Immobilier : HabX veut développer le logement sur-mesure

La startup bordelaise HabX veut devenir la nouvelle référence de construction de logements neufs. Son modèle ? Connecter les futurs propriétaires, les promoteurs et les acteurs du territoire dans les opérations de construction en donnant les clés de la conception des logements aux acquéreurs. Après Toulouse et l'Ile-de-France, elle se développe dans la métropole bordelaise et entend contribuer à faire baisser les prix.

Avec cette market place, les propriétaires se plongent dans leurs envies : l'orientation de leur futur logement, l'environnement extérieur et les services internes comme un jardin partagé, une buanderie, une conciergerie... "C'est la rencontre de besoins et de savoir-faire", assure Benjamin Delaux, le fondateur d'HabX et directeur de la société Nouvelles fonctions urbaines.

Quel a été le constat qui a emmené à l'élaboration d'HabX ?
Benjamain Delaux : "Nous avons voulu mettre en avant le besoin et le désir de l'utilisateur. Le constat est double. Tout d'abord les gens ne peuvent plus accéder à la propriété, ou en tout cas difficilement en France, du fait de la décorrélation du prix du logement et des revenus. Les prix des logements ont augmenté de 250 % au cours des 20 dernières années, ce qui n'est pas le cas des revenus. Il y a 20 ans à Bordeaux, le prix du m2 était de 2.000 - 2.500 €, aujourd'hui cela vaut en moyenne 4.000 € le m2. L'autre décorrélation est celle de l'offre et des nouveaux modes de consommation. De nouveaux pouvoirs sont nés à travers le digital. On a accès à des choses qui nous ressemblent, dont on a besoin et qui sont très exactement ce que l'on veut, puisqu'on a tous la possibilité de choisir presque tout ce que l'on veut à travers des plateformes. De plus en plus de personne n'ont pas envie d'être obligées de rentrer dans un logement qui ne leur correspond pas parce qu'il a été pensé pour être poussé dans un marché. Nous pensons qu'il y a un archaïsme de modèle de production de logement.
Ces deux décorrélations font qu'il y a aujourd'hui 68 % des Français qui rêvent d'accéder à la propriété. Les promoteurs en ont vendu 375.000 en France en 2016, 87 % de la population active de Bordeaux se retrouve exclue de la capacité d'acheter dans tous les programmes neufs que l'on voit fleurir à tous les bouts de la Métropole.
Il faut repenser le logement en termes d'usages et de bon sens et non pas en termes de normes et de règles. Il faut pouvoir loger les gens dans des logements dont ils ont envie, qui leur permettent d'optimiser leur mode de vie, d'être situé au bon endroit en fonction de leur travail, de l'école des enfants, des modes de transports et de leurs capacités financières aussi."

Comment faites-vous pour prendre en compte tous les desideratas des futurs propriétaires ?
"HabX est une série de trois technologies algorithmiques basées sur le big data et sur l'ensemble des meilleures technologies dont on dispose à ce jour. Depuis la recommandation d'un lieu qui permet d'optimiser ses transports, son mode de vie et son budget jusqu'à la programmation de son logement. Cela permet in fine d'avoir un logement qui soit un logement choisi en termes de lieu et en termes de programme (la taille de la cuisine et de la salle à manger ou du salon, le nombre d'enfants dans une chambre, l'orientation...). Le process HabX et la capacité de vendre avant d'avoir conçu génèrent tout une série d'optimisation qui passe par la sécurisation financière et commerciale. Les propriétaires accèdent à un logement durable puisqu'il est fait sur-mesure. Cela donne un nouveau rapport au territoire, à la ville, à la politique, à son implication citoyenne à ses liens sociaux. Parce que quand on habite dans un endroit où l'on se projette pour toute une vie, on n'a pas le même rapport aux commerçants, à l'école, à ses voisins.
C'est une question d'écologie aussi, parce que si vous habitez au bon endroit, peut-être n'aurez-vous besoin que d'une voiture, plutôt que deux. Le prix de cette voiture pourrait être réinvesti dans une chambre par exemple. Et construire un bâtiment de 40 logements optimisés divise en deux le nombre de place de parking à construire. C'est de l'argent à réinvestir dans d'autres installations, comme, pourquoi pas, dans un parc de mobilité partagé. C'est le genre de service que nous serons capables de fournir dans un futur proche. Et puis si on habite moins loin de son travail, on arrive moins fatigué et donc plus performant. C'est un tout. Nous pourrons leur apporter des solutions énergétiques, de domotique, de financement, d'assurance, de gestion (les charges par exemple). Le big data, l'intelligence artificielle et la capacité de recherche nous permettrons demain d'anticiper tout un tas de choses qui permettront d'améliorer le niveau de service en général que la collectivité pourra emmener et que des partenaires commerciaux pourront éventuellement proposer."

Les promoteurs avec qui vous travaillez sont des grands noms du métier : Vinci, Bouygues, Icade, Nexity, Cogedim, Idéal, Aquipierre, Safran Immobilier...  Quels sont les avantages pour eux ?
"D'une part, nous répondons à une attente et un besoin du marché. La dernière étude d'Ikea « Life at home » retransmet ce désir. Nous devons faire des produits qui répondent aux attentes du client, puisqu'aujourd'hui il est parfois plus averti que les professionnels. Il faut passer d'un modèle centré sur le client à un modèle qui met le client au cœur de tout. C'est le modèle de production "built to forecast". Le modèle financier ne compte pas de frais financiers annexes pour porter le développement, puisque je sais déjà que je l'ai vendu. Je vais diminuer ma marge commerciale, puisque je ne vais pas rémunérer mon risque commercial. Je vais diminuer mon coût de distribution, puisque je n'aurai pas besoin de faire des pubs, de payer des prescripteurs, ni avoir besoin de payer un magasin pour vendre le produit. D'un point de vue technique c'est un modèle de production extrêmement bénéfique. C'est aussi une diminution du risque administratif puisque le promoteur a déposé son permis au bon endroit, en ayant la promesse de faire un logement sur-mesure et moins cher."

Quels sont les avantages pour les collectivités ?
"Dans ce cadre, la collectivité est elle aussi capable d'anticiper, puisqu'on traite de la data avec les besoins et les envies des futurs habitants. Est-ce qu'il y a plus de besoins sportifs que culturels ? Un type de commerce en particulier ? Quels établissements scolaires ? En prenant en compte les besoins, nous sommes capables par une dynamique numérique d'inclusion de la demande de produire d'une façon plus vertueuse, plus responsable, plus durable. A moyen terme, on aimerait accompagner le développement territorial. Nos recherches des besoins des usagers nous permettent de faire des prospectives dans le cadre de Bordeaux Métropole Horizons 2050 notamment sur le thème de « Bordeaux Métropole, une métropole à la demande ». Nous sommes en train de faire état de ces besoins et de se projeter avec les collectivités, comme nous l'avons déjà fait à Paris ou à Toulouse (*)."

Du coup, vous avez un œil sur les politiques d'aménagement urbain de la Métropole bordelaise ?
"Nous sommes en discutions avec la Métropole de Bordeaux pour optimiser les installations urbaines ou de transports en fonction du mode de vie des potentiels futurs habitants. Pour les places de parking par exemple, on peut mettre en place un modèle de véhicules partagés en fonction de la diversité des besoins des propriétaires. Le promoteur de son côté va pouvoir construire 20 places au lieu de 60, suite à une dérogation au Plan local d'urbanisme au vu des besoins et des usages de habitants. Ce qui va permettre de construire d'autres services auxquels les propriétaires n'auraient pas forcément eu accès. Comme une salle de sport, un jardin partagé sur le toit, des vélos électriques à partager, un atelier de coworking, un local commercial à louer. Notre position est une position tripartite : BtoC avec les usagers, BtoB avec les promoteurs, les opérateurs et BtoT avec les territoires. C'est la réconciliation de la vision, de l'engagement et des process de ces trois acteurs qui permet de faire les choses."

Quelles sont les opérations en cours dans la métropole bordelaise ?
"Nous avons une quinzaine d'opération en développement à Bordeaux d'une quarantaine de logement chacun. Ces opérations verront le jour à horizon de 24 mois.
On aimerait avoir un effet de 10, 12, 15 % de moins sur le prix moyen au m2 pour emmener le marché à 3 500 € le m2 et essayer de le tirer au maximum vers le bas. On n'y perd pas car les logements plus grands à construire sont moins coûteux à produire, il y a donc un transfert d'économie et quand on les vend à ce prix-là. On les vend plus vite et si on redonne du pouvoir d'achat aux gens, on incite d'autres gens à acheter. Nous voulons produire dans les meilleures conditions de satisfaction du marché, plutôt que de faire jouer la rareté et de faire monter les prix, comme c'est ce qui est en train de se passer dans la métropole bordelaise."

Quels est votre objectif commercial pour les années à venir ?
"Pour 2018, nous envisageons un développement à Lyon, Strasbourg, Lille, Nantes, et Montpellier, mais aussi des territoires détendus où les opérateurs immobiliers n'ont pas tendance à aller comme Chartres, Albi ou Amiens. En 2019 nous visons l'international à travers des appels d'offres qui demandent des solutions de logements sur-mesure.
Nous sommes en train de nous placer en tant que leader dans le domaine, puisque nous sommes les seuls à utiliser ce modèle. Nous sommes dans une logique de startup à impact sociétal fort. Déjà aujourd'hui, mais encore plus demain, plus personne ne sera dans une logique de consommation pure sans se poser la question de l'impact sociétale, écologique ou économique dans notre mode de vie en général. Le but n'est pas d'être une locomotive, mais de faire des bons logements pour les gens, de bien développer les territoires et d'accompagner la transformation digitale dans le métier qui n'a pas évolué depuis 70 ans.
Pour que cela fonctionne, il faut le faire en masse et donc il faut que l'on devienne une marketplace dynamique, puissante, visible et importante. D'ailleurs des fonds d'investissements sont en train d'entrer au capital, on annoncera en début d'année qui ils sont, et on fait très attention à choisir des gens pour qui l'impact sociétal et cette vision qu'on porte soit des valeurs partagées et pas uniquement un investissement financier."

HabX en chiffres

Naissance à Bordeaux : janvier 2016
Mise en ligne d'HabX : janvier 2017
Plus de 40 salariés actionnaires
Des bureaux à Paris et Bordeaux
Première levée de capitaux de 4 millions d'euros
Seconde levée en cours de bouclage de 8 millions d'euros auprès d'un fonds de capital risque technologique
110 opérations (60 opérateurs immobilier) en Île-de-France, Toulouse Métropole et Bordeaux Métropole

(*) HabX a été développé pour l'opération Edison Lite. La plateforme a été lauréate du concours Réinventer Paris en 2015. En juillet 2017, Oppidea, la SEM d'aménagement de Toulouse Métropole a signé un accord avec HabX pour favoriser des productions de programmes de logements neufs dans les quartiers aménagés par Oppidea. À Bordeaux, c'est avec la Fab pour le programme 50 000 logements autour des axes de transports collectifs.

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