser des systèmes alternatifs !"

Le patron de Qwant (160 salariés) ne baisse pas les bras pour autant. Au contraire, il appelle à "l'établissement d'une vision européenne. On doit avoir 100 startups valorisées à 1 milliard en Europe." Mais il avertit :

"Le problème en Europe est qu'on veut des scale-ups, des entreprises en hypercroissance, et de la rentabilité immédiate en même temps ! Qu'on regarde ce qui se passe ailleurs : Uber n'est toujours pas rentable, pas plus que Twitter et beaucoup d'autres. Etre en hypercroissance, c'est aussi engloutir beaucoup d'argent, dans des serveurs en ce qui nous concerne. C'est le prix à payer pour devenir plus grand et plus fort. Croire qu'on peut créer des licornes européennes sans en passer par là, c'est ne pas comprendre ce que scaler veut dire. Si l'on voulait, on pourrait devenir une PME ou une ETI. On a fait la preuve de marché, si on ne regarde que la France et l'Allemagne on est rentable. Mais ce n'est pas notre idée, on a fait le choix de se projeter dans 166 pays."

Côté soutien des pouvoirs publics, "il y a beaucoup de choses à inventer, certifie le dirigeant de Qwant. On peut imaginer plein de trucs intéressants, vers de la garantie plus que vers du cash injecté, d'ailleurs. Et il existe des milliards d'euros qui dorment dans l'assurance ou l'immobilier et qui pourraient être fléchés vers les startups."

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Présent dans plusieurs villes françaises, Qwant pourrait-il ouvrir un bureau à Bordeaux ? Eric Léandri cultive le mystère : "Tout peut aller vite ou lentement. Rien n'est acté. Mais les compétences locales en matière d'images 3D peuvent avoir du sens pour nous."

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Commentaires 3
à écrit le 15/12/2018 à 18:22
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En qualité d'ex-entrepreneur (désormais en retraite) j'ai eu a lutter contre un monopole dans ma profession - et j'ai gagné - pour vous le concurrent c'est Goliath ! Alors Mr Léandri, chapeau ! Surtout foncez en gardant la tête froide ! J'ai télécha...

à écrit le 12/12/2018 à 9:17
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"défenseur d'une Europe des startups conquérante" Comment voulez vous faire sérieux avec un vocabulaire aussi spectaculaire ? Moins de forme et plus de fond svp, voilà ce dont manque cruellement notre union européenne, de densité, de crédibil...

le 12/12/2018 à 12:45
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Ce qui est bien avec vous c'est que quel que soit le sujet de l'article vous finissez toujours par le même commentaire ! J'espère que vous êtes bien payé pour cette propagande incessante car à la longue ça doit être vraiment pénible comme travail...

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