Le caviar d'Aquitaine dégaine son IGP face à la concurrence chinoise

Spécialité éminemment régionale avec 90 % de la production nationale, le caviar d'Aquitaine devrait obtenir début 2024 la reconnaissance européenne d'une indication géographique protégée (IGP). Un gage de transparence stratégique face à la concurrence internationale, notamment chinoise, sur un marché jugé « opaque ».
La Nouvelle-Aquitaine concentre les quatre plus gros producteurs français de caviar. Cet or noir se vend à plusieurs milliers d'euros le kilo.
La Nouvelle-Aquitaine concentre les quatre plus gros producteurs français de caviar. Cet or noir se vend à plusieurs milliers d'euros le kilo. (Crédits : Caviar de Neuvic)

Avec 50 tonnes d'œufs d'esturgeon par an, la France ne peut rivaliser en volume avec la Chine, qui produit 250 tonnes de ce mets emblématique et pèse, à elle seule, environ la moitié du marché mondial, devant l'Italie et la Pologne. Voilà pourquoi quatre des plus gros producteurs français, tous basés en Nouvelle-Aquitaine, ont initié il y a dix ans un lent processus pour obtenir cette toute première IGP européenne dédiée au caviar, espérée en mars ou avril 2024. Un nouveau label pour prendre le marché à « contre-courant », explique à l'AFP Laurent Dulau, directeur général de Sturgeon, leader français avec 20 tonnes par an.

« C'est un marché où, traditionnellement, le clair-obscur est de rigueur. La cupidité humaine fait qu'on peut tricher sur les origines, l'âge du caviar... Nous, on prend ça à rebrousse-poil, on n'a rien à cacher », lance-t-il.

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Il y a quelques jours, 17 kg de caviar, d'une valeur marchande de 35.000 euros, ont été détruits à Toulouse pour infraction à la réglementation, notamment sur l'identification de sa provenance.

Lisibilité et transparence

Laurent Dulau, qui préside l'association Caviar d'Aquitaine, promotrice de l'IGP, vante la lisibilité et la transparence du futur label pour le consommateur : « traçabilité totale, garantie d'origine, écoresponsabilité et écodurabilité des pratiques culturales, pas d'OGM, pas d'antibiotiques... »

Françoise Boisseaud, directrice générale de la maison de négoce Le Comptoir du Caviar, est "partante" pour pousser le label auprès de ses clients : « Exiger la transparence sur un marché resté assez opaque, travailler sur des standards de qualité, ça ne peut que renforcer la filière », juge-t-elle. « Mais il faut que derrière, ce ne soit pas que du marketing ! »

Le cahier des charges sera contrôlé par un organisme indépendant, Certipaq. Et Sturgeon (72 salariés, 13,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022) assure le mettre déjà en pratique. Avant les fêtes, qui représentent les deux tiers des ventes, ses employés s'activaient cette semaine sur l'un des sites de pisciculture à Saint-Fort-sur-Gironde (Charente-Maritime), où 32.000 esturgeons sont élevés dans 9 hectares de bassins.

2.000 à 3.000 euros le kg

Après les crues récentes, qui ont fait déborder certains bassins et mélangé les poissons, les femelles passent une à une à l'échographie pour les trier selon l'avancement de leur gestation. « Caviar ! », s'exclame l'opérateur, sonde en main, lorsque la femelle est mûre pour être abattue et ses œufs prélevés ; « pas prêt ! », quand le poisson mérite quelques semaines d'élevage supplémentaires ; et « surmature ! », quand la période idéale a été dépassée, renvoyant le poisson pour deux ans d'élevage. « L'IGP valide notre façon de travailler », résume Nicolas Proust, responsable de production piscicole chez Sturgeon. « Avec le bien-être du poisson, on a des œufs de meilleure qualité ».

Non loin de là, à Saint-Genis-de-Saintonge, des employées portant charlottes, blouses et gants blancs réceptionnent les œufs pour une série d'opérations minutieuses : examen de la fermeté, mesure, pesée, tamisage, rinçage et salage. Puis le caviar, trié par couleur et par taille, est conditionné manuellement dans les fameuses boîtes rondes en métal, où il sera affiné quelques mois avant d'être vendu 2.000 à 3.000 euros le kg, voire 10.000 euros pour les produits les plus prestigieux.

90 % de la production française

Fruit de la présence endémique d'esturgeons dans les estuaires en Aquitaine, la culture du caviar s'est développée à partir des années 1920, lorsque les Russes blancs exilés ont fait découvrir au Paris des "Années folles" l'or noir et sa richesse aromatique : goût de beurre, d'olive, de fruits à coque, d'avocat...

Environ 90 % de la production française provient d'élevages de la région et sera donc éligible au nouveau label. « La France est un petit pays », relève Françoise Boisseaud. « On va de toute façon être contraints à un marché de valeur, et non de volume. C'est stratégique. »

« Ça va assainir le marché européen », veut croire Laurent Sabeau, directeur général de Prunier Manufacture, l'un des trois autres producteurs adhérents à la future IGP avec L'Esturgeonnière et Caviar de France. « Si vous allez sur le terrain de la quantité et des prix avec les Chinois, vous êtes mort. Donc, il faut qu'on fasse mieux », conclut le dirigeant, dont l'entreprise réalise 80% de ses ventes à l'exportation.

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Commentaires 2
à écrit le 28/12/2023 à 10:36
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Il faut quand même préciser que le caviar chinois est de très haute qualité, reconnu et présent dans tous les restaurants étoilés. Faire sous-entendre le contraire est mesquin.

le 29/12/2023 à 17:53
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Non pas le caviar chinois mais une partie du caviar chinois. « L'origine chinoise a une connotation négative qui n'est pas justifiée, abonde Armen Petrossian. Mais il ne faut pas être manichéen non plus : s'il y a du caviar chinois exceptionnel, il ...

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