"Trop de professionnels du web travaillent comme des amateurs"

Basée à Cenon près de Bordeaux, Opquast travaille sur la qualité des projets web. Un sujet très peu exploré qui est pourtant source de coûts importants très peu identifiés par les entreprises.
Elie Sloïm, fondateur d'Opquast
Elie Sloïm, fondateur d'Opquast (Crédits : Franck Paul)

"Moyen en tout depuis 20 ans." Pas sûr que le slogan/blague d'Elie Sloïm pour décrire son approche professionnelle fonctionne vraiment sur une carte de visite. Le fondateur de la société Opquast en sourit avant de se corriger : "Disons plutôt : un peu bon en tout." Il reste que la vanne a du sens. Elie Sloïm, expert de la qualité du web, défend un angle résolument transversal, peut-être hérité de son grand-père médecin généraliste. Son postulat : chaque projet web associe différents métiers qui n'ont ni la même culture, ni le même socle de compétences. Pire, ils ne parlent souvent pas la même langue, chacun étant expert de son sujet mais assez ignorant de ce qui gravite autour.

Opquast a donc bâti un modèle VPTCS (visibilité, perception, technique, contenus et services) qui formalise les exigences minimales que devrait maîtriser tout professionnel du web, quel qu'il soit. Rien de très poussé, juste des bases diversifiées pour être "suffisamment bon en tout", donc, formalisées par une formation certifiante reconnue par l'Inventaire national, éligible au compte personnel de formation et s'adressant à tous les professionnels du web travaillant chez les prestataires comme chez les annonceurs. Le candidat a trois mois pour préparer son examen sur la plateforme en ligne d'Opquast. La certification est désormais déployée dans 70 établissements d'enseignement supérieur. Une trentaine d'agences et prestataires informatiques ainsi que des annonceurs y ont également recours.

"Nous avons d'abord travaillé sur l'évaluation et l'audit de sites internet, explique Elie Sloïm. Ce qui nous a amené à l'idée de créer une certification qui reprend les fondamentaux transverses attendus dans les projets web, sur le modèle du TOEIC [test of English for international communication]. Le web s'industrialise. Trop souvent, dans ce type de projet, chacun travaille dans son silo. Le développeur, l'administrateur système, le responsable sécurité, l'UX designer, le webmarketeur, le graphiste... Chacun de la quinzaine de spécialistes pouvant intervenir maîtrise son propre sujet mais ne connait pas les problématiques des autres, voire ne connait pas leur langage professionnel. Et pourtant, ce petit monde doit impérativement interagir pour que le projet réussisse."

"L'utilisateur moyen n'existe pas"

Auteur du livre "Qualité web : la référence des professionnels du web" aux éditions Eyrolles, Elie Sloïm soulève un sujet important :

"Tout le monde fait du web pour un utilisateur moyen. Or, l'utilisateur moyen n'existe pas. Le web, c'est une multitude de contextes et ceux qui participent à ce type de projets doivent avoir de l'empathie et de la compréhension pour ce qui se passe dans la vie réelle. Combien de sites superbes ne fonctionnent plus quand la connexion n'est pas optimale, dans le métro par exemple ? Le web s'industrialise et on continue à avoir trop de professionnels qui travaillent comme des amateurs, sans socle de compétences de base, sans avoir une connaissance minimale de ce qui se passe de l'autre côté de l'écran : référencement, mobilité, accessibilité, performance, etc. Avant de réussir à faire le meilleure forêt noire du monde, un pâtissier suit un cursus de base. Avant d'être cardiologue, un médecin suit un cursus de base. C'est comme ça, c'est logique, inéluctable."

"Le coût de la non-qualité est énorme et sous-estimé"

La certification d'Opquast est donc un moyen de dégager une culture commune, de construire un socle qui met en évidence les rôles et problématiques de chacun, en étant toujours tourné vers les attentes de l'utilisateur final :

"Même si ce socle n'est pas suffisant en soi, tempère Elie Sloïm. C'est un peu le Code de la route... Dans l'industrie, chaque entreprise a un référent qualité dans son personnel. Combien de sociétés œuvrant dans le numérique peuvent dire la même chose ? Même si ce n'est pas le sujet le plus fun, j'en conviens. C'est aussi le signe que le secteur du web manque encore de maturité. Et pourtant, le coût de la non-qualité est énorme et très sous-estimé : non-ventes pour un site d'e-commerce par exemple, mauvaise réponse à l'internaute qui pose une question, bugs, retards, risques de déréférencement... La difficulté étant que ces coûts sont difficilement identifiables voire carrément invisibles. Dans l'industrie, les problèmes liés à la non-qualité représentaient 10 à 30 % du PIB français selon des estimations parues dans les années 80 et 90. Sur le web, personne ne s'en rend compte. Le problème pourrait même s'accentuer pour tous ceux qui vont se lancer sur des chantiers de transformation numérique autour de la commande vocale par exemple, sans se poser ces questions."

Lire aussi : Transformation numérique : comment manager (avec succès) la technologie ?

Pas question pour Opquast de blâmer qui que ce soit, d'autant que la technicité des projets web se complexifie avec le temps, nécessitant des expertises très pointues. Il reste que les lignes bougent progressivement. "Les agences web ont suivi sur le sujet assez tôt, les entreprises de services du numérique (le nouveau nom des SSII, NDLR) s'y mettent depuis 3 ou 4 ans", confirme Elie Sloïm. Le dirigeant d'Opquast pointe aussi qu'au-delà des technologies employées, la réussite passe avant tout "par le contenu et les services. C'est ce qui déclenche la visite d'un utilisateur. Les acheteurs de sites doivent arrêter de se défausser de cette question des contenus et des services auprès de leurs prestataires. Lorsque l'on achète un site web, c'est une armoire vide qu'il appartient à l'entreprise de remplir. Mais les choses progressent et les entreprises commencent à prendre en main ce sujet, notamment à travers les chantiers de transformation digitale et les approches UX [expérience utilisateur]."

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