La réunion du comité de suivi consacré à FAI, organisée hier à Bordeaux par le préfet de la région Aquitaine, Pierre Dartout, a mobilisé pendant plus de deux heures services de l'Etat, élus concernés, représentants de Ford Europe et du comité d'entreprise, des syndicats CGT, CFTC, FO et CFE-CGC. En plus du maintien des 1.000 emplois dans cette usine spécialisée dans la fabrication de boîtes de vitesses automatiques, les représentants des salariés estiment que l'avenir de l'usine manque de visibilité. Jusque-là ils s'inquiétaient en particulier du désintérêt des élus au sujet de cet important dossier industriel pour lequel ces derniers se sont mobilisés par le passé.

Les cadres mobilisés

Premier sujet de satisfaction côté syndical, les élus réunis hier à la résidence préfectorale semblent avoir pris conscience du bien-fondé de l'inquiétude des syndicats. "Les accords négociés en 2013 entre Ford Europe, les collectivités et les services de l'Etat ont une durée de cinq ans, jusqu'à 2018, et les élus ont bien vu que la direction européenne du groupe n'avait aucun chiffre à donner après 2016. Ce qui les a fait réagir", résume ainsi Philippe Poutou (CGT), pour qui la présence des cadres de l'entreprise dans le mouvement, via la CFE-CGC, est une première très significative sur l'intensité de l'angoisse générale.

Les élus locaux circonspects

Dans un communiqué commun, Catherine Veyssy, vice-présidente de la Région, Christine Bost, 1re vice-présidente du Conseil départemental de la Gironde, Bernard Castagnet, vice-président du Département chargé du développement économique, Pascale Got, députée de la Gironde, et Véronique Ferreira, maire de Blanquefort, confirment leur réaction. "Si les dirigeants de Ford ont assuré la stabilité de l'emploi pour l'année 2016, les élus restent prudents à moyen terme car les dirigeants de Ford Europe n'ont pas pris d'engagement concernant les nouvelles productions qui pourraient être attribuées à Ford Aquitaine Industries", soulignent ainsi les élus. Rien à voir avec de la mauvaise volonté répond-on en substance du côté de la direction de FAI.

Nouveau plan en 2016

Les trois représentants de Ford Europe qui sont venus hier lundi à Blanquefort, Kieran Cahill, directeur ingénierie moteur et transmissions, Andrew McCall, vice-président des relations institutionnelles, et Steve Evison, directeur des affaires sociales, n'avaient rien à cacher, défend-on à la direction. Dirk Heller, président de FAI, était excusé car malade.

"Ces trois représentants ont expliqué aux élus et services de l'Etat comment se construit le plan produit de Ford dans le monde. Tous les services du groupe sont mobilisés et tout le monde fait ses recommandations pour élaborer le nouveau plan produit qui prendra la suite du plan actuel. Ensuite Ford arrête son plan à court, moyen et long terme et recherche des sources d'approvisionnement, en moteurs, cylindres, transmissions, etc. Les usines du groupe, explique une source proche de la direction de FAI, posent alors leurs candidatures pour dire je suis intéressée par ce projet, voici mes atouts... Ford Europe, poursuit notre interlocuteur, travaille avec des équipes locales qui vont être sélectionnées et ses trois représentants ont bien précisé qu'ils ne doutaient pas des capacités de FAI. La prochaine affectation produit pour le nouveau plan de Ford aura lieu le 1er semestre 2016."

L'ombre de Magna

L'usine Ford Aquitaine Industries est voisine de quelques dizaines de mètres de celle de Getrag Ford Transmissions (GFT), coentreprise des groupes Getrag et Ford, spécialisée dans la fabrication de boîtes de vitesses manuelles. Les deux usines fonctionnent quasiment en binôme et l'annonce de la cession de Getrag au groupe canadien Magna, un sous-traitant de l'industrie automobile de taille mondiale, suscite des interrogations.

"Nous avons demandé à ce que Ford reprenne le contrôle à 100 % de GFT. Les représentants de Ford Europe ont dit qu'ils suivaient le dossier de près. La cession de Getrag à Magna va créer de nouveaux rapports de force, à cause de la puissance du groupe canadien. Et puisque Ford veut faire des usines de FAI et GFT un centre d'excellence automobile à Blanquefort, la meilleure solution serait que Ford reprenne GFT", analyse ainsi Philippe Poutou.

GFT Blanquefort, une pépite internationale

La direction de FAI reste zen.

"Les représentants de Ford Europe ont répondu qu'il y avait des discussions entre Magna et la famille propriétaire de Getrag. La vente n'est pas encore faite. Et puis Magna est un partenaire ancien et de premier plan pour Ford. En cas de vente, aucun des accords commerciaux ne sera remis en question. GFT fournit 95 % du 1,5 million de transmissions manuelles que Ford consomme chaque année. L'usine GFT de Blanquefort est l'une des plus performantes au monde, une pépite. Il est difficile de penser que Magna puisse déstructurer GFT même s'il y a un changement de nom", souligne cette source proche de la direction.

Aucun nouveau rendez-vous n'a été fixé mais, incontestablement, Ford Aquitaine Industries vient de grimper en haut de la pile de dossiers que traite le préfet de la région Aquitaine.