Aéroport de Bordeaux : stratégie d'un décollage réussi

5,759 millions de passagers en 2016, une croissance record de 8,9 %, 470.000 passagers gagnés en un an, 67 M€ de chiffre d’affaires et plus de 10 % de résultat net, un endettement très faible. Gros plan sur la stratégie gagnante de l'aéroport de Bordeaux.
Littéralement incarnée par le terminal Billi, le moins cher de France, la politique bas coût de l'aéroport Bordeaux ne se cantonne pas seulement aux compagnies low cost. C'est sans doute un des secrets de son succès depuis 10 ans.

Adoptée en 2010, par la direction de l'aéroport de Bordeaux, la stratégie de bas coût aéroportuaire, qui a surtout été soulignée, médiatiquement à l'époque, par l'ouverture du terminal Billi dédié aux compagnies low-cost, mais qui a été appliquée à toutes les compagnies souhaitant ouvrir des lignes à Bordeaux, s'est avérée particulièrement payante. Elle explique pour beaucoup les performances chiffrées et les records de fréquentation enregistrés par l'infrastructure.
En sept ans, l'aéroport situé à Mérignac a vu son trafic passager bondir de +73 % ce qui en fait un des plus dynamiques de France.
Bien sûr la performance est à mettre à l'actif d'une offre de plus en plus dense de destinations attractives proposées par l'aéroport. Au plus fort de la saison estivale 2016, 101 destinations ont été proposées par 28 compagnies aériennes.
Le mérite en revient notamment à l'intérêt des compagnies aériennes pour un coût passager plancher, le plus bas des aéroports de province, annoncé à 15,1 euros/passager. Il est plus bas que celui de Toulouse (16 €), ou encore Marseille (17 €) et beaucoup plus bas que celui pratiqué par Lyon (21,20 €).

Une stratégie "low cost" pour toutes les compagnies

"Il y a 10 ans, nous avons fait le choix d'une politique tarifaire attractive", explique Pascal Personne, président du directoire de la SA Aéroport de Bordeaux-Mérignac. "Nous avons aussi choisi de l'appliquer à toutes les compagnies, régulières comme les low cost, ce qui représente un avantage concurrentiel de poids pour chacun des acteurs du secteur, quel que soit son modèle économique", souligne Pascal Personne.

Un choix que n'ont pas adopté certains aéroports français, qui ont vu leur politique tarifaire "à la carte" privilégiant les acteurs du low-cost déboucher par des contentieux juridiques avec les compagnies régulières. A Bordeaux, contrairement à d'autres aéroports, comme celui de Marseille, Air France n'a pas contesté, et donc validé le modèle choisi d'une l'application d'un tarif bas pour tous les acteurs.
Mais pour s'imposer en France comme un des aéroports aux coûts les plus bas pour les compagnies, sa direction a dû forcément pratiquer une politique d'achat rigoureuse.
Sinon comment expliquer, sans que cela déroge aux normes imposées par le secteur aéronautique, un coût de la sûreté/sécurité qui, avec 7 euros par passager, est un des plus faibles de France ?
Idem pour la redevance aéronautique qui, sur l'aérogare low cost Billi, plafonne à 3,3 euros par passager et constitue, elle aussi, une, sinon la plus faible de France ? Cette rigueur s'était déjà illustrée il y a dix ans, quand au moment de la construction du terminal low cost l'investissement s'était déjà limité à 5,5 M€... pour 4.000 m2 d'une construction neuve.

"Notre compétitivité en matière de coûts par passager imposés aux compagnies aérienne est non seulement un élément différenciant majeur par rapport à la concurrence des autres aéroports", souligne Geneviève Chaux Debry, présidente du conseil de surveillance de la SA Aéroport Bordeaux-Mérignac, "mais aussi constitue, de par le décalage qui nous est favorable par rapport à cette concurrence, une éventuelle variable d'ajustement pour améliorer notre rentabilité ou préserver notre bonne santé financière en cas de recul d'activité. C'est très rassurant de savoir que le cas échéant, on peut disposer de cette marge de manœuvre sans mettre à mal le modèle économique des compagnies."

Une position partagée par Jean-Luc Poiroux, directeur du développement commercial qui ajoute : "Quand on sait que le panier moyen d'un voyageur est, pour la compagnie, situé entre 75 et 90 €, je peux vous dire qu'avoir 6 ou 7 euros de différence en sa faveur sur le coût par passager est un atout de poids au moment de négocier de nouvelles ouvertures de ligne... et pas seulement avec les compagnies low-cost !"

Compagnies régulières = 55 % de PDM en 2016

Toujours est-il que cette stratégie n'a pas fait que séduire les acteurs du transport aérien low cost. Si  ce modèle économique représente 2,5 millions de passagers/an à Bordeaux, et connaît, en 2016, une nouvelle croissance de 15,9 % qui représente 75 % de la croissance globale du trafic passagers, les compagnies régulières, dites de réseau, ne sont pas en reste. Elles représentent encore 55 % des parts de marché du trafic passager de l'aéroport bordelais. La compagnie Air France, à elle seule, représente 70 % du trafic réalisé par les compagnies de réseau, soit 40 % du trafic annuel enregistré par l'infrastructure en 2016.
Forte de performances économiques positives depuis 10 ans, la SA aéroportuaire dispose d'une comptabilité saine, d'un taux endettement qui ne dépasse pas 1 %, elle dispose des moyens et des capacités d'emprunt qui lui permettent d'adapter son infrastructure à l'évolution de sa fréquentation, mais aussi l'enjeu que représente l'arrivée de la ligne à grand vitesse qui mettra, en juillet prochain, la gare de Bordeaux à 2h05 de celle de Paris.

"Nous manquons pour le moins de transparence concernant les chiffres de fréquentation à venir pour cette ligne grande vitesse. Nous manquons aussi de transparence sur les chiffres de la fréquentation actuelle de la ligne... le mode ferroviaire est subventionné, je regrette ce manque de transparence de la SNCF qui tranche avec la nôtre puisque nous communiquons nos chiffres tous les mois... On nous annonce 18,5 millions de passagers par an... mais quel est le chiffre actuel ?", questionne Pascal Personne qui dit ne pas craindre l'avenir concernant les 6 fréquences/jour de la ligne Bordeaux-Charles-de-Gaulle.

LGV : même pas peur ?

"Air France nous a envoyé des signaux forts dernièrement par la voix du président Janailhac", souligne le président du directoire. "Air France dit vouloir garder les mêmes fréquences également sur Bordeaux-Orly à l'été 2017. Le groupe Air France assure qu'il s'adaptera au trafic en termes de taille d'avion, puis éventuellement en termes de fréquences. Mais ce que je retiens avant tout c'est qu'il ne veut pas passer, depuis Bordeaux, en dessous de 10 fréquences par jour. C'est la preuve qu'Air France garde confiance dans le potentiel des lignes qu'il opère, et ce malgré l'arrivée de la LGV."

Actuellement, la liaison vers Orly draine 1 million de passagers. Si la LGV grignote in fine entre 700 et 800.000 passagers, le choc sera rude, certes, mais devrait, au regard de la croissance régulière des lignes low-cost, des liaisons internationales (+11,3 % en 2016) et même nationales (+6,7 % en 2016), être facilement amortie économiquement par l'infrastructure.

46 à 47 M€ d'investissements entre 2017 et 2020

En attendant, profitant de ses finances saines, la société aéroportuaire investit pour améliorer la qualité du service qu'elle propose aux compagnies et à leurs passagers. Elle débloque une enveloppe de 4 à 5 M€ pour rénover les accès à l'aérogare au parvis et aux parkings dont la capacité sera augmentée, et ce en deux phases qui démarrent successivement mi 2017 et juillet 2018. Début 2018 justement, ce sont 42 M€ qui seront investis cette fois dans la création d'un hall de jonction reliant les halls A et B  actuels et reconfigurant totalement l'infrastructure qui se dotera d'un espace commercial totalement repensé et améliorera le parcours passager et son confort jusqu'à l'embarquement.

"Ce bâtiment de jonction, c'est le plus important investissement depuis 2007 et la reconstruction de la piste", souligne Pascal Personne.

Un investissement validé par le conseil de surveillance et qui a été longuement pesé, la maîtrise d'œuvre sera désignée cette année.

"Nos règles d'attributions sont classiques, elles dépassent la préférence locale concernant les entreprises choisies", glisse Pascal Personne.

En clair, les entreprises locales ou non qui voudront décrocher le chantier devront avant tout être en ligne avec la stratégie gagnante de l'aéroport. Une stratégie qui passe, avant tout, par la maîtrise des coûts.

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