"Innover, créer, c'est survivre" (Dominique Broustau, TeamResa)

TeamResa vient de remporter un appel d'offres pour la prochaine Coupe du monde féminine FIFA de football, qui aura lieu en France du 7 juin au 7 juillet. Son directeur général Dominique Broustau revient dans cette interview sur le développement de l'entreprise basée à Pessac en Gironde, son rapport à l'innovation mais aussi sur les complexes et les preuves de résilience que peuvent présenter les PME du digital à l'heure des startups érigées en modèles.
Dominique Broustau, directeur général de TeamResa
Dominique Broustau, directeur général de TeamResa (Crédits : Agence Appa)

Comment se positionne aujourd'hui TeamResa ?

Dominique Broustau : Nous fêterons les 17 ans de TeamResa le 27 février prochain. Pour une société dans le digital, c'est une longévité certaine ! (sourire) L'entreprise compte une dizaine de collaborateurs permanents, dont la majorité sont là depuis les premières années, et s'appuie sur un réseau d'une trentaine de partenaires. La taille de la société est réduite, c'est certain et c'est sans doute liée à la taille de notre marché et à notre façon de fonctionner. On cultive l'esprit startup mais aussi une approche très conservatrice du développement, de la relation client... TeamResa offre des prestations en mode SAAS (accessibles en ligne, NDLR) via une plateforme digitale de gestion d'événements ouverts à des publics internes ou externes. Nous travaillons pour des entreprises, des collectivités locales, des pôles de compétitivité, des organisations... Un de nos clients est par exemple l'Union des Grands Crus de Bordeaux. Lors de la Semaine des Primeurs, près de 300 forces invitantes font venir 7.000 acheteurs du monde entier. La plateforme que nous leur fournissons leur permet de gérer les invitations, les inscriptions, le suivi...

TeamResa travaille sur des événements corporate, des salons, des business meeting... Au total, en 17 ans, on s'approche des 6.000 plateformes créées pour nos clients. Parmi eux, on trouve Nissan Europe que l'on accompagne pour la gestion des relations avec la presse pendant les salons internationaux, Atol pour ses événements nationaux..., on a travaillé au Mexique, au Qatar, en Afrique, en Asie... Progressivement, nous avons étendu notre champ d'action jusqu'au contrôle d'accès aux événements, par exemple avec des applications mobiles qui scannent les invitations et génèrent des données en temps réel.

L'entreprise a un pied dans l'événementiel mais aussi dans le CRM, les outils de gestion de la relation client...

Tout est parti d'un client qui nous a expliqué qu'il voulait garder la base clients générée à l'occasion d'un de ses événements pour gérer ses adhérents. On s'est rendu compte que l'on faisait du CRM éphémère, mais qu'effectivement rien n'empêchait d'utiliser ces outils de façon plus pérenne. Nous avons donc développé cette activité sous la marque Keetoa. L'expérience dans l'événementiel nous a appris à produire très vite des plateformes collaboratives très complexes, si bien qu'on est capable en quelques jours de créer un CRM sur-mesure pour une association, une PME ou une ETI.

Basculer vers une position d'éditeurs de logiciel CRM

Pourquoi le Comité d'organisation de la Coupe du monde féminine FIFA 2019, qui aura lieu cet été en France, vous a-t-il choisi comme prestataire ?

Nous avons déjà eu l'occasion de travailler à deux reprises pour la FIFA, notamment sur la Coupe du Monde Féminine U-20 de la FIFA qui a eu lieu en 2018 en Bretagne. Cette fois, nous avons remporté l'appel d'offres pour toute la gestion digitale du protocole d'invitations VIP des 52 matches de la Coupe du monde féminine FIFA, avec une plateforme digitale de gestion très complexe car elle associe de multiples puissances invitantes. La compétition aura lieu en juin et juillet prochains en France. Ce n'est donc pas notre première collaboration ensemble, et nous avons prouvé précédemment la robustesse de nos solutions en gagnant par exemple la gestion des invitations internes et externes du groupe SNCF lors de l'Euro 2016 de football.

Plus globalement, notre axe de différenciation par rapport aux leaders du logiciel, est notre capacité de personnalisation de plateformes complexes pouvant gérer de multiples niveaux de priorisation, de quotas... Cette agilité a été acquise au contact du secteur de l'événementiel grâce à une volonté de ne pas se contenter de fournir des prestations de services, mais de partir de cas particuliers pour réfléchir à la façon dont on pouvait industrialiser en tordant notre modèle pour s'adapter... sans le casser.

Quel est maintenant l'enjeu dans le développement de TeamResa ?

Si l'on regarde au plan régional, les éditeurs de CRM ne sont finalement pas nombreux. Notre outil est très versatile, capable à la fois de gérer un événement mais aussi d'être un CRM de long terme pour une PME ou une ETI. Aujourd'hui, nous sommes principalement dans une logique de réponse à une commande éphémère. Demain, l'objectif est d'arriver à se positionner comme un éditeur de CRM, d'aller vers une logique d'exploitation plus industrielle de la plateforme et de déployer des partenariats industriels avec des intégrateurs, des distributeurs de logiciels métier, des cabinets de conseil en transformation numérique... qui proposeraient notre solution SAAS à leurs clients. Cette bascule permettrait de générer du chiffre d'affaires récurrent, de transformer Keetoa en une véritable business unit, et probablement de générer quelques dizaines d'emplois.

"Dans le digital, la relation au risque est permanente"

A l'heure de la Startup nation voulue par Emmanuel Macron et d'un "startup-centrisme" où ces dernières sont promues comme les maîtres de l'innovation, comment une PME innovante peut-elle se distinguer ?

Je souffre, même si ce n'est sans doute pas le bon mot, du regard surplombant que peuvent avoir des clients potentiels lorsque je présente les solutions de TeamResa. J'arrive sans ma casquette de startupper mais avec mes 55 ans et ma PME de 10 personnes autofinancée depuis le début. Il faudrait presque que je cache qu'elle a bientôt 17 ans. La pérennité, la solidité et l'intégrité des solutions proposées pèsent parfois trop peu. C'est oublier aussi que dans nos métiers du digital, on est obligé de tout réinventer en permanence, tant la technologie et l'environnement changent tout le temps. Dans le digital, la relation au risque est permanente. Pour une PME de ce secteur, créer, innover, c'est résister. Ce n'est pas parce qu'on est une PME et donc que l'on est hors du stéréotype de la startup qu'on est institutionnalisé et incapable d'innover. Mais personnellement, c'est un vrai complexe à surmonter : comment faire valoir cette capacité à être à la fois innovant, fiable et pérenne, sans être considéré comme un ancien combattant ?

Le tissu français regorge de petites PME qui n'en sont pas moins des pépites capables de créer chacune des dizaines d'emplois, sous réserve qu'elles passent un cap. Comment les aider ?

J'ai découvert un fonds d'investissement nommé Impact Partenaires dont les porteurs sont des entreprises du CAC 40. Il investit en haut de bilan dans des startups et des PME localisées dans des territoires sensibles, en les aidant à la fois à embaucher et former des publics dits sensibles eux aussi, et en les aidant à rencontrer les acheteurs de ces mêmes grands groupes. TeamResa fournit à cette structure ses solutions pour l'organisation de job meetings ou pour ses tournées d'acheteurs. La démarche est à mon sens très bonne. Pour des PME telles que la nôtre, l'enjeu est d'avoir les contacts avec des décideurs, des ETI par exemple, dont il n'est pas simple d'attirer l'attention. Il  suffirait de peu de choses, de regrouper des petites PME expérimentées et de générer des relations avec des dirigeants d'ETI, voire de grands groupes qui pourraient aider ces sociétés, donner un minimum de temps et les prendre sous leurs ailes, ouvrir leurs carnets d'adresses... Je suis persuadé que l'effet pourrait être très fort.

Vous vous êtes engagé dans une logique de télétravail pas forcément aisée pour une PME de 10 salariés. Comment gérez-vous ce sujet ?

J'ai effectivement un associé responsable R&D qui est parti vivre à Francfort il y a quelques années, notre directeur technique vit et travaille depuis Montpellier, d'autres sont en télétravail installés autour du bassin d'Arcachon. Cela nous oblige à être rigoureux et à bâtir des process solides, mais on gagne du temps ainsi et on évite de se priver de compétences pour des questions de géographie et de souhaits personnels. Régulièrement, nous organisons de vrais moments de convivialité en interne pour contribuer à souder l'équipe.

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