Consul américain : « Plus de 740.000 emplois américains dépendent des investissements français »

INTERVIEW. Tout en étant très prudent, Hector R. Brown, le nouveau consul des Etats-Unis à Bordeaux qui a succédé en début d'année à Alexander Lipscomb, a le sens de la formule. Lancé très jeune dans la carrière, il a servi dans des endroits difficiles, qu'il s'agisse de la ville frontière mexicaine de Ciudad-Juarez, marquée par l'ultraviolence des cartels, ou encore la République centrafricaine, où la guerre civile a fait des ravages. Si Hector R. Brown est Texan ce n'est pas une caricature de cow-boy. Et il apporte avec conviction, à la tête du consulat, son soutien aux minorités sexuelles du Sud-Ouest de la France, y compris en zone rurale, dans le droit fil de la politique impulsée par l'administration de Joe Biden.
Hector R. Brown est le nouveau consul général des Etats-Unis à Bordeaux.
Hector R. Brown est le nouveau consul général des Etats-Unis à Bordeaux. (Crédits : Agence Appa)

LA TRIBUNE - Avant de rejoindre ce poste de consul des Etats-Unis à Bordeaux, premier poste diplomatique permanent ouvert par la jeune République des Etats-Unis d'Amérique, en 1778,  où étiez-vous ?

HECTOR R. BROWN - Avant d'arriver à Bordeaux, j'étais en République centrafricaine (RCA) en tant que chef des affaires politiques et économiques à l'ambassade américaine de Bangui. Auparavant, j'ai été rattaché au Bureau des opérations de maintien de la paix du Département d'État, où j'ai suivi les opérations de maintien de la paix des "casques bleus" des Nations unies en République démocratique du Congo (RDC), en République centrafricaine, en Inde, au Pakistan, au Kosovo et au Soudan du Sud. Il convient de noter que ces opérations des casques bleus représentent des investissements importants de la part de la communauté internationale et que les États-Unis financent plus de 25 % des coûts totaux. Dans le cas de la RCA, le budget s'élève à plus d'un milliard de dollars par an pour financer le déploiement de plus de 19.000 casques bleus dans tout le pays.

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Vous êtes tout juste âgé de 36 ans, peut-on dire que vous avez eu la vocation de devenir diplomate ?

Je suis originaire du Texas, d'une petite ville près de San Antonio. À l'âge de 19 ans j'ai eu l'occasion de faire un stage à l'ambassade des États-Unis à Rome grâce à une bourse. Ensuite, j'ai poursuivi ma formation à l'ambassade des États-Unis à Katmandou. J'ai occupé mon premier poste opérationnel à Washington DC le lendemain de l'obtention de mon diplôme de la Fletcher School of Law and Diplomacy à Boston ! J'ai ensuite été nommé vice-consul à Ciudad Juarez, au Mexique, une ville frontalière des États-Unis avec de nombreuses personnes qui souhaitent vivre légalement aux États-Unis. Un travail qui a été très important pour moi. Je suis ensuite allé à Paris en tant que conseiller en matière de travail, d'éducation et d'égalité des sexes à la délégation américaine auprès de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), avant de retourner à Washington pour travailler au Bureau du secrétaire d'État, puis à New York en tant que délégué auprès des Nations Unies.

La noix de pécan : un fruit à coque très franco-américain

Quel territoire couvre le consulat et y a-t-il une journée type pour un consul américain à Bordeaux ?

Ce poste diplomatique couvre vingt départements du sud-ouest de la France, les douze de la Nouvelle-Aquitaine et les huit de l'ancienne région Midi-Pyrénées. Il est important de noter que le Consulat des États-Unis à Marseille assume la responsabilité consulaire principale de l'Occitanie, mais désormais cette région bénéficie de l'attention de deux postes diplomatiques. Notre équipe consulaire se rend souvent à Toulouse, qui est la quatrième plus grande ville de France. Étant donné que notre aire de responsabilité couvre vingt départements, c'est-à-dire vingt préfectures, il peut arriver qu'en une seule journée nous allions de Guéret (Creuse), à Foix (Ariège), en passant par Rodez (Aveyron). Certaines journées peuvent commencer à Anglet (Pays-basque -Ndr), où nous étions récemment à l'invitation du maire Claude Olive, pour commémorer un réseau de résistance de la Seconde Guerre mondiale, se poursuivre par l'émouvante cérémonie d'une plantation de pacaniers dans le petit village girondin de Riocaud, pour ensuite se terminer dans la ville de Limoges.

Pouvez-vous nous rappeler ce qu'est un pacanier, et pourquoi vous citez cet arbre qui semble avoir une importance diplomatique ?

Cet arbre, qui produit des noix de pécan, est par excellence un arbre américain. Et c'est aussi l'arbre officiel de mon État natal : le Texas ! Thomas Jefferson, qui a visité Bordeaux lorsqu'il était ministre des États-Unis en France de 1785 à 1789, avant de devenir le troisième président des États-Unis, a apporté des semis de pacanier en France et planté le premier de ces arbres dans la région. Ces arbres centenaires plantés dans le sol de notre « plus ancien allié » sont devenus le symbole de l'amitié franco-américaine. Chaque fois que l'association « Pacaniers de Jefferson » me demande de planter un nouveau semis, je ressens le poids de l'histoire et un honneur extraordinaire.

Au-delà du souvenir, ces plantations symbolisent-elles quelque chose de particulier ?

Avec le changement climatique actuel et les menaces d'un conflit continu sur le continent, comme nous le constatons avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, je crois fermement que les défis de demain seront de plus en plus complexes. Les jeunes générations américaines et françaises méritent donc une base solide pour maintenir leur amitié. C'est pourquoi je demande toujours aux parents des enfants présents lors de ces cérémonies de prendre une photo de leurs enfants et du semis, afin qu'après environ 25 ans, ils puissent comparer leur croissance respective et qu'ils soient ensuite encouragés à se construire sur de telles fondations solides, telles que les racines des pacaniers plantées par Thomas Jefferson.

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Présent à la "Fierté rurale" à Chenevelles avec les agriculteurs

Quelles sont les missions de base, incompressibles, d'un poste diplomatique comme celui que vous dirigez ?

Nous avons trois missions à remplir. Tout d'abord, et de manière primordiale, garantir la sécurité et la protection des ressortissants américains, ce qui implique des échanges avec les autorités françaises compétentes. Ensuite, promouvoir l'activité économique et commerciale, en assistant, par exemple, les entreprises françaises souhaitant investir aux États-Unis dans leur connexion avec les ressources adéquates de notre pays, mais également en facilitant les investissements des Américains en France grâce à des démarches auprès des représentants des autorités françaises. À titre illustratif, rappelons que les États-Unis sont le principal investisseur en France, et selon les dernières statistiques économiques publiées, la France est revenue au cinquième rang des investisseurs les plus importants aux États-Unis, après avoir brièvement chuté au sixième rang. Plus de 740.000 emplois américains dépendent de ces investissements français.

Vous intéressez-vous à la Coupe du monde de rugby, qui se tient cette année en France mais qui n'est pas vraiment un sport américain ?

Notre équipe consulaire est active dans les domaines de la culture, du sport, du cinéma et de nos « valeurs partagées » telles que la promotion des droits humains. Et oui, j'ai également eu l'occasion de vivre la fièvre du rugby en assistant à un match avec des amis proches venus des États-Unis et d'Irlande. En effet, le rugby est omniprésent ! C'est ainsi que notre équipe a rencontré le club de rugby amateur LGBT (lesbiennes-gays-bisexuels-transgenres) de Toulouse, Tou'Win, une association sportive et militante pour les droits des LGBTQ (LGBTQueer). Comme l'a souligné le président Joe Biden dans son discours devant les Nations Unies la semaine dernière, et que notre ambassadrice Denise Campbell Bauer a appelé à plusieurs reprises en France, « ces droits font partie de notre humanité commune ».

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J'ai été très honoré de prendre la parole lors du sommet de la Fédération LGBTI+ (LGBTIntersexe) ce dernier printemps, auquel adhèrent de nombreux groupes du sud-ouest, et de participer par la suite aux défilés de la fierté avec mon équipe à Bordeaux, Biarritz, ainsi qu'à la "Fierté Rurale" avec des agriculteurs venus de toute la France et réunis à Chenevelles (Vienne). Nous avons également récemment participé à la deuxième Marche de la Fierté LGBTQIA+ (LGBTQIAsexuel) à Limoges plus tôt ce mois-ci, suite à l'invitation du groupe de défense des droits humains appelé Lim'Bow, qui est également membre de la Fédération LGBTI+. Ces associations accomplissent un travail important en faveur de l'égalité et en veillant à ce que les personnes LGBTQIA+ ne soient pas victimes de violences en raison de leur identité.

Après Paris, les JO se tiendront à Los Angeles jumelée avec Bordeaux

Les Jeux Olympiques 2024 à Paris sont-ils aussi à votre programme ?

Nous promouvons la diplomatie sportive à travers notre programme pluriannuel « Games 4 all », qui se déroule dans tous les consulats de France, et pas seulement à Paris, dans le cadre de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 en France. Les thèmes de « Games 4 all » sont « Corps sain, esprit sain, planète saine » et notre objectif est de promouvoir la diversité, l'inclusion et la durabilité. C'est pourquoi des athlètes américains ont déjà visité la France cette année, notamment à Pau, qui a accueilli les Break Dancers, un nouveau sport olympique officiel ayant des racines aux États-Unis. Comme vous l'avez compris, nous multiplions les contacts avec les autorités locales, les associations, les écoles... Maintenir des liens privilégiés avec tous ces acteurs est au cœur de notre démarche.

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Bordeaux et Los Angeles fêteront bientôt l'anniversaire de leur jumelage, le programme des festivités est-il déjà connu ?

En 2024, on célèbrera le 60e anniversaire du jumelage Bordeaux/Los Angeles, ce qui constitue une merveilleuse nouvelle opportunité de renforcer les liens entre les deux communautés. Nous espérons qu'il y aura de nombreux événements à cette occasion, et nous soutenons activement la mairie de Bordeaux et l'association Bordeaux-USA, qui recherchent des personnes intéressées par l'organisation d'échanges dans les domaines de l'art, de la culture, de l'éducation et des échanges économiques. À Los Angeles, ils ont une excellente vision de cette célébration ainsi que de ses avantages commerciaux, avec notamment une relance des projets d'échanges économiques. Il est d'autant plus important que notre programme « Games 4 All » fasse partie de ce jumelage, car après Paris en 2024, les Jeux Olympiques se dérouleront à Los Angeles en 2028 !

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