Le bonheur d’entreprendre vient-il de l’espace ?

A Bordeaux, dans le cadre de Défis Expo 2016, évènement co-organisé par la société d’ingénierie informatique Défis et La Tribune, le spationaute Jean-François Clervoy et des chefs d’entreprises de la région ALPC ont échangé sur la thématique du “bonheur d’entreprendre dans un monde nouveau.”
Le spationaute Jean-François Clervoy a su parler du bonheur du bonheur d'entreprendre en rappellant à travers l'expérience spatiale et aéronautique de la société Novespace que le bonheur d'entreprendre passe aussi par la gestion du risque.. dans l'espace comme sur terre.

Le "monde nouveau" de l'entreprise, Charles Heinz connaît.
Il dirige une société spécialisé dans la gestion informatique, la société bordelaise Défis, qui évolue dans un secteur en profonde mutation lié aux technologies et services du Cloud, à l'intelligence artificielle, à de nouveaux indicateurs de performance... bref à des services qui découlent, quand ils ne provoquent pas, des transformations en profondeur des entreprises qui se digitalisent à la vitesse grand V.
Le bonheur d'entreprendre, Charles Heinz a souhaité l'aborder en regroupant des décideuses et décideurs français autour de l'aventurier de l'espace et de l'économie, le spationaute Jean-François Clervoy.
Pour ce dernier, parti trois fois pour des missions spatiales à bord des navettes américaines, le bonheur d'entreprendre se résume à deux principes fondamentaux : satisfaire une passion, réaliser un rêve et surtout être utile, servir la société.
Celui qui a réalisé, par trois fois, le rêve de toute une vie pour bon nombre femmes et d'hommes, s'arracher à l'attraction pour aller contempler la terre et l'univers (c'est à une de ses missions que l'on doit la réparation et l'optimisation du télescope spatial Hubble) depuis l'espace, a trouvé le bonheur d'entreprendre en créant Novespace à Mérignac, près de Bordeaux.
Filiale du CNES, la société Novespace propose, depuis l'aéroport de Mérignac, des vols Zéro G à bord d'un Airbus qui effectue des dizaines de paraboles, à destination des scientifiques d'abord, mais depuis quelques années, des premiers "touristes de l'espace".

Faire la différence entre le risque et le danger

"J'ai toujours voulu faire découvrir l'apesanteur aux touristes de l'espace... mais il m'a fallu pour réaliser ce rêve quatre années de travail acharné. Il a fallu partir d'une feuille blanche puisque quand j'en ai eu l'idée il n'y avait pas de réglementation dans le domaine, je n'avais pas d'équipage... Gagner de l'argent pour gagner de l'argent n'a pas été le moteur de ce projet. Le succès du projet repose sur le fait que nous avons toujours fait en sorte que l'argent de ces vols commerciaux servent uniquement à financer les missions de recherche", assure Jean-François Clervoy.

Face à un parterre de chefs d'entreprise, le spationaute français a fait des analogies entre ses missions spatiales et l'entrepreneuriat.

"Il faut, c'est certain, avoir le goût de l'aventure. Savoir faire la différence entre le danger et le risque. Le risque peut mener à la catastrophe. Le risque permet d'évaluer la probabilité d'une mise en danger. Pour les missions spatiales, qui sont à haut risque, nous travaillons tous les scénarii, toutes les situations et leurs conséquences. Avant une mission spatiale on simule absolument tout pour réduire les risques. Cette façon de procéder doit être la ligne de conduite, à mon sens, pour toute aventure, même entrepreneuriale."

Tout en reconnaissant dans le même temps que "l'inconnue reste cependant une réelle opportunité d'innovation !".
Un constat partagé Caroline Guerin-Pigeon, ex expert-comptable, aujourd'hui à la tête du distributeur automobile familial Pigeon. En 2010, alors qu'elle vient de prendre la direction de la société, un incendie ravage son siège social et son principal établissement. "Cette mauvaise surprise qui a fait qu'on nous donne pour mort à l'époque, nous a fait sortir de notre zone de confort et m'a permis de mettre en place le mode de management et de fonctionnement que je souhaitais. Physiquement, nous nous sommes regroupés tous, quelles que soient nos fonctions, dans le peu de bâtiments restants. Ce rapprochement a tout changé, certaines compétences ont émergé de cette épreuve. Dans un monde qui bouge énormément pour nous, distributeur automobile, avec l'émergence de la voiture électrique, du véhicule sans chauffeur, de l'auto partage, du parking partagé, du covoiturage... nous avons profité de cette proximité pour réfléchir à l'évolution de notre métier, à l'organisation qui doit se mettre en place pour exister dans le nouveau monde de la distribution qui émerge. Nous avons mis en place un mode de co-pilotage, sans direction à l'ancienne, qui s'avère payante pour certains sites en difficultés."

La remise en question participerait-elle du bonheur ?

Se réinventer et y trouver du bonheur, c'est ce qu'ont fait Jérôme Le Feuvre de News Republic et Didier Oudin (Groupe Arom).
Le premier codirige News Republic, un éditeur de logiciels et d'applications (comme le flux d'information News Républic) présent en France et à San Francisco.

"Je n'étais pas programmé pour l'entrepreneuriat mais le groupe qui m'employait avant, Orange, m'a donné les armes pour le faire en me permettant de travailler avec les premières startups du numérique. Le bonheur d'entreprendre passe, pour moi, par le cadre de vie. Cela va bien au-delà du cadre de vie professionnel, mais aussi celui de sa famille. Choisir Bordeaux et non Paris participe de mon bonheur en tant qu'entrepreneur. Je constate que c'est partagé par nos équipes, et cela ajoute encore à mon bonheur. Innover, tenter, sont des moteurs puissants pour le bonheur d'entreprendre. Nous prenons beaucoup de plaisir à travailler sur les montres connectées qui tardent à convaincre les consommateurs, ou sur les casques de réalité virtuelle dont on sait déjà qu'ils ne seront pas des postes de gain d'argent à moyen terme... au moins. Mais dans une monde où nous pouvons nous mêmes être disruptés à tout moment, se remettre en question est une autre vraie source de bonheur."

"Bonheur d'entreprendre ? Accepter le risque sans en prendre le goût !"

Le deuxième, à la tête d'un des plus, sinon le plus, important traiteur de la région ALPC, le groupe Arom, n'oublie pas qu'en 2005, quand il débarque à Bordeaux et reprend l'activité d'un traiteur moribond, Lacoste, il vient tout simplement d'être écarté d'un poste de directeur à la faveur d'un changement d'actionnaire.

"La spin off proposée par mon employeur d'alors était sensée m'envoyer au casse-pipe, se souvient Didier Oudin. Nous avons retroussé nos manches, et la société qui comptait 12 salariés et devenue, au fil du temps, un groupe qui édite 400 paies par mois en moyenne, compte 120 ETP et 60 salariés fixes."

Rebondissant sur les propos liminaires de Jean-François Clervoy, Didier Oudin précise :

"Il faut aimer le risque pour être un entrepreneur. Je ne me leurre pas. Je sais qu'entre le fait d'être considéré comme visionnaire ou comme téméraire la différence ne repose que sur le succès. Si tu échoues, tu es téméraire, si tu réussis, on te qualifie de visionnaire... en vérité, pour être vraiment heureux dans le fait d'entreprendre, il faut être capable d'accepter le risque sans en prendre le gout."

Avis partagé par Jean-François Clervoy qui rappelle :

"La chance de perte d'un membre d'équipage pour une mission habitée qui réalise des sorties dans l'espace est de 1/100. Chaque mission a également 1 chance sur 273 de se faire heurter par une météorite fatale... L'acceptation plus que le goût du risque est nécessaire pour se lancer avec bonheur."

Le rêve, meilleur outil de recrutement

Se lancer, toute seule cette fois, sans doute pour perpétuer une tradition familiale, c'est ce que vient de faire Caroline Guerin-Pigeon. La DG du groupe Pigeon vient de créer une startup, Ecoweego... une solution de covoiturage.

"C'est un rêve d'enfant que je réalise. Celui de participer à un monde qui change en ne partant de rien", souligne t-elle avec une forte émotion qui permet à Jean-François Clervoy de conclure :

"C'est le rêve, l'émotion, le projet qui font les belles aventures. Regardez SpaceX, la société d'Elon Musk n'a pas recruté seulement avec de l'argent. Au contraire même, on peut dire que les compétences recrutées sont loin d'être les mieux payées du secteur spatial, mais c'est le rêve de participer à un projet énorme, en l'occurrence chez SpaceX, celui de conquérir Mars en 2025 qui fait le bonheur des celles et ceux qui ont choisi, avec succès en plus, de le suivre dans l'aventure. Bref, en général, les entrepreneurs heureux sont généralement entourés de collaborateurs heureux".

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