Vincent Feltesse : "L'agglomération bordelaise est en surchauffe"

La métropole millionnaire, une fausse bonne idée ? L'ancien patron de la CUB et fervent artisan de ce projet, Vincent Feltesse, salue le travail réalisé à Bordeaux ces 20 dernières années notamment sur les gros équipements. Il reconnaît cependant "qu'aujourd'hui ce projet fait plutôt peur à tout le monde" et plaide donc pour privilégier les équilibres de proximité. L'ébauche d'un programme pour les prochaines municipales ? "Le jeu politique viendra plus tard", élude l'ancien conseiller de François Hollande.
Vincent Feltesse, ici lors de la dernière campagne des élections municipales à Bordeaux

A l'occasion de la présentation de son livre bilan de ses trois ans à l'Elysée auprès de François Hollande - "Et si tout s'était passé autrement" (Plon, 432 pages) - Vincent Feltesse s'est exprimé au Club de la presse de Bordeaux sur les enjeux politiques et économiques de la métropole. L'ancien maire de Blanquefort (2001-2012), président de la CUB (2007-2014), député de la Gironde (2012-2014) et conseiller à l'Elysée (2014-2017) occupe encore aujourd'hui trois mandats locaux (conseiller municipal, métropolitain et régional) sous l'étiquette PS. C'est fort de cet ancrage local qu'il s'exprime sur les dossiers qui traversent aujourd'hui la construction métropolitaine : immobilier, circulation, équipements, qualités de vie... et élections municipales. Morceaux choisis.

Quel regard portez-vous sur la construction métropolitaine ces dernières années ?

VF - "Il a fallu construire et affirmer le fait métropolitain. La métropole s'est concentrée sur les grands équipements : tramway, nouveau stade, deux nouveaux ponts, Arena, Cité du vin, quartier Euratlantique et LGV, élargissement de la rocade, etc. On avait besoin de se mettre à niveau et désormais c'est fait. Je crois qu'il faut maintenant un retour à la proximité. La métropole doit mettre le paquet sur les écoles et les piscines. Il faut un audit financier au niveau métropolitain pour discuter de tout cela."

Les élus locaux ont-ils suffisamment anticipé les difficultés actuelles sur le logement et la circulation ?

VF - "Nous sommes aujourd'hui l'agglomération la plus attractive de France ! Arrêtons de nous auto-flageller, le travail mené depuis 20 ans est énorme. Je crois qu'à Bordeaux, Blanquefort, Mérignac ou dans les communes de la rive droite, on vit plutôt mieux aujourd'hui. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de difficultés mais il ne faut pas nier tout ce qui a été fait ! Maintenant, c'est vrai aussi qu'il y a deux problèmes majeurs : le logement et la mobilité.

Sur le logement, nous avions une convergence de point de vue avec Alain Juppé sur la nécessité de construire davantage, d'où l'opération 50.000 logements. Mais nous avons eu aussi des désaccords notamment sur l'établissement public foncier pour éviter la flambée des prix. Cette structure est désormais sur les rails mais on a perdu du temps. Autre désaccord : la part de logements locatifs sociaux qui n'a pas suffisamment progressé, passant de 15 % en 1995 à 16,5 % en 2015."

Quelles solutions apporter aux importants problèmes de mobilités ?

VF - "La métropole doit arrêter de consacrer la moitié de son budget à la mobilité ! Ce n'est pas en construisant toujours plus d'infrastructures que l'on règlera les problèmes de circulation. Il n'y a pas de solution unique mais des réponses multiples : il faut développer le télétravail et les horaires décalés, réfléchir activement à une écotaxe régionale sur les poids-lourds en transit, évaluer l'impact d'un péage urbain, utiliser les bandes d'arrêt d'urgence sur la rocade aux heures de pointe, tracer davantage de pistes cyclables, etc. Je suis convaincu que sur ces questions, comme sur toutes les problématiques environnementales, les élus, et en particulier les maires, doivent assumer une part d'impopularité à court terme pour privilégier le long terme.

Sur le trafic routier, il faut avancer avec une gouvernance adaptée et impliquée. Sans attendre un syndicat mixte des transports métropolitain ou régional, on pourrait imaginer de réunir la métropole, la région, le département, la CCI et la préfecture au plus haut niveau toutes les six semaines pour avancer concrètement."

La métropole millionnaire, que vous avez activement portée, était-elle une fausse-bonne idée ?

VF - "Les faits sont là : la Gironde attire chaque année entre 15.000 et 20.000 nouveaux habitants. Je considère qu'il est de notre responsabilité collective de les accueillir dans la métropole pour éviter des coûts sociaux et environnementaux très importants ! C'est aussi une volonté de développer et de mettre en avant cette construction métropolitaine. Mais j'ai toujours été attentif aux questions d'équilibres à tous les niveaux : logement, espaces verts, équipements, etc. Aujourd'hui, la métropole millionnaire fait plutôt peur à tout le monde, sauf aux entreprises qui veulent s'y implanter ! Mais je trouve un peu inquiétants les discours de certains élus sur l'arrêt de la construction de logements.

Je crois que désormais l'enjeu n'est plus d'atteindre un million d'habitants, parce que nous y sommes déjà en considérant l'aire urbaine bordelaise. L'enjeu est d'articuler correctement la métropole avec le reste du département, d'élaborer des contrats habitat/mobilité avec Libourne, Castelnau-du-Médoc, La Réole, etc. Le développement métropolitain n'est pas un aspirateur de richesse, il bénéficie aussi aux territoires voisins."

Faut-il fusionner la métropole et le département, comme à Lyon ?

VF - "C'est une vraie question qui va se poser dans les années qui viennent. Je n'ai pas d'avis arrêté mais intuitivement j'y suis plutôt favorable. Je crois qu'il faut creuser sérieusement la question."

Préparez-vous les élections municipales de 2020 et avec qui ?

VF - "La question aujourd'hui n'est pas celle de l'étiquette politique mais du projet que l'on veut pour Bordeaux dans les années qui viennent. C'est la seule question importante et Alain Juppé veut d'ailleurs s'en saisir avec l'annonce d'une grande consultation publique l'an prochain. Il faut se positionner sur toute une série de problématiques : la création d'un syndicat mixte des transports ; le grand contournement autoroutier ; l'immobilier ; la propreté ; les espaces verts ; les relations financières entre la métropole et les communes ; l'articulation de l'agglomération avec les autres villes du département, etc. L'agglomération bordelaise est aujourd'hui en surchauffe. Il faut trouver des réponses. Les jeux politiques viendront plus tard.

C'est précisément pour cela que j'ai créé l'association "Bordeaux métropole des quartiers" il y a deux ans pour faire remonter de nouvelles idées. Je peux rassembler 200 personnes à une soirée pour échanger sur ces sujets. J'aimerais savoir si le PS ou les Ecologistes peuvent en faire autant..."

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 07/12/2017 à 10:04
Signaler
Bordeaux va se retrouver sous peu congestionnee. Les pb de Paris deplaces en province. Fallait le faire, ils sont en train de reussir a le concretiser.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.