En attendant les ENR, quelle transition « électrique » ?

La carrière du Bordelais Roger Lassiaille a eu l’énergie pour fil conducteur. L’ancien directeur régional d’EDF-GDF à Bordeaux et contrôleur général de GDF chargé des affaires européennes livre ici son point de vue sur ce qui pourrait nous attendre dans les prochaines années.
Roger Lassiaille

Dans son Bilan prévisionnel de l'équilibre offre - demande d'électricité en France, RTE, filiale d'EDF chargée du transport de l'électricité et du fonctionnement du système électrique national, avait indiqué en juillet dernier qu'un événement climatique comparable à la vague de froid de février 2012 conduirait à une défaillance quasi certaine en 2016. Dominique Maillard, président du directoire de RTE vient de confirmer cette information le 7 novembre, lui donnant la publicité qu'elle mérite et détaillant les outils à sa disposition : interconnexions des réseaux européens, réseaux intelligents, effacement de certains clients dans les moments critiques, sans dissimuler toutefois que tous ces moyens seront insuffisants à court terme.

Bilan énergétique national

Dans les utilisations que nous faisons de l'énergie, la consommation sous forme électrique n'intervient que pour un quart du total. Les autres trois quarts relèvent d'usages directs de produits pétroliers dans les transports, l'industrie, les locaux. Les économies envisagées dans ce secteur se traduiront bien souvent par une augmentation des besoins en électricité : transports en commun, véhicules électriques, pompes à chaleur... Il ne faut donc pas s'attendre à un tassement de nos besoins en électricité, même en prenant en compte les économies qui pourront être effectuées.

Depuis 2008 une croissance soutenue de la consommation a été enregistrée dans le résidentiel et le tertiaire ; c'est la baisse dans l'industrie résultant de la crise économique qui a conduit à une stagnation de la consommation nationale totale d'électricité.

Henri Proglio, PDG d'EDF, a indiqué en juillet dernier que l'objectif d'une diminution de la part du nucléaire dans notre production d'électricité de 75 à 50 % en 2025 serait atteint mécaniquement sans construction de nouvelles unités. Mais alors, comment sera satisfaite l'autre moitié des besoins ?

Il faudra investir

Certes, un effort a été entrepris depuis plusieurs années pour encourager le développement des énergies renouvelables (ENR), éolien et solaire essentiellement. Mais il convient d'être réalistes, les délais seront longs avant que ces énergies prennent une place significative dans le bilan énergétique. Les experts prédisent qu'en 2025 elles couvriront 10 à 15 % de nos besoins. En ajoutant les 10 % de l'hydraulique, il reste encore un gap important à combler, même si une croissance économique insuffisante venait contredire quelque peu la prédiction de Henri Proglio.

La conclusion est claire : la France devrait investir dans de nouvelles centrales thermiques, soit classiques au charbon ou au gaz, soit nucléaires. Il ne s'agit pas ici d'aborder la polémique du pour ou contre le nucléaire mais, si on ne souhaite pas développer le parc nucléaire il faudra se résoudre à construire des unités brûlant du charbon ou du gaz, à l'instar de nos voisins allemands.

 

Matelas nucléaire trompeur

Partout dans le monde des investissements sont engagés pour satisfaire la croissance prévisible des besoins en électricité. En France, nous dormons sur notre matelas nucléaire, nous rêvons d'une stabilisation de nos besoins en électricité et comptons sur le développement des ENR pour compenser une baisse du nucléaire. Le réveil risque d'être brutal, bien avant 2025.

Aujourd'hui la première précaution à prendre de manière réaliste, serait de différer l'arrêt programmé de certaines unités de production classiques ou nucléaires qui sont en état de fonctionnement et ceci, indépendamment de toute question de principe.

Le signataire n'a pas l'outrecuidance de penser qu'il fait une découverte. Dans notre pays, les responsables au plus haut niveau sont certainement parfaitement au fait de cette situation. Henri Proglio a indiqué récemment qu'EDF a toujours su faire face aux défis énergétiques fixés par les pouvoirs publics. Mais alors, vers quel type de transition « électrique » s'orientent les pouvoirs publics ?

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