« À Lacq, Total a acquis des compétences demandées dans le monde entier »

Nicolas Terraz, ancien directeur de TEPF, revient en arrière sur l’histoire du Bassin de Lacq et évoque sa reconversion réussie.
Nicolas Terraz, ancien directeur de TEPF

Pouvez-vous nous rappeler l'état d'esprit de l'époque où a été découvert cet exceptionnel, mais toxique, gisement de gaz ?

C'était une fabuleuse découverte, mais aussi un énorme défi, car le gaz était chargé en hydrogène sulfuré (H2S), à hauteur de 15 %. À l'époque, tout le monde s'est retroussé les manches pour inventer de nouvelles techniques afin de séparer l'H2S et le gaz à échelle industrielle, et pour fabriquer des aciers capables de résister à cet hydrogène sulfuré. Et, dès le début, il y a eu une appropriation très forte par la population - rurale et plutôt pauvre - de cette aventure industrielle.
Très vite, Mourenx, qui devait compter moins de 40 actifs sur 200 habitants en 1950, s'est profondément transformée pour accueillir les milliers de salariés de Lacq. Au plus fort de l'activité gazière, il y a eu jusqu'à 8 000 personnes. Les gens venaient de toute la France et même de l'étranger, d'Afrique du Nord, d'Espagne, du Portugal…

L'acceptabilité de cette industrie par la population est unique en France, comment l'expliquez-vous ?

Dès le départ, il y a eu à Lacq une culture de la sécurité très forte du fait de cette présence d'hydrogène sulfuré. En soixante ans d'exploitation, le site de Lacq n'a jamais connu d'accident majeur. Autre raison, l'ancrage très fort de l'entreprise dans le territoire. Il y avait des employés de cette industrie dans tous les villages alentours. Aujourd'hui, si vous allez à Lacq ou à Mourenx, vous croiserez forcément dans la rue d'anciens salariés de Total. En outre, ici, les gens sont bien conscients que leur territoire s'est développé grâce à l'industrie gazière. Ils ont bien compris aussi qu'il fallait diversifier les activités industrielles. Résultat, malgré la fin de l'exploitation commerciale du gaz de Lacq, nous avons maintenu le même nombre d'emplois, soit 8.000 dans ce bassin.

Quelles ont été les clés de la réussite de cette reconversion industrielle ?

Quand on a un grand groupe comme Total, des élus locaux impliqués et les services de l'État qui mobilisent ensemble leurs moyens (plus de 100 millions d'euros pour Total), avec l'appui des syndicats, c'est efficace. Et tout a été anticipé. La décision de préserver 3 % du gisement pour alimenter les industriels sur place en gaz et en soufre a été prise en 2008. Ainsi, on a donné de la visibilité pour trente ans au moins aux industriels locaux. Sans cela, Toray ne serait pas venu.

Ce qui est exemplaire aussi, c'est d'avoir quitté Lacq sans procéder à un seul licenciement ?

Grâce à la solidarité du groupe et à un travail d'écoute considérable des ressources humaines, nous avons pu proposer des solutions répondant aux attentes des 200 salariés concernés. Pour ceux qui étaient très attachés au Sud-Ouest, nous avons fait le maximum pour les reclasser au centre scientifique et technique à Pau, au pôle d'études et de recherches de Lacq, à la Sobegi, ou encore à Retia, l'une de nos filiales. Quant à ceux qui souhaitaient partir en retraite anticipée ou à l'étranger, nous avons précisé les critères objectifs dans un protocole d'accord avec les organisations syndicales.

Le savoir-faire acquis par Total à Lacq a-t-il fait école dans le monde entier ?

Oui, il y a eu beaucoup de pilotes, notamment sur les procédés de traitement du soufre, sur le management du H2S ou encore sur l'injection de CO2 mise en œuvre par notre centre scientifique et technique, Jean-Féger, à Pau. Un centre qui emploie aujourd'hui 2 700 personnes. Tout ceci nous a donné une expertise mondiale qui est très demandée aujourd'hui. Au Qatar, par exemple, tous les gisements contiennent un peu d'hydrogène sulfuré.

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