« Il y avait un vrai ras-le-bol des électeurs » : le regard des Français de Londres sur les législatives

AQUITAINS D'AILLEURS. À gauche toute ! A trois jours d'intervalle, le Royaume-Uni puis la France ont basculé au soir d'élections législatives anticipées très attendues. Il serait tentant de faire un parallèle, mais les deux situations sont bien différentes, assurent ces trois Français de Nouvelle-Aquitaine installés de longue date à Londres.
Il serait tentant de faire un parallèle entre les résultats des élections législatives en France et au Royaume-uni mais les deux situations sont bien différentes.
Il serait tentant de faire un parallèle entre les résultats des élections législatives en France et au Royaume-uni mais les deux situations sont bien différentes. (Crédits : TOBY MELVILLE)

Autant le score du « Nouveau front populaire », la coalition de gauche arrivée en tête dimanche dernier en France, a surpris, autant la victoire écrasante des travaillistes de Keir Starmer trois jours plus tôt au Royaume-Uni était attendue. « Depuis six mois, c'était acté, les sondages donnaient de manière très cohérente le « Labour » en tête, assure Mathias Favetto, Bordelais d'adoption et responsable d'équipe au sein du fonds d'investissement américain Blackstone. La seule question qui subsistait, c'était l'écart entre les deux formations. »

Ce fut donc un raz-de-marée avec à la clé une majorité absolue pour la gauche au parlement britannique qui met donc fin à 14 années de pouvoir des conservateurs. « Il y a plusieurs raisons à cela, analyse le Français. Bien sûr le Brexit a joué mais aussi l'hyperinflation très prononcée ici, jusqu'à 20 % environ au plus fort de la crise, en 2021-2022. Elle est aujourd'hui terminée mais le pouvoir d'achat s'est dégradé davantage qu'en France parce que l'indépendance énergétique est moindre au Royaume-Uni. Il y avait surtout un vrai ras-le-bol et une envie d'alternance. Certains ont voté pour le Labour juste pour changer. »

Un accès étendu aux médias

Le scrutin de jeudi dernier a aussi été marqué par la percée historique au sein du parlement britannique du parti d'extrême droite « Reform UK» de Nigel Farel. « Sa progression reflète surtout un vote de protestation contre les conservateurs venant de leurs partisans les plus à droite et leur reprochant de ne pas avoir réussi à arrêter ou diminuer l'immigration, que devait pourtant résoudre le Brexit que ce même parti conservateur avait fait voter et mis en place ! », observe Christophe Noblet, qui travaille dans l'urbanisme, le cadre de vie et le transport durable dans le centre de Londres et qui partage sa vie entre Londres et Ascain, au Pays basque.

L'une des grandes questions au lendemain des élections de jeudi dernier va être de savoir s'il y aura ou non rapprochement entre ce qui reste du parti conservateur et « Reform UK ». « Être enfin parvenu à devenir député va permettre à Nigel Farage d'avoir à une large tribune à Westminster (siège du parlement britannique, ndlr) en plus de l'accès étendu aux médias dont il dispose déjà », ajoute le Français.

Se rendre à la réalité

Déferlante de la gauche, poussée de l'extrême droite, recul de la majorité sortante... Vu d'avion, le scénario au Royaume-Uni ressemble à celui de dimanche dernier en France mais à y regarder de plus près, les situations sont bien ifférentes. « Dans les deux cas, c'est bien une montée de la gauche mais au Royaume-Uni, le « Labour » a beaucoup évolué car il a bien compris, après des échecs successifs et cuisants, qu'il ne pourrait pas arriver au pouvoir en étant trop à gauche », témoigne le bordelais David Blanc, installé depuis 30 ans à Londres, franco-britannique et associé-gérant d'une société de capital-investissement. « Je ne suis pas sûr qu'en France la gauche ait encore saisi cela. Certains politologues affirment qu'il faudra d'abord qu'elle essuie une motion de censure et un renversement de son premier gouvernement pour se rendre à la réalité ».

L'entrepreneur français, et qui tient à préciser que ses propos n'engagent que lui, estime aussi que ce vote de ras-le-bol a été constaté dans de nombreux pays, au-delà de la France et du Royaume-Uni. « Nous faisons face à une crise économique mondiale difficile à combattre pays par pays, regrette-t-il, et nous constatons partout la montée des extrêmes et du populisme. Chacun voit midi à sa porte et blâme ses propres dirigeants ! »

Colère et frustration

Reste que la question commune à ces deux élections est celle du mode de scrutin, sans dose de proportionnelle, et de son impact sur un électorat qui a le sentiment de s'être fait voler son vote. « Avec 14.3 % des voix au Royaume-Uni, « Reform UK » n'obtient que 0.8 % des députés, note Christophe Noblet. En France, le RN a fini en tête du premier tour avec 34 % des voix. Il se retrouve - à la suite des désistements et du barrage républicain - dans l'opposition et très loin d'une majorité même relative qui lui semblait promise. Cette situation tend à créer de la colère et de la frustration parmi ses électeurs ».

Une autre surprise des législatives au Royaume-Uni est la percée inattendue des Démocrates libéraux ( les « Lib Dems ») avec 72 députés, de retour sur le devant de la scène politique britannique comme troisième force politique du pays.

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