L'aéroport de Bordeaux-Mérignac en zone de turbulences prolongées

L'arrêt désormais programmé de la navette Air France vers Orly et les perspectives particulièrement sombres du transport aérien d'ici à 2025 contraignent l'aéroport de Bordeaux-Mérignac à décaler ses investissements, à revoir ses ambitions à la baisse et à supprimer les versements de dividende pendant trois ans. Un coup d'arrêt après une décennie de croissance exubérante.
L'arrêt désormais programmé de la navette vers Paris Orly fragilise encore un peu plus les perspectives de reprise de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac.
L'arrêt désormais programmé de la navette vers Paris Orly fragilise encore un peu plus les perspectives de reprise de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac. (Crédits : Aéroport Bordeaux-Mérignac)

Les réservations pour un vol entre Bordeaux-Mérignac et Paris-Orly sont d'ores et déjà suspendues. Dans l'attente de la publication imminente d'un décret interdisant ces navettes aériennes, Air France a en effet pris les devant et ne propose plus que des vols vers Paris-Roissy. "Je suis très inquiet face à cette décision autoritaire du gouvernement qui nous méprise et ne daigne même pas répondre au courrier envoyé conjointement par la CCI, des élus locaux et les associations BAAS [Bordeaux Aquitaine aéronautique et spatial] et Aerospace valley le 18 mai dernier", s'agace Patrick Seguin, président de la CCI Bordeaux Gironde qui est actionnaire de l'aéroport.

La fin des dix rotations quotidiennes

La fermeture de la navette Bordeaux-Orly, de ses 10 rotations quotidiennes et de ses 560.000 passagers annuels fait partie des conditions imposées par le gouvernement à Air France en contrepartie du plan d'aide massif de 7 Md€ accordé en avril dernier.

Lire aussi : Restructuration d'Air France, compétitivité des aéroports, consolidation : le cocktail explosif qui menace la connectivité aérienne des régions

De part et d'autre, les arguments sont connus. D'un côté, le gouvernement et les écologistes, dont Pierre Hurmic, le nouveau maire de Bordeaux, jugent absurde en termes d'émission de CO2 de prendre l'avion quand la LGV mise en service en 2017 pour un investissement colossal de 8 Md€ place la capitale à 2 heures de train de Bordeaux. De l'autre, les acteurs économiques et des élus locaux de droite et de gauche mettent l'emploi dans la balance en rappelant que la filière aéronautique positionnée autour de l'aéroport totalise 35.000 salariés de 300 entreprises dont plusieurs fleurons tricolores. Sans compter les nombreux hôtels.

"Ce que nous demandons c'est simplement d'évaluer les besoins avec les industriels, de conserver des possibilités de liaisons internationales notamment vers les Antilles, l'Afrique et l'Europe du Sud et de prévoir une diminution progressive de la navette. D'autant que les TGV vers Paris sont déjà pleins le matin et le soir", argumente Patrick Seguin.

Concrètement le patron de la CCI plaide dans un premier temps pour passer de dix rotations quotidiennes à six, voire cinq aller-retour.

Des perspectives sombres d'ici 2025

Il faut dire que la fin programmée de cette desserte, qui restait la 3e ligne la plus fréquentée après Bordeaux-Roissy et Bordeaux-Lyon, vient s'ajouter à un tableau déjà bien sombre pour la plateforme aéroportuaire. Le plan massif de suppression de 15.000 postes, dont 5.000 en France, chez Airbus est venu cruellement concrétiser une réalité : l'avionneur estime que le trafic aérien ne devrait pas retrouver le niveau qui était le sien en 2019 avant 2023 voire 2025. Un changement complet de paradigme pour l'aéroport girondin qui restait sur une décennie de folle croissance avec +132 % de voyageurs en l'espace de dix ans pour atteindre 7,7 millions de passagers l'an dernier et viser dix millions en 2023.

Lire aussi : Airbus: plus de 3.500 postes supprimés à Toulouse, FO craint "un cataclysme social"

Résultat, le conseil de surveillance de l'aéroport, réuni le 26 juin, va être contraint d'adapter le plan d'investissement de 169 M€ voté fin 2019. "Il n'y aura pas d'annulations mais plutôt des investissements reportés et d'autres mis en attente jusqu'à nouvel ordre, en particulier le triplement de la surface du terminal Billy dédié aux vols low-cost même si ces derniers rebondissent plutôt bien", précise Patrick Seguin, qui assure que la ligne A du tramway sera en revanche bien prolongée comme prévu jusqu'à l'aéroport. "Tous les investissements liés à la qualité de l'air, de l'eau et de l'accueil ainsi qu'à la sécurité seront aussi sacralisés", ajoute le président de la CCI qui n'en reste pas moins très inquiet.

Aucun dividende versé pendant trois ans

D'ordinaire, la chambre consulaire voit rentrer dans ses caisses environ 1,8 M€ de dividendes liées à l'aéroport chaque année. En 2020, il n'y aura rien puisque le conseil de surveillance devrait acter en septembre prochain la suspension des versements de dividendes pendant trois ans au regard de l'ampleur de la crise : l'aéroport de Bordeaux Mérignac devrait en effet finir l'année 2020 avec un trou estimé entre -12 et -17 M€ !

Sollicité par La Tribune sur ces différents sujets, la direction de l'aéroport n'a pas souhaité s'exprimer. La plateforme aéroportuaire indique néanmoins avoir renoué avec une activité correspondant à peine à la moitié de son niveau habituel d'avant la pandémie. Une soixantaine de destinations seront ainsi desservies cet été, contre 113 l'été dernier, mais le nombre de rotations sera inférieur aux standards de l'an dernier.

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A Poitiers aussi l'aéroport est en difficultés

Déjà en difficultés chroniques, l'aéroport de Poitiers-Biard, qui n'est désormais plus financé par la CCI départementale, pourrait bien voir son avenir s'inscrire en pointillés. La nouvelle maire écologiste de Poitiers, Léonore Moncond'huy, ne souhaite ainsi pas soutenir financièrement l'aéroport poitevin : "Renflouer encore un aéroport qui est déjà sous perfusion dans un contexte de crise où on a besoin d'argent pour autre chose, ça ne me semble pas responsable. L'enjeu de la fermeture de l'aéroport, je le constate, est de plus en plus accepté dans les esprits. Un certain nombre d'acteurs économiques le disent aussi et pensent que les priorités sont les mobilités du quotidien", rapporte le quotidien La Nouvelle République. Piloté par la Sealar (Société d'exploitation et d'action locale pour les aéroports régionaux) depuis début 2020 pour douze ans, l'aéroport de Poitiers a vu transité seulement 114.000 passagers l'an dernier et visait 190.000 passagers à l'horizon 2030.

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Commentaires 4
à écrit le 03/07/2020 à 9:44
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Le vote des bordelais a été clair. Ils ne veulent plus entendre parler des transports polluants. Avec comme finalité à terme la suppression de la voiture dans Bordeaux, la suppression des vols. L'aéroport de Bordeaux va perdre des PAX, va perd...

à écrit le 03/07/2020 à 8:12
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Moins de billets de complaisance ?

à écrit le 03/07/2020 à 5:34
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Avec la nouvelle equipe a la mairie, les taxes vont pleuvoir. L'ecologie a un prix.....

à écrit le 02/07/2020 à 16:36
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Le vote des Bordelais aux municipales semble être en phase avec le choix de la décroissance écologique donc il n'y a rien a dire.

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