Patrimoine : Socra, conservateur du passé, inquiet pour son avenir

Mise en lumière à l’occasion du lifting de la statue emblématique de l’archange Saint-Michel, la société Socra (Marsac-sur-l’Isle, près de Périgueux) est un des acteurs français majeurs de la conservation et restauration d’œuvres d’art. Un acteur qui travaille au maintien du passé mais qui s’inquiète pour son avenir. Explications.
C'est dans l'atelier ultra sécurisé de Marsac-sur-l'Isle que l'archange du Mont Saint-Michel s'est posé pour se refaire une beauté auprès de l'atelier Socra.

Les images étaient impressionnantes. Le 15 mars dernier, un hélicoptère a fait décoller les 800 kg de la statue "paratonnerre" de l'archange Saint-Michel qui culminait en haut des 156 m du Mont Saint-Michel. Un "vol" immortalisé par toutes les chaînes de télévision de France, relayé un peu partout dans le monde et qui a finalement, quelques heures plus tard, atterri dans les ateliers de la société Socra, près de Périgueux (Dordogne).
Cette société spécialisée dans la rénovation d'œuvres d'art, fait partie des deux ou trois sociétés françaises du secteur dont la réputation leur permet de rayonner à travers le monde.
Créée en 1963, la Socra est connue pour avoir, notamment, rénové le Lion de Belfort, être intervenue aux Grand Palais à Paris et à Bordeaux où les trois grâces ont retrouvé leur standing et leur fontaine de la place de la Bourse grâce à cette société implantée à Marsac-sur-l'Isle et à Paris qui compte 25 salariés.  
Le chantier de la statue de l'archange Saint-Michel remet une nouvelle fois sous la lumière des projecteurs cet atelier piloté par Patrick Palem, mais sa réputation n'a pas eu besoin de cette intervention pour franchir les frontières de l'Hexagone.

Les interventions en Algérie, Serbie, Ouzbékistan...

"Le chantier de la statue fait beaucoup parler, c'est  normal car c'est une partie très emblématique de notre patrimoine et de l'image du Mont-Saint-Michel, mais cela reste un petit chantier pour nous. Un traitement de surface uniquement pour redonner une bonne trentaine d'année de résistance aux éléments à une statue qui, au-delà de la perte de son revêtement, n'a pas souffert", explique Patrick Palem. "Nous avons, aujourd'hui, les moyens techniques et technologiques et les traitements de surface qui lui permettront de reprendre sa place et de dominer le Mont-Saint-Michel pendant au moins trente ans sans redécoller vers un atelier."

Deux mois de lifting pour un chantier de 30.000 euros remporté par Socra qui, il y a une quinzaine d'année, a effectué un choix stratégique qui s'avère payant.

"Nous avons décidé de mettre en avant, lors de nos réponses aux appels d'offre, notre philosophie et celle de nos compagnons : mettre toujours en avant la conservation de l'existant", explique Patrick Palem.

Un choix qui relève du bon sens mais qui ne s'imposait pas toujours à l'époque. Aujourd'hui il permet à Socra de bénéficier d'un bon positionnement qualité/prix qui fait la différence à un moment où l'avenir est de plus en plus incertain pour le secteur qui est le sien.

Le budget des monuments historiques = - 50% en 15 ans

"Il y a quinze ans, le budget annuel des monuments historiques s'élevait à 500 M€. Aujourd'hui il plafonne à 250 M€... forcément, ce n'est pas sans conséquence sur notre secteur d'activité. Pourtant, s'il y a bien un secteur qui rapporte, en visibilité et en argent c'est bien la conservation du patrimoine. Le retour sur investissement est colossal au regard de la fréquentation touristique des monuments entretenus, réhabilité ou reconstruits" assure Patrick Palem tout en lâchant "J'ai toujours du mal à voir que l'on consacre 2 M€ à faire un rond point alors que l'on débloque 200.000 euros pour une église."

Pour Socra, qui réalise 3,5 M€ de chiffre d'affaires annuel, la tension sur les budgets des monuments historiques n'est pas seulement une question d'argent.

"L'entreprise sait s'adapter aux contraintes budgétaires, même si elle souhaiterait plus de constance et une meilleur visibilité à ce sujet. Aujourd'hui les contraintes administratives s'ajoutent à cela. Je passe 80 % de mon temps à remplir des dossiers et 20 % à travailler sur l'œuvre... mais ce qui m'inquiète le plus concerne les ressources humaines. En réduisant la voilure pour s'adapter à ces contraintes, nous perdons des savoir-faire qu'il est difficile de former."

Le geste, chef-d'œuvre en péril ?

Et le dirigeant de pointer du doigt ce qu'il juge être une faiblesse pour l'avenir de la filière. "Les écoles de restauration ont trop formalisé les cursus. Elles se concentrent plus sur la connaissance, historique, scientifique... et pas assez sur le geste. Le théorique, la culture, c'est très important, je ne le nie pas, au contraire, mais nos formations sont aujourd'hui trop théoriques, pas assez pratiques ! La tête, sans la main, dans notre métier, cela ne marche pas !", assure Patrick Palem qui pense que 2016 sera néanmoins pour Socra une année de recrutements.

"Mais j'attends d'avoir un peu plus de visibilité sur le plan économique pour parler vraiment du nombre de postes" tempère-t-il.

Quoi qu'il en soit, les collaborateurs de Socra sortent surtout d'écoles d'ingénieur ou sont des compagnons du devoir, le dirigeant ne s'interdit pas de recruter des profils atypiques, des gens en reconversion. "Les passages dans les médias nous offre une visibilité qui nous attire des candidats arrivant de tous horizons. Si je sens que c'est la passion qui les anime il m'arrive de leur donner leur chance. Nous faisons un métier magnifique mais dur parfois, la passion doit obligatoirement être au rendez-vous."

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Commentaire 1
à écrit le 21/03/2016 à 20:05
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la statue de saint martin de tours a coté de celle de saint Michel archange 2 lieux très importants dans l histoire de la France réunies en un même lieu c est un signe plutôt positif pour cette entreprise qui ne peut que profiter des grasses que ce...

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